Rendre les stèles plus vivantes, c'est ce que propose l'application RequiemCode. À destination des familles des défunts, elle utilise la réalité augmentée pour faire jaillir les souvenirs, des photos, des vidéos, accessibles en scannant un QR code apposé sur la tombe.
Une tombe dans le cimetière de l'est, à Rennes. C'est celle de Suzanne, décédée en 1989. Si on s'approche un peu, juste à côté du pot de cyclamen rose, on distingue un petit QR code. Lilian Delaveau, créateur de l'application RequiemCode se saisit de son téléphone, scanne ce code. Surgissent alors des photographies en noir et blanc en réalité augmentée, témoins de quelques moments passés de la vie de la défunte.
Tout près de lui se tient Marie-Paule, 84 ans, la fille de Suzanne. Elle contemple les photos qu'elle a choisies avec Lilian, enthousiaste. "La technologie fait partie de notre vie" dit-elle. Elle a entendu récemment parler de ce dispositif. "Je suis assez impulsive, j'ai eu un coup de coeur, c'est une trouvaille géniale." Avec ce petit diaporama, elle compte toucher toutes les générations derrière elle, jusqu'à ses arrières petits-enfants. "On vit une triste époque, c'est important de garder une image de la famille. Pour moi, c'est comme un arbre généalogique, c'est plus agréable que le papier."
Une application qui interroge sur le souvenir : quelle humanité laisse-t-on?
Lilian a perdu son grand-père pendant le confinement. Il se souvient des obsèques: "L'enterrement était beau, il y avait la plaque mais il me manquait les souvenirs que j'avais de lui. Je me suis alors dit qu'on pouvait faire plus."
Il planche donc sur RequiemCode. Pour lui, pas question de faire un mémorial en ligne, mais plutôt d'enrichir le moment et le lieu du recueillement. Il garde le cimetière et "la matière", le granit ou le marbre sur lesquels il est même possible de graver directement le QR code.
"C'est important de montrer une personne, de se rappeler de sa voix, d'écouter son rire, des choses qu'on a peur d'oublier après la mort de quelqu'un", souligne-t-il. Les images, le son, sont fournis par la famille, ou le défunt lui-même s'il a décidé de s'organiser en amont. "On peut aussi ne pas montrer la personne, mais des choses qu'elle aimait".
Le format peut aller jusqu'à une heure maximum. Le QR code reste privé ou accessible, selon les choix de chacun. Pour l'instant, l'application n'est pas disponible en ligne. C'est Lilian qui l'envoie directement aux proches concernés. Il assure l'installation (comptez 99 euros), puis un suivi dans le temps. "Un peu comme les concessions funéraires, on enverra un mail tous les 5 ans, aux ayants-droit, pour savoir si le souvenir est toujours d'actualité."
Il a bien conscience que son projet casse les codes. "On nous a reproché de briser le calme du cimetière, comme si ça devait être forcément chiant et silencieux."
Marie-Paule se voit bien utiliser RequiemCode pour elle. Elle rigole en disant qu'elle ferait une petite vidéo où elle raconterait des blagues. De son côté, Lilian travaille sur l'histoire de son grand-père qu'il veut mettre en avant avec son application.