Rewild, un groupement de 7 associations dont Sea Shepherd, s'est positionné pour racheter le zoo de Pont Scorff, dans le Morbihan, en difficultés judiciaires. La campagne de dons pour acquérir le parc est un succès. En revanche, les premières réactions constrastent l'enthousiasme général.
200 000 euros récoltés en 24 heures ... La cagnotte en ligne pour racheter le zoo de Pont-Scorff a déjà reçu plus de 14 000 dons. C'est l'organisation Rewild qui a signé le compromis de vente, mercredi 17 décembre. Avant de devenir officiellement propriétaire des lieux, elle doit collecter 600 000 euros pour garantir l'achat du parc zoologique.
Un projet ambitieux, le premier en France à proposer cette reconversion.
Le regroupement de 7 associations - Sea Shepherd, Centre Athénas, Hisa, Le Biome, One Voice, Wildlife Angels, Darwin - est co-présidée par trois femmes, dont Lamya Essemlali. Ce mercredi soir, 8 heures après la création de la cagnotte, plus de 100 00 euros de dons avaient déjà été levés.Pour la co-présidente de Rewild, et présidente de Sea Shepherd France, cette levée de fond fonctionne très bien. "Mais la somme à lever est importante donc on a une bonne pression. Si on n'y arrive pas, on va devoir rendre les clés du zoo" nous explisque-t-elle. "On sera soulagé quand on aura vraiment sécurisé l'achat. Il faut que l'engouement se maintienne."
"Ce centre est déjà précurseur dans le monde. On n'a jamais vu un zoo être racheté pour devenir un centre de réhabilitation d'animaux sauvages. La Bretagne aura de quoi être fière de ce nouvel espace", sourit Lamya Essemlali.
On découvre la co-présidente de Rewild dans les travées du zoo de Pont-Scorff, expliquant son projet, dans une vidéo virale sur Francetv Slash. Elle appuie une forte campagne de sensibilisation sur les réseaux sociaux, avec le soutien du journaliste Hugo Clément, qui commente la vidéo.
Le travail au zoo commence déjà
Ce jeudi, une équipe s'installe au zoo alors que la cagnotte n'a été lancée que la veille.
"L'urgence absolue est d'améliorer le quotidien et les conditions de détention des animaux. On a des phoques qui sont maintenus dans un bassin d'eau douce au lieu d'un milieu marin. Cela occasionne un flot de pathologies. Il y en a un qui est quasi aveugle à cause de ça. L'urgence est de travailler sur leur bassin qui est normalement adapté aux otaries", souligne Lamya Essemlali.
Le premier travail de l'organisation est de faire un état des lieux des animaux, puis des infrastructures. Pour la suite, Rewild s'est donné comme budget près de 100 000 euros par mois pour répondre aux frais nécessaires du parc.
Les premières réactions sont constrastées
Vétérinaire, président de zoo, expert.. Nous avons contacté plusieurs personnes qui ont suivi l'évolution du zoo de Pont-Scorff. Aujourd'hui, cette annonce de centre de réhabilitation est associé à un "fantasme".
Le cabinet du Docteur Potier a suivi les animaux de Pont-Scorff entre 2015 et 2017. Ce vétérinaire est spécialisé dans le suivi des animaux sauvages présents dans les zoos. Sa dernière visite date d'il y a un mois.
"Je crois que ce projet va se heurter au mur de la réalité" nous explique-t-il. "pour les réhabiliter, il faudrait qu'il y ait un besoin de les réhabiliter".
Les veaux de mer - phoques - ne sont pas en voie de disparition, et ces animaux pourraient in fine en faire les frais car ils ont toujours vécu en captivité", s'inquiète-t-il.
"Réhabiliter les animaux du zoo de Pont-Scorff c'est une grande fumisterie. Est-ce souhaitable pour les girafes ? Est-ce qu'elles seront mieux ?", s'interroge le vétérinaire.
Le président de l'association des parcs zoologiques de France et directeur du zoo de Beauval, Rodolphe Delord, dresse le même constat.
"Déjà le zoo de Pont Scorff a pris de nombreux retards, je l'ai inspecté en avril dernier" détaille-t-il. "On leur a donné 6 mois pour faire un certain nombre de travaux, en terme de bien-être animal, de sécurité."
très peu d'animaux peuvent être réhabilités
"Les parcs zoologiques participent à de nombreux sauvetages, mais la réhabilitation est extrêmement difficile" poursuit Rodolphe Delord, "ça ne peut pas se faire n'importe comment. On parle de sanctuaire zoologique, mais de quoi parle-t-on ?"
Selon Rodolphe Delord et d'après ses dernières constatations, très peu d'animaux du zoo de Pont-Scorff peuvent être effectivement réhabilités. "Ce sont des animaux qui n'appartiennent pas au zoo, mais au programme d'élevage européen, et il faudra l'aval de beaucoup d'institutions" argumente-t-il.
Des lourdeurs administratives, mais aussi de temps. Rodolphe Delord a déjà réintroduit avec le zoo de Beauval des espèces: "mais cela prend des années, c'est très très long".
Le président du zoo de Beauval explique qu'avec un budget mensuel de 100 000 euros, les associations ne pourront nourrir que les animaux. "Et pourtant il y a des travaux d'urgence en terme de sécurité, en terme de bien être animal et il y a du personnel à embaucher et une quinzaine de salariés à payer."
Un projet encourageant
Un autre témoin - qui souhaite rester anonyme - nous a confirmé que ce projet était encourageant sur le principe. D'ailleurs, "une voie contraire n'est pas audible, qui peut être contre ?" se demande-t-il.
Mais il nuance: "on peut tous être pour, mais c'est une grosse connerie parce que les 3/4 des animaux sont nées en captivité."
"On ne sait même pas si les animaux récupérés des trafics n'étaient pas en captivité", souligne notre source.
L'avenir du Wild Rescue Center
Rewild souhaite trouver à ce lieu qui sera baptisé le Wild Rescue Center - un centre de réhabilitation de la faune sauvage - un avenir prospère. "Forcément, au début, on va dépendre des dons. Mais à terme, on ne veut pas en être dépendant" explique Lamya Essemlali."On a pensé à une économie novatrice. Le lieu va rester ouvert au public mais les animaux ne seront plus exposés au public. On ne veut pas perturber leur réhabilitation, on veut faire vivre l'endroit sans exploiter les animaux" détaille-t-elle.
aimer les animaux sauvages, c'est les aimer .. de loin !
"Le projet c'est de proposer un restaurant végétalien, une boutique de produits Rewild, des habitats écologiques, des lieux de conférences, des ateliers en réalité virtuelle et des expositions."
Les gens qui viendront sur place pourront suivre sur écran les animaux, sans les perturber. Les gens pourront se sentir proche, sans qu'il y ait une proximité physique.
Le mantra de Lamya Essemlali, c'est : "aimer les animaux sauvages, c'est les aimer .. de loin !"
L'objectif c'est de renvoyer le plus d'animaux possibles dans leur habitat naturel. Mais aussi de récupérer les animaux des trafics, car aujourd'hui il n'y a pas de point de chute pour eux. Demain, le centre Wild Rescue Center en sera un.
Après la destruction des habitats naturels, le trafic et le commerce d'animaux sauvages sont la deuxième cause de disparition des animaux sauvages.
Un appel à bénévoles
L'association pourrait avoir besoin de bras, dès l'obtention des 600 000 euros.
"On va avoir besoin de beaucoup de choses ; de bénévoles, de compétences. On a récupéré les clés il y a moins de 48 heures" explique Lamya Essemlali. "Une fois la somme de rachat atteinte, on va faire un état des lieux des besoins et tout sera mis à jour sur le site internet de Rewild".
L'accueil des bénévoles est prévu, avec un pôle d'hébergement.
Une inquiétude planait autour du chalet pour personnes atteintes de troubles autistiques."Elles ont tout à fait leur place dans le projet. Nous avons des activités nouvelles à leur proposer, comme le projet d'une recyclerie, répond tout de suite la présidente de Sea Shepherd France. En arrivant sur place, on n'exclut personne. Tout le monde est le bienvenue pour nous aider."