C’est l’un des secteurs les plus polluants. En France, le bâtiment génère à lui seul un quart des émissions de gaz à effet de serre. C'est pourquoi certains se tournent vers l'écoconstruction, une façon de faire plus respectueuse de l'écologie, et parfois plus économique.
À Ligueil, dans le sud de la Touraine, Laurent Gauthey et Fred Delrieux sont en pleins travaux. Après 20 ans passés à Tours, ce couple a décidé de changer de vie et a racheté un ancien corps de ferme en périphérie de la commune.
Depuis un an, ils construisent en mitoyenneté la maison de leurs rêves.
Particularité : ils utilisent principalement des matériaux naturels.
Des matériaux locaux
"Les fondations sont classiques avec une dalle en béton et des parpaings. Mais à partir des murs, on utilise des matériaux les plus respectueux possible de l'environnement," précise-t-il. "Nous utilisons de l'argile. Nous avons une ossature bois qui va être remplie ultérieurement avec de la paille. Le toit va également être isolé en paille."
Sur le chantier, tout est local. Le bois est 100% Français, l’argile a été prélevée sur le terrain du couple, la paille, quant à elle, vient du champ d’à côté.
Ce circuit très court fait du bien au portefeuille de Laurent et Fred. Pour l’argile, ils n’ont rien eu à débourser et chaque botte de paille ne leur a coûté qu’un euro. C'est le bois qui est le matériau le plus coûteux. Environ 10 000 euros ont été consacrés à la charpente.
La technique du GREB
L'investissement du couple est total. Ils n'ont pas fait appel à des ouvriers et gèrent la construction de leur maison tous seuls et "à temps plein". Pour eux, c'est un choix avant tout éthique.
Ce n'est pas qu'une histoire de goût, c'est aussi une recherche d'autonomie. En faisant soi-même, on choisit les matériaux qu'on veut utiliser. On est maître de la méthode de travail et de la construction du bâtiment.
Laurent Gauthey
Le couple ne s'est pas lancé dans l'aventure tout seul. Avant d'entamer leur chantier, ils ont pu compter sur la formation et l’accompagnement de Jean-Baptiste Thévard, directeur d’APPROCHE-Paille, une association orléanaise spécialisée dans la construction en paille.
Celui-ci a co-fondé l’association il y a 20 ans. Lors d’un voyage au Québec, il a découvert le GREB, une technique d’autoconstruction permettant de conserver naturellement une température optimale chez soi. Pour lui, cela a été une révélation et il a décidé d'importer le concept en France.
"Grâce à la technique du GREB, les bâtiments sont isothermes. On peut réaliser des économies d'énergie hiver comme été et conserver une stabilité de température toute l'année, détaille Jean-Baptiste Thévard. Durant l'hiver au Québec, il fait -50 degrés dehors et à l'intérieur de la maison on parvient à avoir 20 degrés presque sans chauffage."
Les travaux de Laurent et Fred devraient durer encore un an. Il leur faudra un peu de patience avant de profiter enfin de leur nouveau cocon.
Un logement social écologique
Toutefois, l'écoconstruction n'est pas réservée qu'à l'habitat individuel. Exemple à Saint-Doulchard, en banlieue de Bourges, où un immeuble unique en France a vu le jour il y a plus de 10 ans.
Il s’agit d’un logement social à ossature bois et à haute performance énergétique. Salim Ghemid, responsable du site pour le bailleur France Loire, explique que les appartements sont conçus pour "maintenir la chaleur à l'intérieur des logements l'hiver".
Pour l'été, la fraîcheur est maintenue, car les balcons de chaque logement sont agencés de manière à aménager des zones d'ombre. "Ils font office de brise-vue en cassant les rayons du soleil, décrit Salim Ghemid. La structure métallique des balcons a aussi été volontairement dissociée du bâtiment afin d'éviter les ponts thermiques."
Tout est donc pensé pour limiter les pertes énergétiques. Résultat, une seule chaudière et deux ballons d'eau suffisent à alimenter les 21 logements de l’immeuble.
Bienfaits sur le portefeuille
L'impact est positif sur les factures des habitants, comme Monique Giet, 73 ans. Elle vit dans un deux-pièces depuis 2013 et ne paie son chauffage et son eau chaude que 28 euros par mois. Ce prix est nettement plus bas que pour un logement classique où il faut débourser en moyenne 150 à 200 euros.
Monique ne boude pas son plaisir, car malgré sa petite retraite, elle peut se permettre quelques plaisirs. "Moi qui aime bien m'habiller, les objets de décoration, je peux m'offrir ça désormais. Je peux aussi gâter un peu plus mes petits enfants", raconte-t-elle.
Ça a permis à certains locataires d'économiser un salaire, de partir en vacances, d'acheter une voiture ou de mettre un pécule de côté.
Salim Ghemid, responsable du logement social France Loire de Saint-Doulchard
La construction de cet immeuble innovant a coûté plus cher et pris plus de temps qu’un bâtiment habituel. Il n’a, pour le moment, pas d’autre équivalent en France, mais des projets sont sur la table. C'est ce qu'indique Morgan Blin, directeur général de France Loire : "Nous travaillons sur des modèles pré-industrialisés en bois qui vont permettre de développer plus régulièrement et facilement ce type d'habitat, et qui pourraient aussi produire de l'énergie."
Sensibiliser les professionnels
Mais encore faut-il trouver des professionnels qualifiés dans l’écoconstruction. À Orléans, l'association Envirobat en a fait son mantra. Depuis 2009, elle référence sur son site tous les professionnels de la région qui ont déjà participé à des chantiers d'écoconstruction et établit chaque année un palmarès de projets respectueux de l'environnement.
"Nous sommes un centre de ressources, explique Mickaël Lajeunesse, directeur de l'association. On est aussi là pour accompagner l'ensemble des professionnels sur les questions de bâtiments durables. On va essayer de sensibiliser et transmettre les bonnes pratiques par l'intermédiaire de visites de chantiers, de webinaires, de conférences..."
L'objectif d'Envirobat est de passer un message aux acteurs du bâtiment pour les accompagner sur l'évolution de leur métier et ainsi généraliser l'écoconstruction.
"On va aussi mettre en avant des techniques de construction ainsi que des matériaux biosourcés", termine-t-il.
Certains ont sauté le pas
Parmi les entreprises référencées par Envirobat, il y a celle de Sylvain Amiard. Ce patron d'une entreprise de maçonnerie en Indre-et-Loire a décidé de sauter le pas et utilise désormais des matériaux biosourcés.
Pour les chantiers l'isolation intérieure, il se sert par exemple d'un mélange de chaux et de chanvre qui vient recouvrir les murs. "Ça remplace le placo ou la laine de verre, précise-t-il. Cela permet de mieux évacuer l'humidité."
Concernant les chantiers de construction, il propose une ossature bois, des murs isolés avec de la paille recouverte par un enduit de sable, de chaux et d’eau. Pour maîtriser cette méthode, 20 de ces 90 salariés ont reçu une formation d’une semaine. L’écoconstruction occupe encore une place marginale dans son entreprise, mais elle se développe.
On est loin d'être une entreprise parfaite. On sait que les entreprises du BTP créent du déchet et ne sont pas toujours très vertes. Mais on a aussi notre rôle à jouer au quotidien pour faire en sorte que notre activité soit plus respectueuse de l'environnement avec des matériaux biosourcés et locaux.
Sylvain Amiard, patron d'une entreprise de maçonnerie
Avec le réchauffement climatique, l’écoconstruction devient une nécessité. Le secteur du bâtiment va devoir s’adapter pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.