La patache "Juanita Larando", une réplique d'un caboteur du 18ème siècle, fait partie de la flottille des bateaux de la semaine du Golfe. Sortie du chantier naval d'Albaola basé à Pasaia, au pays basque espagnol, elle navigue à la rame et à la voile, telles les embarcations traditionnelles de là-bas. Un joyau du patrimoine local et de la piraterie d'autrefois.
Xabi Agote parle un français parfait. Des yeux clairs rieurs, une barbe poivre et sel, un béret basque vissé sur le crâne , avec une vareuse safrannée comme tenue : il est le patron de la patache " Juanita Larando" et président de l'association Albaola et de son chantier naval , où le caboteur "Juanita Larando" a été fabriqué , d'après des plans d'époque datant du 18éme siècle. C'est en 2018 que l'embarcation de 15 mètres de long sur 3,5 mètres de large est mise à l'eau , intégralement construite de la coque au gréément, de la matûre aux cordres et aux voiles, pour faire revivre les métiers de la mer disparus.
Des conditions de traversée rudes
L'équipage a fait un long périple en mer pour ralier le Golfe du Morbihan afin de naviguer autour des îles. 300 miles parcourus depuis Pasaia avec une escale à Bordeaux, jusqu'à l'arrivée à Vannes. Une traversée avec des conditions un peu rudes." Pour les navigations, on se déplace uniquement à la voile. Une dizaine d'hommes sur les vingt ont fait la traversée en bateau, les autres nous on rejoins par la route" explique Xabi.
On a fait quatre jours de navigation pour arriver. La nuit, c'était sportif car il faisait froid. C'était des nuits de pleine lune avec une température de quatre degrés environ et en mer, on dort tous sous une voile qui nous sert de couverture sur le pont.
Xabi AgotePatron de la Patache Juanita Larando"
A la rame ou à la voile
Le modèle des pataches, ce sont deux grandes voiles hauturières et des avirons pour une vingtaine d'hommes. Un bateau "voile-aviron" typique du pays basque. Au choix donc : la propulsion à la force des bras des rameurs ou la force des vents ! "Chez nous,il n'y a pas de vents réguliers, c'est pour cela que ces embarcations ont été conçues, idéales pour les marins et les pêcheurs qui peuvent ramer si les vents tombent."
Et c'est pour ces qualités que les pirates d'autrefois avaient également adopté ces bateaux. La "Juanita Larando" tient son nom de baptême d'une célèbre corsaire du roi d'espagne du 17ème siècle, basée à Saint-Sébastien. Avec ses trois pataches, elle pouvait aborder à la rame les navires à piller avec une extrême rapidité.
C'est lors des manoeuvres que Xabi et ses compagnons utilisent eux aussi les rames pour plus de dexterité. Et quand on évoque la force physique nécessaire au travail, il précise : "pas besoin d'être très musclé ! Ce qui compte, c'est d'abord la volonté. Il y a des filles avec nous, elles fonctionnent au mental et ça rame tout aussi bien !"
Il faut écouter ce bateau comme un violon
Construit sur plan d'époque, le caboteur a pris vie sous les yeux de Xabi. Ancien charpentier de marine, il parle de cette réalisation avec une belle poésie : "C'est un objet du patrimoine maritime qui a pris forme devant nous. On a peu à peu découvert ses volumes, c'était passionnant !" Mais, il faut ensuite déceler ses secrets pour retrouver son savoir-faire. On ne sait pas comment navigue une patache avant de la mettre à l'eau !"
Il faut comprendre et écouter : un bateau en bois, c'est comme un violon ! Il faut accorder les bouts comme des cordes d'instruments et l'affiner pour qu'il sonne juste quand on navigue.
Xabi AgotePatron de la "Juanita" Larando"
Comme des pirates de l'époque, les Basques espagnols ont emmené sur leur embarcation 500 bouteilles de cidre de chez eux et 150 bouteilles de vins de Bordeaux chargées lors d'une escale. Ce n'est pas un butin qu'ils vont offrir pour la semaine du Golfe. Mais un geste symbolique pour mettre en avant la navigation décarbonée plus respectueuse de l'environnement et tester d'autres transports futurs dans cette optique.
Voici plusieurs années que ces voisins viennent au rendez-vous de la semaine du Golfe. Un rassemblement presque comme un modèle, puisque Le Chantier d'Albaola est à l'origine du festival Itsas Festibala, qui se déroulera chez eux à Pasaia du 9 au 12 mai 2024.