Je suis Christophe Cocherie, l’auteur et le réalisateur de “Ma forêt va craquer“. Que vous ayez déjà vu le film ou que vous allez bientôt le regarder, je suis heureux de vous apporter ici des informations inédites sur l’écriture sur le tournage et sur certains des personnages.
Je suis émerveillé depuis longtemps par la biodiversité, par les arbres et en particulier par les séquoias. Pendant que j’écrivais le récit, des incendies géants en Californie menaçaient ces arbres fantastiques. Ces ravages sur la forêt, générés par le réchauffement du climat, ont teinté la narration du film.
L’écriture a nécessité six semaines de travail et des échanges s’étalant sur huit mois avec une vingtaine de spécialistes tels que des professionnels.les de la forêt, des scientifiques, des expert.es de la biodiversité, des militants.es d’associations, des pompiers…
Le replay du documentaire "Ma forêt va craquer" :
14 jours de tournage
Le tournage avec l’équipe de France Télévisions, à travers la région Centre-Val de Loire a duré quatorze jours, en août et septembre 2021. Nous avons tourné de nombreuses séquences en drone. Mais nous avons aussi adapté une perche télescopique de cinq mètres de long, réservée à la prise de son et sur laquelle nous avons installé un système de stabilisation d’images.
Ce dispositif permet de réaliser des plans de grues dans des espaces où il n’est pas possible de tourner en drone. Comme pour la séquence montrant l’expérimentation de Fleury-les Aubrais près d’Orléans ou pour le tournage du dernier plan, dans le chêne de la commune de Meaucé en Eure-et-Loir.
L’un des privilèges que permet la réalisation d’un documentaire est de rencontrer des personnes inspirantes, le temps du tournage. Laissez-moi vous en présenter certaines et certains.
Des rencontres inspirantes
► Arnaud Ville : photographe entomologiste
Pour illustrer l’extraordinaire biodiversité de nos forêts françaises, je voulais montrer les photographies d’Arnaud Ville et filmer cet artiste lorsqu’il prend ses clichés. Nous avons tourné la séquence dans un vieux bois près de Pernay, à une vingtaine de kilomètres de Tours.
Arnaud est fasciné par les insectes saproxyliques, ces bestioles ayant trouvé refuge dans les vieux arbres. En découvrant au début du tournage son étonnant équipement qu’il a adapté pour la prise de vue macroscopique, j’ai pensé aux ingénieux pionniers du cinéma et de la photographie.
Vers l’âge de six ans, Arnaud Ville s’intéresse déjà aux coléoptères quand ses copains ne pensent qu’au football. Il commence par dessiner des insectes, suit l’école Brassard de Tours au milieu des années 1980 puis se forme à la prise de vue photographique professionnelle à l’école des Gobelins à Paris. Il a 23 ans. De retour en Touraine, il se consacre à la photographie macroscopique d’insectes vivants.
Ses clichés extraordinaires et ses textes inspirés sont présentés dans deux livres édités aux éditions du Rouergue. Il prépare pour 2023 un nouvel ouvrage passionnant consacré aux abeilles sauvages.
► Bernadette Vallée, "un animal d'extérieur"
Bernadette Vallée apparaît dans la seconde partie du film, consacrée aux pistes pour que la forêt soit davantage résiliente face au réchauffement climatique. Le tournage s’est déroulé en Sologne près de Jouy le Potier.
Bernadette se définit comme un “animal d’extérieur“. Enfant, elle grimpe déjà dans les arbres, fabrique des cabanes dans les forêts. Elle se destine naturellement à des études en lien avec les arbres.
Elle passe trois années à Aberdeen en Écosse pour suivre une formation universitaire de gestion forestière. Sa carrière professionnelle passe par dix années à la chambre d’agriculture d’Orléans. Puis elle devient conseillère forestière indépendante pour les propriétaires de Sologne.
Elle veille sur près de 4000 hectares de forêt. Son métier consiste à être créative, à s’adapter perpétuellement aux saisons et au réchauffement du climat. Bernadette sort parfois du bois afin de guider des touristes en moyenne montagne, là où les arbres se font plus rares.
► Adelgund Witte, une architecte hors-norme
Adelgund Witte fait partie des rares architectes en France à utiliser le bois dans les bâtiments qu’elle dessine.
Ses réalisations sont de véritables puits à dioxyde de carbone. Contrairement à des pays comme les États-Unis, l’Allemagne ou la Suède, en France, le bois n’est presque pas utilisé dans le bâtiment. Pourtant un mètre cube de bois permet de stocker une tonne de carbone. Et le bois ne manque pas : les forêts couvrent 30% du territoire français faisant de notre pays le troisième en Europe le plus peuplé en arbres après la Finlande et la Suède.
Le bois est donc une ressource locale. Malgré les qualités du bois comme matériau et malgré l’urgence climatique, l’immense majorité des constructions d’immeubles en France sont en béton. Or la fabrication du ciment qui entre dans la composition du béton émet énormément de gaz à effet de serre.
Comment Adelgund est-elle venue à dessiner des bâtiments hors norme et vertueux pour l’environnement ? Les conseils d’une professeure d’Art, à Dusseldorf ont provoqué l’intérêt d’Adelgund alors étudiante pour le dessin d’architecture.
11 ans plus tard, elle monte son agence à Orléans et commence à dessiner des maisons individuelles. En 2014, associée à un célèbre architecte autrichien, Hermann Kaufmann, elle remporte le concours pour la construction du bâtiment en bois du lycée Gaudier-Breszka à Saint-Jean de Braye. C’est ce bâtiment que l’on voit dans le film et qui, aujourd’hui encore, représente sa plus importante réalisation.
Aujourd’hui, Adelgund Witte travaille aussi sur la rénovation énergétique des bâtiments.
► Dominique Mansion, l'illustrateur de la Flore forestière française
Je ne pouvais pas choisir d’autres personnages que l’auteur, artiste et illustrateur Dominique Mansion pour conclure le récit de “Ma Forêt va craquer“. Depuis longtemps, j’admire ses connaissances sur la nature, sur les chemins creux, sur les trognes. Je suis émerveillé par son fantastique travail d’illustration pour les trois tomes de la Flore forestière française. Il a illustré et écrit des dizaines de livres sur la nature.
Le tournage a commencé dans son atelier spectaculaire de Boursay, dans le Loir-et-Cher. Depuis une vingtaine d’années, Dominique Mansion réalise des sculptures étonnantes à partir de bois et sur des trognes vivantes. Les arbres jalonnent la vie de cet artiste depuis qu’il a 4 ans ! À cet âge, il joue dans les chemins creux et escalade les trognes dans le petit bois près de la ferme de ses parents dans le Perche. Vers 11 ans, un professeur corrige sa rédaction en rayant le mot trogne. Piqué au vif, le jeune Dominique prend conscience de son intérêt pour les arbres.
Il est élève aux Beaux Arts à Tours, styliste dans l’industrie automobile, animateur dans une ZUP à Blois. De retour dans le Perche, il élabore pendant deux ans une exposition illustrant la destruction d’une forêt primaire française, celle du bocage.
Cette exposition est si brillante qu’elle va sillonner la France pendant vingt ans, effectuant même une escale au ministère de l’Agriculture à Paris ! Il est aussi à l’origine de la maison botanique de Boursay où sont présentées 42 trognes déracinées, vestiges des destructions de l’agriculture productiviste.
Il trouve encore le temps de constituer la plus importante photothèque de trognes au monde, de donner des conférences et des formations à travers l’Europe. Et de peindre, comme le montre la séquence que nous avons tournée avec lui au pied de l’extraordinaire chêne pédonculé de La Chapelle Vicomtesse !
► "Ma forêt va craquer" première diffusion le lundi 8 novembre 2021 à 23h05 sur France 3 Centre-Val de Loire. Une coproduction France Télévisions et Christophe Cocherie.