Décomplexé dans la tête, le petit grimpeur breton David Gaudu a franchi un cap sur Paris-Nice et s'affirme comme un prétendant sérieux pour le Tour de France en juillet.
Cela restera comme l'image marquante de la semaine: voir le maillot bleu nuit du coureur de la Groupama-FDJ virevolter samedi dans le col de la Couillole, au milieu des tuniques jaunes des deux meilleurs coureurs de classement général au monde a frappé les esprits, à moins de quatre mois de la Grande Boucle, où le Finistérien visera plus que jamais une place sur le podium.
Deuxième dimanche à Nice, meilleur résultat français depuis Sandy Casar en 2002, il n'aura été battu que par Tadej Pogacar, pour 53 secondes, alors que lui-même devance de 46 secondes le vainqueur du dernier Tour, Jonas Vingegaard.
"On a ici ce qui se fait de mieux en montagne et David s'est mis parmi eux", applaudit Romain Bardet, deuxième du Tour en 2016, et référence française depuis dix ans, dès que la pente s'élève.
Pour Gaudu, quel contraste en une semaine. Le samedi précédent le départ, sous la grisaille de la région parisienne, il était surtout occupé à déminer la polémique avec son coéquipier Arnaud Démare qu'il avait étrillé sur les réseaux sociaux avant de s'excuser platement.
"Pas peur de jouer avec les meilleurs"
Huit étapes plus tard, sous le soleil de Nice, l'épisode paraît très loin. Sur la course, les deux hommes ont collaboré, comme ils l'avaient promis, en bonne intelligence, Démare emmenant même son leader sur un sprint intermédiaire pour gratter quelques secondes de bonification à Pogacar.
Surtout, Gaudu s'est illustré comme jamais dans les ascensions, plantant des attaques au panache et défiant les cadors à la pédale, alors que sur le dernier Tour de France, terminé à une belle quatrième place, il avait d'abord brillé par sa gestion en lissant ses efforts dans les cols.
"Physiquement j'ai passé un petit cap. J'allie maintenant mon mental du Tour de l'an passé à mon physique. Je n'ai pas peur de jouer avec les meilleurs", a expliqué le gabarit de poche (1,72 m, 53 kg) dimanche.
Pour son directeur sportif Philippe Mauduit, "c'est une évidence: David devient un des leaders du peloton" en affrontant désormais "Pogacar à la régulière, dans un mano-à-mano", les yeux dans les yeux. "Ça le conforte dans l'idée qu'il va réussir à le battre un jour", ajoute-t-il.
Une équipe au niveau
Gaudu, 26 ans, est sur les radars depuis sa victoire en 2016 au Tour de l'Avenir, le "Tour de France des moins de 23 ans". Moins précoce que ses deux successeurs au palmarès - Tadej Pogacar et Egan Bernal - il a connu une progression plus régulière qui l'amène aujourd'hui sur les talons des géants.
"Il passe un palier chaque année, souligne son équipier suisse Stefan Küng auprès de l'AFP. Il ne lui manquait pas grand-chose pour vraiment jouer avec les meilleurs. Là il est en capacité de le faire. Cette semaine va lui donner beaucoup de confiance pour la suite."
D'autant qu'il peut compter sur une équipe Groupama-FDJ qui a brillé par sa maîtrise de la course sur Paris-Nice. Bien protégé toute la semaine, Gaudu a aussi profité de la performance collective remarquable de sa formation sur le contre-la-montre par équipes de Dampierre-en-Burly (4e).
"Collectivement l'équipe a très bien fonctionné. C'est de bon augure, car c'est à peu près la même équipe qu'on va retrouver au Tour de France", ajoute Küng.
En attendant, Gaudu visera aussi des classiques comme Liège-Bastogne-Liège, qu'il rêve de gagner, pour tenter de garnir un palmarès qui compte quatre deuxièmes places cette année. "S'il continue comme ça, il va gagner de grandes courses cette année", assure Pogacar qui garde désormais un oeil vigilant sur le petit grimpeur breton qui ne cesse de grandir.
(Avec AFP)