Le débat sur la loi de finances 2025 a été en grande partie centré sur une tentative de la gauche de faire passer un amendement abrogeant la réforme des retraites. Comment se sont positionnés vos députés ?
"Pour : 182. Contre : 232. L'amendement n'est pas adopté." Par ces mots, le député LR Xavier Breton, officiant comme président de l'Assemblée nationale, a mis fin ce 29 octobre aux discussions visant à abroger la réforme des retraites. Alors que les élus s'écharpent sur le budget 2025, et notamment le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), une série d'amendements visaient en effet à annuler cette réforme, passée dans le PLFSS 2023.
Il faut dire que cette réforme a été un des plus forts moments de tension du second mandat d'Emmanuel Macron. Rapportée par la députée du Loiret Stéphanie Rist, la réforme portant l'âge légal du départ en retraite à 64 ans a rencontré une opposition farouche, à la fois au Parlement et dans la rue. Si bien qu'après un vote au Sénat, le PLFSS a finalement été adopté par l'article 49.3 de la Constitution, sans vote de l'Assemblée nationale.
La proposition du RN morte dans l'œuf
Aux élections législatives de juillet 2024, le Nouveau front populaire et le Rassemblement national ont tous les deux fait campagne sur l'abrogation de la réforme des retraites. Ce 31 octobre, la formation d'extrême droite prévoyait d'utiliser sa niche parlementaire (qui permet aux oppositions de fixer l'ordre du jour des débats) pour mettre en avant sa proposition de loi relatives aux retraites.
Seulement, rien ne s'est passé comme prévu : les deux principaux articles de la proposition du RN, ramenant l'âge de la retraite à 62 ans et le nombre d'annuités à 42, ont été sabrés en commission. Ce 31 octobre, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a définitivement enterré le plan du RN en jugeant la proposition de loi irrecevable sur la base de l'article 40 de la Constitution, qui garantit qu'une loi ne peut créer de dépenses publiques sans les compenser.
Ironie du sort, puisque deux jours plus tôt, le 29 octobre, le député RN du Loiret Thomas Ménagé fustigeait la "dinguerie fiscale" et le "cirque" de la gauche, qui tentait de son côté d'abroger la réforme des retraites par un amendement au PLFSS 2025. "Un amendement au PLFSS ne peut pas abroger la réforme des retraites car il passe sous les fourches caudines de l'article 40", avait rappelé l'élu du Loiret, citant le président NFP de la Commission des finances Éric Coquerel. "Arrêtez de mentir aux Français !"
Vous êtes responsables, le NFP, de cette situation. Vous êtes responsables des 43 annuités. Vous êtes responsables de la réforme Touraine. Vous êtes responsables de la casse sociale.
Thomas Ménagé, député RN du Loiret
La gauche échoue dans son offensive
Ce mardi 29 octobre, justement, l'amendement du Nouveau Front populaire pour abroger la réforme des retraites a été rejeté par les votes des députés de la droite et de l'extrême droite.
Par la voix de la députée écologiste Sandrine Rousseau, ne cachait pas ses intentions : couper l'herbe sous le pied au Rassemblement national en faisant voter une série d'amendements au PLFSS abrogeant la réforme des retraites.
Il s'agissait, pour le député socialiste des Landes Boris Vallaud de "réparer à la fois une injustice sociale et une brutalité politique". "Vous êtes passés en force et c'est ce que nous voulons réparer."
Quant à l'opposition d'extrême droite, le député socialiste a répondu aux accusations du RN sur les responsabilités de son camp, rappelant les "héritages" du Conseil national de la résistance, que le NFP affirme chercher à protéger. "Vous avez raison", lance-t-il, "vous n'avez aucune part dans la réforme des retraites, comme vous n'avez aucune part dans la création de la Sécurité sociale, comme vous n'avez aucune part dans la création de l'Assurance maladie."
En 1946 vous n'étiez pas sur ces bancs, vous étiez sur d'autres bancs. Ceux dont vous êtes les héritiers étaient sur les bancs des accusés ! Nous avons un héritage à défendre, vous avez des héritiers à gérer, nous vous laissons à vos turpitudes et vos mauvaises causes.
Boris Vallaud, député PS des Landes
La Macronie serre les rangs
Avec environ un tiers d'absents, l'alliance du centre et de la droite n'a pas pesé aussi lourd qu'elle l'aurait pu dans le scrutin sur l'abrogation de la réforme des retraites. Mais ses représentants ont pu défendre le PLFSS 2023. Stéphanie Rist, députée du Loiret et rapporteure de la réforme en 2023, a déploré "un détricotage minutieux du texte" en commission. "Les oppositions ne se sont pas encombrées d'un esprit de responsabilité", ajoute la députée, qui les juge "jamais rassasiées" de taxes.
Même son de cloche du côté de son collègue MoDem d'Eure-et-Loir, Philippe Vigier, qui juge "totalement irresponsable" de prétendre "qu'on peut partir à 60 ans, en disant qu'on va augmenter les cotisations". Le sujet, en revanche, pour le député centriste, c'est "la pénibilité, les carrières longues, le taux d'emploi des seniors".
Si nous abrogeons cette réforme, tous les avantages, tous les acquis que nous avons pu rentrer dans la précédente loi tomberont. La responsabilité, c'est d'arrêter ce cinéma. C'est de dire aux Français, vous aurez une retraite décente et digne, mais gardons notre réforme.
Philippe Vigier, député MoDem d'Eure-et-Loir
Avec l'échec des amendements du NFP et de la niche parlementaire du RN, il n'y aura donc pas d'abrogation de la réforme des retraites, du moins pour le budget 2025.