Refus des bassines agricoles : dans le Cher, un collectif créé en 2021 soutient le mouvement

Le week-end dernier, dans les Deux-Sèvres, une manifestation de 4000 personnes contre la construction d'une réserve de substitution s'est terminée en confrontation avec les forces de l'ordre. En Centre-Val de Loire, les opposants aux bassines se sont également regroupés en un collectif. Quelles sont leurs revendications ?

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Certains les nomment "réserves de substitution", d'autres "méga-bassines". Physiquement, cela consiste en un énorme trou étanchéifié par une bâche, et destiné à stocker de l’eau. Le principe est simple : pomper dans les nappes phréatiques superficielles quand les pluies sont abondantes, de novembre à mars, et puiser dans ces réserves lorsque vient l’été et que la sécheresse menace les cultures…

Un "collectif anti-bassine" dans le Berry créé en 2021

Au vu des affrontements survenus durant le week-end dernier à Sainte-Soline (79), il semble que la guerre de l'eau s'amplifie. Créé dans le Cher en septembre 2021, le collectif "Bassines Non Merci", l'un des quatre existants en France, bataille sur cet enjeu. Dans le département, trois bassines sont déjà en fonction ; elles sont bien plus petites que celles des Deux-Sèvres (dont la plus grande couvre 16 hectares et vise à stocker 720 000 m3), mais l'une d'entre elles contient tout de même l'équivalent de 24 piscines olympiques soit 60 000 m3. Le Collectif a fait ses premières armes, dès sa création, en déposant, en vain, un recours gracieux auprès du préfet afin d'empêcher la construction d'une réserve sur la commune de Lazenay. Sa vingtaine d'adhérents plaide pour un changement de modèle agricole. Parmi eux, Catherine Menguy, élue Europe Ecologie-Les Verts à Bourges, cherche des réponses auprès des institutions. Selon elle, "Quand on parle de bassines, il n'est question que d'une minorité, puisqu'elles ne bénéficient qu'à 7 % d’agriculteurs irrigants, pour 6 % des surfaces agricoles, principalement destinées à l'alimentation du bétail. Est-il raisonnable de produire toujours plus de maïs pour nourrir des animaux en batterie ?"

Les militants s'appuient sur les analyses de l'hydrologue Emma Haziza : "Les agriculteurs qui défendent l’idée de récupérer l’eau avant qu’elle n’aille à la mer ont oublié le fonctionnement de son cycle, qui passe par l’infiltration des sols, génératrice de la plupart des pluies continentales. Ils ajoutent à cela un second mensonge : le trop plein hivernal ne servirait à rien ! Or, ces recharges conditionnent la végétation et le maintien des débits des cours d’eau." "Le problème, c'est de remplir ces bassines avec un pompage dans les nappes", explique François Crutain, de la Confédération Paysanne. "L'alibi, c'est de procéder en hiver. Sauf qu'une nappe phréatique, cela ne fonctionne pas comme un ruisseau ou une rivière de surface. On appauvrit la quantité d'eau disponible, qu'on ne retrouvera pas en été !"

 

Sur le site du Bureau de recherche géologique et minière (BRGM), la carte des nappes phréatiques en France montre toutes celles de notre région à un niveau inquiétant. Elles sont en connexion avec les rivières et les alimentent en période de pénurie. Si elles baissent trop, celles-ci se retrouvent à sec. Selon leurs opposants, les bassines ne sont donc vraiment pas une solution.

Les bassins du Cher et de l'Indre se situent quasi-intégralement dans la région Centre Val-de-Loire. Ils n'ont pas d'affluents possédant une nappe phréatique importante comme celle de la Beauce. La configuration ainsi que la nature des sols et des sous-sols de ces réseaux hydrologiques font que leurs nappes ont du mal à se remplir. Quand elles sont superposées les unes aux autres, elles ne communiquent pas, et les plus profondes ne parviennent pas à se recharger. "Maintenant que l'on connaît ce fait, il va falloir qu'on s'y prépare", affirme Nicolas-Gérard Camphuis, directeur de la Délégation Centre-Loire de l'Agence de l'eau. "Il faut mieux gérer la ressource, afin d'éviter qu'il y ait un souci sur l'eau potable. Quels sont les usages que nous en avons ? Il faut qu'on anticipe en se projetant à 10-15 ans. 

Les Agences de l'eau, c'est un peu la sécurité sociale des cours d'eau.

Nicolas-Gérard Camphuis, directeur de la Délégation Centre-Loire de l'Agence de l'eau

"Nous percevons une redevance, entre 10 et 30 euros par an, sur la facture de tous les consommateurs d'eau, poursuit Nicolas-Gérard Camphuis. Elle nous permet d'accompagner des collectivités, des entreprises ou des agriculteurs qui font des efforts pour que la ressource en eau soit mieux utilisée. Depuis cinq ans, nous n'avons subventionné aucun bassin de rétention".

Seulement 4 autorisations de réserves d'eau en 1 an dans le Cher

Dans le Cher, entre 2020 et 2021, la Direction Départementale du Territoire (DDT) n'a donné que 4 autorisations en vue de la création de réserves, et de nombreuses demandes sont en attente. Le Schéma d'aménagement de la gestion des eaux (SDAGE) du bassin Loire-Bretagne, valable jusqu'en 2026, vient d'être signé. Avant fin 2023, le Conseil Départemental du Cher doit proposer au préfet un "projet de territoire" pour gérer l'eau dans les zones de tension, comme sur les secteurs de l'Yèvre et de l'Auron. L'Agence de l'eau pourra à partir de ce moment-là décider si elle aide d'éventuels projets de bassines, ou pas. "Quand la DDT accepte, nous intervenons sur le co-financement", explique Nicolas-Gérard Camphuis. "Au SDAGE, nous sommes transparents. L'enjeu est de connaître la ressource hydrique qui sera encore disponible dans quelques années et si celle-ci sera correctement répartie géographiquement. Bourges reçoit la moitié de son eau de l'Allier et celle-ci parcourt 50 km. Il manquera d'eau pour maintenir une agriculture vivrière dans certains secteurs s'il y a de fortes tensions."

Le SDAGE fixe les périodes de prélèvements, et a déjà intégré que, même en hiver, il peut y avoir des débits trop faibles pour autoriser le remplissage de bassines. "On a constaté qu'il y a de bas étiages d'hiver", remarque Monsieur Camphuis, 

On a des garde-fous. Les agriculteurs n'auront plus le droit de pomper et n'arriveront pas forcément à remplir leurs bassines.

Nicolas-Gérard Camphuis, directeur de la Délégation Centre-Loire de l'Agence de l'eau.

"Ils doivent faire des calculs : s'ils construisent des retenues ne faisant pas plus de trois hectares et ne nécessitant donc pas d'autorisation, des projets privés et auto-financés, ils vont prendre des risques importants,"  explique encore le directeur de la Délégation Centre-Loire de l'Agence de l'eau.

Pour autant, les possibilités de contrôle sont faibles, faute de personnel

Boris Radici, membre du Collectif, raconte : "L'état est schizophrène, Nous avons contacté l'Office français de la biodiversité (OFB) au sujet de la bassine de Mailly (25000 m3), qui était toujours en cours de remplissage en mai dernier alors que c'était interdit. Sans résultat."

On dispose encore de peu de données scientifiques sur l'effet des bassines. Le 7 juillet dernier, une étude du BRGM pour le bassin de la Sèvre Niortaise estimait que les pompages auraient "un impact négligeable sur le cycle de l’eau en hiver, avec une estimation d’1 % de baisse du débit des rivières." Néanmoins, cette modélisation ne prenait pas en compte l'évaporation d'une partie des volumes prélevés - estimée entre 30 et 50% d'après les anti-bassines -, ni le contre-coup des sécheresses liées au changement climatique, ni enfin le risque d'exposition à diverses pollutions. D'après la DDT, une étude assez poussée sur les effets des pompages dans la nappe du Jurassique Supérieur devrait paraître en 2024.

 Pour l'heure, se pose la question du modèle privilégié par les pouvoirs publics en dépit des enjeux écologiques majeurs de notre époque. Doit-on persister à soutenir vaille que vaille un schéma productiviste, nécessitant de gros investissements et réservé à une minorité de grosses exploitations dédiées à l'agro-industrie, qui perpétuent un mode de culture lourdement consommateur en eau, en développant des parades techniques afin de ne rien changer à leur mode de fonctionnement ?

Selon leurs opposants, qui demandent un financement égal, voire supérieur, pour des solutions alternatives, la construction des bassines, dénoncée comme une gestion aberrante de la ressource en eau, est une "réponse anachronique, doublée d’une aberration écologique, à l’heure du réchauffement climatique et des sécheresses à répétition." Pour François Crutain, agriculteur et adhérant de la Confédération Paysanne, "des solutions existent. Il faut travailler les sols différemment pour qu'ils conservent leurs richesses organiques et retiennent davantage l'eau. Avant de créer ces réserves, il faudrait replanter des haies pour éviter les lessivages et préserver les zones humides qui peuvent rendre de l'eau en été." 

 

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