Un soir de 1970, Gilles Servat chante pour la première fois La Blanche Hermine dans un resto de Montparnasse. Dans la salle, un type écrase une larme. On lui redemande sa chanson. Servat ne le sait pas encore mais il vient d'écrire l'un des hymnes bretons.
"En 1970, le climat était insurrectionnel, raconte Gilles Servat. Et comme beaucoup, j'étais un homme en colère. A l'époque, on avait le sentiment que la Bretagne était condamnée à mort. Les jeunes quittaient la région, notre langue s'éteignait. Ici comme un peu partout en Europe soufflait un vent de révolte, et on se demandait s'il n'allait pas falloir prendre les armes pour se faire entendre.
D'ailleurs, c'est en tombant sur une chanson irlandaise qui parlait d'un type partant de chez lui avec une balle dans sa poche que j'ai eu l'idée de "La Blanche Hermine". Je l'ai écrite un jour à Paris, et je l'ai chantée le soir même chez Ti jos, là ou je faisais la manche. Je ne savais pas qu'elle aurait une telle carrière"
1972 : Où sont les femmes ?
Deux ans plus tard, en 1972, Gilles Servat s'en va soutenir la Grève du Joint français, Et il se fait remonter les bretelles par des ouvrières. Dans sa chanson de 1970, il avait relégué la femme à un rôle un peu passif. Mais les filles de St Brieuc se disent prêtes au combat. Servat décide de revoir sa copie. Une nouvelle version "plus égalitaire" de la Blanche Hermine sortira en 1975.
1998 : Touche pas à la Blanche Hermine !
En 1997, nouvel épisode de la carrière mouvementée de la chanson. Servat apprend qu'on chante "La Blanche Hermine" dans les meetings du Front national. J'ai réagi, dit-il, pour qu'il n'y ait pas d'ambiguité. Quand Bruno Mégret était allé poser des fleurs sur la tombe de Brassens, tout le monde avait rigolé, Mégret s'était ridiculisé. Mais moi, je n'ai pas la notoriété de Brassens, beaucoup de gens ne me connaissent pas, ne connaissent pas forcément mes valeurs, alors j'ai mis les choses au point. Et j'ai écrit "Touche pas à la Blanche Hermine".