Gwenaël Le Goffic s'est suicidé en mars 2014, sur son lieu de travail. Il était chauffeur-livreur dans l'entreprise Triskalia à Plouisy. Sa femme et ses enfants demandent la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur. Une audience en appel se déroule ce mercredi après-midi à Rennes.
"Triskalia a détruit des vies. La mienne et celles de mes enfants, il y a six ans. La vie de Gwenaël, elle est restée dans ce bâtiment". Edith Le Goffic hésite entre colère et tristesse depuis le suicide de son mari en 2014, sur son lieu de travail. Le bâtiment qu'elle évoque, c'est celui de la coopérative agricole Triskalia, à Plouisy, dans les Côtes d'Armor.Gwenaël Le Goffic était chauffeur-livreur dans l'entreprise et assurait la livraison d'aliments médicamenteux pour les porcelets, "sans masque ni gant ni aucune protection, assure sa veuve. Même le bâtiment, aujourd'hui fermé, n'était pas aux normes".
"Cela fait deux ans que j'attends cette audience en appel"
Ce 14 octobre, Edith Le Goffic attend beaucoup de l'audience à la Cour d'appel de Rennes. Elle espère que, cette fois, la faute inexcusable de l'employeur sera reconnue. "Cela fait deux ans que j'attends cette audience. C'est long, très long. Et c'est très douloureux" confie cette femme qui a mis son chagrin de côté pour mener le combat contre le groupe agroalimentaire.
Le 3 septembre 2015, le Tribunal des affaires de sécurité sociale de Saint-Brieuc avait requalifié le suicide de Gwenaël Le Goffic en accident du travail. Le 27 septembre 2018, ce même tribunal n'avait pas reconnu la faute inexcusable de l'employeur. Edith avait donc décidé de faire appel de cette décision avec, à ses côtés, le collectif de soutien aux victimes des pesticides et l'Union régionale Solidaires de Bretagne.
Mon mari s'est suicidé car il était épuisé. Il se posait beaucoup de questions sur les risques qu'il prenait en chargeant tous ces produits
"Il a été intoxiqué deux mois avant de mettre fin à ses jours, raconte Edith Le Goffic, suite à un accident avec un sac d'aliment médicamenteux qui s'était percé. A partir de là, sa santé s'est dégradée". Le chauffeur-livreur avait été hospitalisé, pour une douleur violente aux yeux, des brûlures au visage et une forte conjonctivite. Elle relate aussi, qu'après un long arrêt de travail entre 2012 et 2013, Gwenaël n'a jamais pu bénéficier du mi-temps thérapeutique auquel il avait droit. "Triskalia ne l'a pas mis en place. Il faisait même des journées de plus de douze heures avant son suicide".
Le 21 mars 2014, Gwénaël Le Goffic appelle sa femme. "Il m'a dit : 'je n'en peux plus'. Ce sont ses derniers mots" confie Edith.
Il a fallu tenir pendant ces six années. C'était dur pour mes enfants. Mais j'ai tenu. Ils ont essayé de faire passer Gwenaël pour quelqu'un de fragile. Et ça, c'est insupportable
A la mort de son mari, Edith Le Goffic se rend chez Triskalia. "Je venais récupérer les affaires de Gwenaël. J'ai demandé à voir le bâtiment où il s'est suicidé. J'en avais besoin. C'est là que j'ai mesuré dans quelles conditions il travaillait, lui, mais aussi ses collègues. J'ai vu toutes ces particules de poussières certainement chargées de produits dangereux qui tombaient sur eux. J'ai vu l'ampleur des dégâts".
La Cour d'appel de Rennes rendra son délibéré le 6 janvier 2021.