Le Parquet national financier a ouvert une enquête préliminaire pour "recel de délit d'atteinte à l'égalité des candidats " dans l'attribution du marché public du parc éolien de la Baie de Saint-Brieuc à Ailes Marines, filiale de la multinationale de l'énergie Iberdrola.
La justice se penche sur la procédure d'attribution du parc éolien marin de la Baie de Saint-Brieuc, alors que les travaux de construction ont commencé en mai 2021.
Le Parquet national financier vient d'ouvrir une enquête préliminaire pour "recel de délit d'atteinte à l'égalité des candidats dans les marchés publics" appelé aussi recel de favoritisme dans l'attribution du marché public du parc éolien de la Baie de Saint-Brieuc à Ailes Marines, filiale du géant espagnol de l'énergie Iberdrola.
Cette décision de justice fait suite à la plainte déposée par le Comité des pêches des Côtes d'armor le 27 août 2021 auprès du Parquet national financier.
En avril 2012, la filiale d'Iberdrola avait été choisie par les ministres de l'Ecologie et de l'Industrie pour la construction du parc alors que la société concurrente "Eolien maritime France" ( filiale à 50% d'EDF ) avait remporté l'appel d'offre, désignée lauréate par la Commission de régulation de l'énergie.
Une attribution entachée d'irrégularités
Une attribution entachée d'irrégularités, dénoncée par les opposants au projet et reconnue par le Conseil d'Etat dans deux décisions de 2019. "L'exécutif a pris en compte des conditions qui n'avaient pas été incluses dans le cahier des charges pour favoriser Ailes Marines plutôt que la société lauréate" ont précisé les avocats du Comité des pêches. Le Conseil d'Etat s'est alors contenté de condamner l'Etat à verser 2,5 millions d'indemnité à la société écartée illégalement. Sans pour autant remettre en question la marche du projet. L'ouverture d'une enquête judiciaire pourrait changer la donne.
Dès lors qu’un risque pénal sérieux pèse sur l’opérateur, les cartes peuvent être rebattues. Il subsiste des zones d'ombre que seules des investigations pénales seront à même de lever,
Pour les associations de défense de l'environnement comme pour les pêcheurs qui bataillent ferme contre le parc éolien, ce rebondissement pénal redonne espoir.
"On s'époumone depuis 9 ans pour faire entendre que l'attribution est illégale, que cette électricité éolienne est la plus chère du monde. Tout ce projet s'accompagne d'irrégularités depuis le début. L'ouverture de cette enquête est un vrai soulagement. On espère que l'illégalité sera sanctionnée" Katherine Poujol de l'association Gardez les Caps
Alain Coudray, le président du comité des pêches affiche également la satisfaction d'être enfin entendu. Pour autant, les pêcheurs restent sur leurs gardes. " Les juges reconnaissent l'illégalité mais aucune décision n'entrave la marche du projet jusqu'à présent " regrette Grégory Métayer, patron pêcheur et vice-président du comité des pêches.
Des plaintes en cascade
Fin août, les pêcheurs ont déposé une plainte auprès du Parquet de Brest contre "l'intégralité du projet", notamment pour "rejet de substance polluante" et atteinte à la conservation des espèces animales non domestiques".
Le 24 septembre, le Comité départemental des pêches a par ailleurs saisi le Tribunal administratif de Rennes de deux recours. L'un pour excès de pouvoir, l'autre en référé en suspension. La requête concerne la suspension puis l’annulation de l’arrêté du Préfet maritime de l’Atlantique autorisant l'Aeolus à se rendre sur le chantier du parc éolien marin. Le navire qui opère les forages devait initialement quitté la Baie début octobre, il a finalement l'autorisation de poursuivre les travaux jusqu'à début novembre. Le Tribunal administratif de Rennes doit trancher le 7 octobre 2021.
La saison de la pêche à la coquille Saint-Jacques démarre lundi 4 octobre alors que l'Aeolus est toujours sur site. Le bateau de chantier a subi plusieurs fuites de liquide hydraulique pendant l'été. Les pêcheurs estiment qu'il serait "inacceptable que le navire Aeolus ne soit pas immobilisé pendant cette période très importante pour le secteur de la pêche compte tenu des très graves risques mentionnés".
Reportage de Léa Wolber, Karine Hannedouche et Frédéric Bonnafous