Dans le pays de Redon, l'entreprise d'insertion Clic'n Puces s'est relancée grâce à ses salariés. Devenue Scop (Société Coopérative de Production) il y a un an et demi, elle est aujourd'hui parvenue à développer son activité. S'il séduit en Bretagne, ce modèle de société fonctionne-t-il ?
Ce jour là, les salariés de Clic'n Puces sont répartis sur trois postes: montage de palettes de maquillage pour une grande entreprise de cosmétiques de la région pour certains, assemblage de calendriers pour d'autres ou encore tri et nettoyage de paniers à provision salis durant leur transport.
A Saint-Nicolas-de-Redon (44), Clic'n Puces est à la fois entreprise d'insertion et Scop (Société Coopérative de Production). Spécialisée dans le conditionnement et le contrôle-qualité, l'entreprise tente de remettre sur les rails des chômeurs de longue durée, des Rmistes ou des bénéficiaires du RSA (Revenu de solidarité active). En juillet 2015, l'association, qui la gère, dépose le bilan. En cause; selon les salariés; "des problèmes de management et défaillance de gouvernance".
5 salariés se lancent
L'histoire de Clic'n Puces aurait pû s'arrêter là mais cinq salariés de l'époque s'associent pour monter un projet de Société Coopérative de Production, une Scop. Leur projet de reprise est accepté.
Pour les salariés-actionnaires, pas besoin d'être pleins aux as. Patrick Bébin, aujourd'hui responsable d'atelier, a investi mille euros. Au même titre que les autres salariés associés, son avis compte pour une voix dans les décisions de gestion de l'entreprise.
Diversifier l'activité
Grâce aux salariés-associés mais aussi à la participation de particuliers du pays de Redon, qui achètent des titres participatifs dans la Scop, Clic'n Puces parvient à conserver ses anciens clients. Dans un second temps, la Scop cherche à diversifier son activité. C'est ainsi que Clic n' Puces récupère du matériel informatique, dont ne veulent plus d'autres entreprises, le nettoie de ses anciennes données et le remet à neuf avant de le vendre à bas prix. Depuis quelques semaines, les salariés-associés ont décidé d'élargir encore leur champ de compétences en montant et commercialisant des batteries nomades, qui peuvent être rechargées par l'intermédiaire de panneaux solaires.
Des prises de décisions collégiales
Trois des associés se partagent la co-direction (gérance, finance et développement, accompagnement socio-professionnel des salariés). Ces trois mandats sont appelés à tourner entre les actionnaires.
Qu'ils soient associés ou non, l'ensemble des 14 salariés de l'entreprise se réunit une heure chaque semaine pour échanger. Au cours de ce "top 60", des thèmes aussi variés que l'amélioration de la productivité, les horaires de travail ou les salaires sont discutés.
Sylvie Muniglia, l'une des associées, reconnait que la prise de décision collective "peut prendre plus de temps que lorsqu'une seule personne décide.
Le gros avantage, par contre, c'est qu'une décision posée collectivement est bien plus solide et rarement contestée.
Des résultats encourageants
Dix-huit mois après la reprise, Clic'n Puces se porte bien. En 2016, la Scop devrait même dépasser légèrement son chiffre d'affaires prévisionnel. Elle envisage de recruter de nouveaux salariés pour passer à vingt en 2017. Les bénéfices dégagés sont en partie réinvestis dans l'entreprise, pour le reste partagés entre les salariés actionnaires.
En février dernier, l'un des salariés-associés a choisi de quitter l'entreprise. "Après avoir connu un schéma de fonctionnement de type pyramidal, ce salarié avait dû mal à s'habituer au mode de gestion collective", explique encore Sylvie Muniglia. "Il aurait fallu plus de temps. Or, compte-tenu de la situation financière de la société, nous n'en avions pas".
Au bout de deux années passées à travailler dans l'entreprise, chaque salarié peut devenir partenaire moyennant une mise de fonds de trente euros.
Bretagne: 3000 emplois concernés
En Bretagne, en 2016, 240 sociétés sont organisées sur le modèle d'une société coopérative et participative (SCP: Société Coopérative de Production ou SCIC: Société Coopérative d'Intérêt Collectif) pour 3000 emplois. Le tiers de ces entreprises travaille pour le BTP. Un peu moins sont des services intellectuels et culturels (centre de formation professionnelle, interprétariat, art du spectacle).
Pas réservé aux entreprises défaillantes
Si cette forme économique est souvent associée aux entreprises en difficulté, ce type de reprise ne représente en réalité que 6% du nombre total des Scop. Les créations ex-nihilo pèsent, elle, plus des deux-tiers et les transmissions d'entreprise (lors du départ en retraitre du patron, par exemple): 26%.
Les Scop résistent mieux
Globalement, les Scop marchent mieux que les autres entreprises. Cinq ans après leur création, leur taux de survie s'élève à 65% contre 50% en moyenne pour les entreprises dites "classiques". En Bretagne, entre 2013 et 2015, les sociétés coopératives et participatives ont permis la création nette de 700 emplois.