Témoignage. "Femmes, soyez soumises à vos maris". Dans son roman, Alice Davril raconte 15 ans de vie sous l'emprise d'un mari catholique intégriste

Publié le Mis à jour le Écrit par Yoann Etienne

"Femmes soyez soumises à vos maris". C'est le titre du roman d'Alice Davril, paru le 14 février. Un livre autobiographique qui raconte son histoire, celle d'une jeune bretonne peu pratiquante tombée amoureuse d'un mari catholique traditionaliste qui ne vit que pour Dieu. Elle retrace 15 ans d'une descente aux enfers sous emprise, entre violence psychologique et physique.

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C'est à l'âge de 13 ans qu'Alice Davril*, qui est à cette époque une adolescente heureuse, voit sa vie prendre une tournure inattendue. Quand elle fait la rencontre d'Henri*, chez les scouts d'Europe. Il a quinze ans de plus qu'elle. C'est un catholique traditionaliste. "J'ai tout de suite été saisie par le personnage qu'il jouait dans une pièce de théâtre, celui d’un moine soldat, raconte Alice. Je trouvais qu’il incarnait son rôle vraiment à la perfection." 

Des années plus tard, Alice, passionnée de musique, donne un petit concert. Elle a alors 16 ans, lui 30. Ils commencent petit à petit à se côtoyer. "Je le voyais dans la chorale et dans du scoutisme."

Sous emprise

C'est le début de l'emprise, Alice est fascinée par l'homme, par son aura et la façon dont il s'exprime. "J’étais en pleine adolescence. J’étais très joyeuse, très pétillante et lui s’est mis en tête de me faire lire de la littérature très catholique, de la philosophie, de la doctrine sociale de l’église. J’étais un peu fascinée par cet homme-là qui connaissait plein de choses et parlait extrêmement bien." 

Aux yeux de ses proches et de ses amis, Alice commence à changer. Si elle vient d'une famille catholique, elle pratique la religion de manière "cool". Mais avec Henri, elle commence à pratiquer la foi entièrement tournée vers Dieu.

"Là, j’ai découvert les prières quotidiennes, les prières en latin, les chapelets qu’on ne pratiquait pas en famille, raconte l'écrivaine bretonne. Et donc j’ai accepté de lire, de m’informer, de regarder des vidéos, de suivre des conférences sur tout ce que lui vivait de sa foi et c’était une foi sans compromis. C’était une sur-spiritualisation de tout, de toute la vie."

Petit à petit, elle se détourne de ses amis. "Même avec ma grande amie de jeunesse, nos chemins se séparent un petit peu parce que je prends un chemin un peu fondamentaliste". 

Un mariage loin du conte de fées

Quand elle était petite, Alice rêvait d'être médecin. Un rêve qui s'envole lorsqu'elle se met en couple avec Henri. "J’avais cette envie chevillée au corps mais très vite Henri m’a montré les dangers qu’il y aurait dans une formation de médecine, relate la romancière. Avec éventuellement le risque de devoir me positionner face à un avortement ou une euthanasie. Et donc l’impossibilité de mener des études tout en gardant son intégrité morale nécessaire."

Alice arrête donc ses études lorsqu'ils décident de se marier. Elle n'a que 20 ans. 

Je rêvais d’un petit mariage à la bretonne avec des crêpes et un gâteau breton mais à la place, j’ai un grand mariage presque princier dans un château. J’ai l’impression de regarder ça comme quelque chose qui m’échappait

Alice Davril

Autrice du livre "Femmes, soyez soumises à vos maris"

Elle qui rêve d'un mariage romantique va passer une année de noces très difficile notamment sur le plan de la sexualité. "Tout doit être tourné vers Dieu et tous les plaisirs futiles sont à bannir. Le corps est une entrave et l’empêche d’aller vers Dieu. La sexualité, c’est le corps." 

Alice ne travaille pas et doit rester à la maison. Henri lui impose son rythme de vie. Le quotidien est entièrement dicté par la foi. "Tout est tourné vers Dieu."

Chaque matin démarre obligatoirement par une séance de médiation au pied du lit, les prières parfois en latin et la messe dans un Ehpad tous les jours à 17h. "Avant que les enfants n'arrivent, c’est une vie glauque. J’ai l’impression de voir tout gris. Il n'y a que quand on se retrouve à manger le soir qu’Henri a l'air d’être un peu bien. C’est vraiment plombant."

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Le reportage de Maïna Sicard-Cras et Denis Leroy ©France Télévisions

Les enfants victimes de violences

Un an après le mariage, naît le premier enfant du couple désormais installé à Cherbourg. Ils donneront naissance à 7 enfants en l'espace de dix ans. Un bonheur immense pour Alice. "Je suis une maman très heureuse. J’adore m’en occuper."

Mais Alice sort très peu, pour la course et la messe seulement. Les enfants vont être associés à Dieu et aux prières. Et très vite, Henri se montre violent envers ses enfants. 

Les violences physiques surviennent d’abord sur les enfants quand ils sont un obstacle à la relation d’Henri avec dieu quand par exemple ils pleurent ou chouinent, ou rient pendant les prières. Ca le heurte et je m'aperçois qu'il peut être violent

Alice Davril

Autrice du livre "Femmes, soyez soumises à vos maris"

Des pensées suicidaires

Sous emprise, le divorce est pour elle impensable. Cela signifierait laisser les enfants seuls avec son mari. Alice songe à la mort. "J’en viens à voir qu’une seule issue, c’est la mort, confie-t-elle. Quand j’en suis là, il y a un déclic. Je prends conscience que ce n’est pas vrai ce qu’on me dit. Ce n’est pas possible de me demander d’aller jusqu’à mourir parce que, pour mes enfants, il vaut mieux une maman en vie qu’une maman morte. Quand je prends conscience que si je continue, je meurs, je décide de partir."

La renaissance

Alice va porter plainte. Son ex-mari sera condamné à trois reprises avec de la prison avec sursis. Le divorce a été acté. Et depuis 4 ans, elle revit.

J’ai eu l’impresion de découvrir la vraie vie, sortir avec des amis, regarder un petit films tous ensemble avec mes enfants. Ce sont des petites choses que je ne connaissais pas. Je me suis fait percé les oreilles. Ce sont des petites choses qui ont le gout du bonheur quand on a été privé avant

Alice Davril

Autrice du livre "Femmes, soyez soumises à vos maris"

Si Alice a écrit son histoire, c’est aussi pour ces femmes et ces hommes enfermés dans une religion et en souffrance. Un message d'espoir car aujourd'hui Alice et ses enfants se disent enfin libres. 

* Tous les prénoms ont été modifiés.

(Avec Maïna Sicard-Cras) 

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