La désertification médicale frappe à nouveau dans le Cher. Un habitant du département a dû emmener lui-même son épouse aux urgences de Nevers dans la nuit du 9 au 10 août après un AVC. Celle-ci a dû être héliportée vers Dijon.
"Il y a un malaise quelque part !" Au téléphone, Michel Bertrand est submergé par l'émotion. Le sexagénaire s'est arrêté sur la route pour pouvoir répondre. Cette route, elle le conduit vers Dijon, où son épouse âgée de 58 ans a été prise en charge quelques jours plus tôt pour un AVC hémorragique. A ce moment, il ignore tout de l'évolution de son état de santé.Vendredi 9 août au soir, le couple regagne son domicile de Vereaux, après un dîner chez des amis. Entre 22h30 et 23 heures, l'épouse se plaint de maux de tête soudains et très violents. "Elle hurlait", se souvient Michel. D'autres symptômes se déclarent rapidement : vertiges, confusion, vomissements. Le mari appelle les pompiers, qui le redirigent vers le SAMU.
Pas d'hôpital à moins de quarante kilomètres
Il reste une quinzaine de minutes supplémentaires en ligne. A l'autre bout du fil, l'opérateur informe Michel que les services d'urgences ne peuvent se déplacer, et lui demande s'il peut l'emmener lui-même à l'hôpital de Nevers, le plus proche. Paniqué, il se met donc en route avec sa femme vers les urgences de Nevers, à une quarantaine de kilomètres. "Je n'ai pas du tout respecté le code de la route, en arrivant je me suis fait engueuler parce que je me garais n'importe comment !"
Rapidement, la victime est prise en charge et un scanner révèle un AVC hémorragique. En d'autres termes, un vaisseau sanguin s'est rompu au niveau du cerveau. Les conséquences peuvent être fatales, et la personne touchée doit être prise en charge aussi vite que possible. Les médecins parviennent à stabiliser la victime, qui est héliportée le lendemain vers Dijon. Elle survit à l'accident mais, de retour à l'hôpital de Nevers, elle souffre d'une phlébite, de pertes de mémoire et ne peut pas encore remarcher. "Ça va être long avant de revenir à la normale", regrette son mari, ému.
Une prise en charge "normale" pour l'hôpital de Bourges
Joint par téléphone, le centre hospitalier de Bourges a consulté l'enregistrement de la conversation entre Michel Bertrand et le médecin régulateur du SAMU estime qu'il n'y pas eu d'irrégularités. "D'après les informations dont dispose le médecin au cours de l'appel, rien n'indiquait que c'était un AVC", précise l'hôpital. Demander à Michel Bertrand d'emmener lui-même sa femme aux urgences était donc la meilleure solution, médicalement parlant. La victime ayant été prise en charge rapidement et "de façon normale" le service communication va jusqu'à qualifier la soirée de "non-événement".
"Il peut être très difficile d'évaluer la gravité de la situation d'une personne qui appelle le SAMU, confirme un médecin joint par France 3. "Normalement, s'il y a suspicion, le SAMU se déplace, mais peut-être qu'à ce moment-là il n'y avait pas d'ambulance assez rapide ou assez proche." En campagne, il n'est pas rare que les patients nécessitant une prise en charge par les urgences soient emmenés par un proche, voire s'y rendent par eux-mêmes. Mais le manque de personnel et de moyens dans les différents services médicaux n'arrange pas les choses, et la population rurale est largement exposée à cette inégalité d'accès aux soins.
"Ce sont toujours les mêmes qui trinquent"
Ehpad, urgences, maternités : le bilan de la désertification médicale ne cesse de s'alourdir en région Centre-Val de Loire. Au Blanc, après la fermeture de la maternité, les femmes enceintes prennent le risque d'accoucher à domicile, ou doivent se déplacer jusqu'à Poitiers, voire Châteauroux, où les urgences sont en grève. Dans le Loir-et-Cher, le personnel de l'Ehpad de la Roselière s'est mis en grève cet été pour dénoncer les conditions de travail et de soin. Enfin, le mouvement national de grève chez les pompiers réclamait notamment plus d'effectifs pour mieux prendre en charge les urgences.
Plus grave encore : à Pithiviers, dans le Loiret, le service d'ambulances (SMUR) a été suspendu faute de médecin urgentiste pendant 18 jours en août. Ce sont les hôpitaux de Montargis et d'Orléans qui ont dû prendre le relais. "Et comme par hasard, ce sont toujours les mêmes qui trinquent : ceux qui sont en rase campagne", achève Michel Bertrand.