Après la "main tendue" d'Emmanuel Macron aux Républicains, deux tendances cohabitent au sein du parti de droite. Pour les uns, LR doit rester un parti d'opposition à la Macronie. Mais pour d'autres, le temps est venu de faire des compromis.
Le gouvernement a vacillé. Ce n'est pas un séisme, à peine une secousse, mais les répliques se bousculent. Depuis le 27 octobre, pas moins de cinq motions de censures ont été déposées par l'opposition, suite à trois usages de l'article 49.3 de la Constitution par la Première ministre Élisabeth Borne. L'une de celles du 24 octobre, signée par la Nupes, a réuni 239 voix sur 577 députés. Il ne lui aurait manqué que cinquante voix pour atteindre la majorité et renverser le gouvernement. Des voix qu'elle aurait pu trouver chez Les Républicains.
Les perdants des élections devenus maîtres des horloges
De fait, l'ancien parti gaulliste, que certains croyaient marginalisé après l'humiliation de la présidentielle et la claque des législatives, est devenu faiseur de roi. Le président de la République ne s'y est pas trompé lors de son discours télévisé du 26 octobre. Fustigeant le "cynisme" et le "désordre" de la gauche, Emmanuel Macron a dit souhaiter "une alliance" avec les députés LR et les centristes du groupe Liot.
Pourtant, cette main tendue, les Républicains sont aussi nombreux à vouloir la saisir qu'à vouloir la mordre. Nicolas Forissier, député de l'Indre et ancien secrétaire d'État du gouvernement Raffarin, incarne cette première tendance. Pour lui, la droite doit "quitter cette culture de l'opposition dans laquelle on s'est enfermés depuis dix ans" et retrouver "la culture de gouvernement". "C'est le meilleur moyen pour LR de se reconstruire", ajoute-t-il, "on sera nous-mêmes, et on sera utiles à notre pays".
Rejetant en bloc le terme d'alliance, et encore plus l'idée de voir LR se fondre dans la Macronie, Nicolas Forissier estime cependant que le parti possède les atouts pour redevenir un "facteur de stabilisation" en coopérant avec Renaissance sur des textes choisis.
À continuer comme on le fait, en se disant d'opposition, puis en négociant notre soutien sur des réformes qui passent, mais sur lesquelles il n'y a pas notre nom, on est sur une ligne de crête qui nous rend fragiles et illisibles. Or c'est vital pour nous de redevenir lisibles.
Nicolas Forissier, député LR de la première circonscription de l'Indre
"Beaucoup d'élus locaux sont sur cette ligne-là", insiste le député. Notamment des maires bien implantés, comme Gil Avérous à Châteauroux ou Jean-François Copé à Meaux. Une partie non négligeable de la base de l'électorat LR serait également prête à suivre cette coalition. Selon une étude d'opinion publiée par Ifop pour le JDD, 63% des Français alignés sur les Républicains s'estiment également "favorable" à un rapprochement entre le parti de droite et la majorité. Chez les sympathisants de Renaissance, ce chiffre grimpe à 85%.
"On n'est pas dans le marchandage avec le gouvernement"
Mais à la tête du parti, ça coince. À l'exception du maire d'Orléans Serge Grouard, qui s'est retiré de la course, aucun des candidats à la présidence du parti lors du Congrès de décembre n'est partisan d'une coalition avec la majorité. "Je ne m'allie pas avec un pouvoir qui a mis la France dans cet état", et "ceux qui ont participé de près ou de loin à la construction de ce bilan seront tous discrédités", a résumé le 25 octobre Eric Ciotti. Ses concurrents Aurélien Pradié et Bruno Retailleau sont sur la même ligne.
Plus modéré, le président du groupe LR à l'Assemblée et député de l'Eure-et-Loir Olivier Marleix a réaffirmé la priorité à une opposition constructive. "Si un texte est utile, on peut le voter" mais "on n'est pas dans le marchandage avec le gouvernement" a-t-il déclaré au lendemain de la main tendue d'Emmanuel Macron. LR ne votera pas donc de motion de censure contre le gouvernement, du moins pour l'instant, mais "en même temps" cela ne suffira pas pour faire passer LR de l'opposition à une coalition de gouvernement.
LR restera donc un parti d'opposition, mais pour combien de temps ? En perdant la présidentielle et les législatives, la droite est devenue le pivot de l'Assemblée nationale, capable de perdre ou de sauver le gouvernement. Mais elle est aussi devenu illisible, mi-antimacroniste, mi-allié de circonstance. D'ici au mois de décembre, le Congrès devra impérativement trancher ce débat et pacifier les tensions internes, au risque de rendre la situation encore plus explosive pour le parti conservateur.