Quelques jours après le Congrès des Maires de France, c’est au tour de l’UNEL, l’Union Nationale des Élus Locaux de faire part de leurs inquiétudes. Elle appelle à un "renouveau démocratique local". Depuis les dernières élections en 2020, pas moins de 2 400 maires et 13 000 élus municipaux ont claqué la porte.
"Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les élus...", Solène Le Monnier, la présidente de l’Union Nationale des Élus Locaux (UNEL) a pris la plume pour écrire une Lettre ouverte : " La démocratie locale en France traverse une crise profonde. Un fossé grandissant sépare les élus locaux des citoyens".
📢 Urgence d’un renouveau démocratique local !
— Le monnier Solene (@LMPSolene) November 22, 2024
Nous lançons aujourd'hui un appel à l’action pour une réforme concrète.#DémocratieLocale #Réforme #CitoyensEngagés #UnionElusLocaux
👉 Lien vers la lettre ouvertehttps://t.co/NGO6JQOMCR
"On entend les cris des maires, mais pas ceux des conseillers municipaux", regrette-t-elle. "Pourtant la crise est grave. Ces derniers mois, 3% des maires ont rendu leur écharpe, c’est aussi le cas de 7% des conseillers municipaux !"
Des conseillers municipaux "figurants"
Corinne Terrien fait partie de ces élus qui ont jeté l’éponge. En 2020, entrait au conseil municipal de Penestin, dans le Morbihan, "au terme d’une très belle campagne" dit-elle. C’était son premier engagement en politique. Elle était prête à donner de son temps, de son énergie. Elle avait donc décidé de se présenter par amour pour sa commune.
Mais en politique aussi, les histoires d’amour finissent parfois mal. "À partir du moment où les postes d’adjoint ont été distribués, tout a basculé, se souvient-elle. Tout était décidé en coulisses, à l’avance. Toutes les décisions étaient prises à 4 ou 5 personnes, nous, on ne servait plus à rien."
Les semaines, les mois passent. La colère monte chez la conseillère municipale qui fait partie de la commission urbanisme : "on faisait une première réunion, sans la minorité, et ensuite, une deuxième où ils étaient conviés… Mais tout avait déjà été tranché !"
"Il n’y avait jamais aucun débat pendant les conseils municipaux, regrette-t-elle. Un jour, un adjoint m’a dit que je n’étais pas une bonne élue parce qu’un bon élu ça vote toujours comme son maire."
"Ce n’est pas cela la démocratie. Quand on met une question au vote, si tout le monde est d’accord, c’est qu’il y a un problème. Il doit y avoir des débats."
Huit démissions du conseil municipal
Un jour, elle apprend que la mairie a vendu des bâtiments, une goutte d’eau qui fait déborder un vase déjà bien plein. "On s’est dit, ça n’est plus la peine d’y aller ! "
Ce jour de fin juin 2023, ils sont huit à donner leur démission. "On avait décidé qu’au conseil suivant, on allait tous déposer notre lettre se souvient-elle. On s’est tous levés, on a posé notre démission et nous sommes partis."
La morbihannaise Solène Le Monnier dresse le même constat et s’inquiète. "Les conseillers municipaux sont aujourd’hui réduits à un rôle de figurants. Les conseils municipaux sont devenus des chambres d’enregistrement." Elle dénonce un système "non inefficace, mais aussi antidémocratique qui prive les conseillers de toute véritable capacité d’influence sur les décisions locales".
En discutant avec ces élus, elle entend leur désarroi : "Ils arrivent avec de grandes idées, plein d’envies pour leurs communes et en fait ils découvrent qu’ils sont juste utiles pour voter le budget avec le quorum."
Pourtant, elle le constate, un maire ne peut pas gérer seul sa commune. "Le maire, bien qu’il porte la lourde responsabilité de la gestion quotidienne de la commune, se retrouve souvent isolé. La concentration excessive des pouvoirs entre ses mains crée une forme de gouvernance solitaire." Résultat, les maires craquent et leurs conseillers aussi !
Un statut de l’élu
Un statut de l’élu est actuellement en discussion au Sénat et à l’Assemblée nationale. Solène Le Monnier plaide pour une réforme du rôle des conseillers municipaux : "ils doivent être véritablement impliqués dans la gestion de la commune, explique-t-elle et tous les élus locaux doivent être mieux soutenus, formés et reconnus dans leur fonction. Il faut remettre du contre-pouvoir dans les conseils municipaux insiste-t-elle, sinon demain, plus personne ne voudra se présenter."
"C’est normal qu’ils aient de plus en plus de mal à trouver du monde, justifie Corinne Terrien. On n’a pas de reconnaissance… Au contraire, on nous met la pression et on nous dégoûte."
Mais à Pénestin, elle et d’autres réfléchissent à monter une liste pour les prochaines élections municipales. Elle rêve d’une mairie où tout le monde aurait son mot à dire. "Il ne faut pas que les maires aient tous les pouvoirs, indique-t-elle, il faudrait une gouvernance partagée".
Et elle conclut : "Nous ne sommes pas des moutons de Panurge. Sur un conseil municipal de 19, il faut que les dossiers soient votés par 19 personnes."