Les Républicains sont éliminés dès le premier tour dans 21 des 23 circonscriptions du Centre-Val de Loire, une situation totalement inédite pour la droite dans la région. Se pose la question fondamentale : pour survivre, faut-il s'allier avec Macron.
La droite n'avait jamais connu pareil camouflet en Centre-Val de Loire. Ce dimanche 12 juin, 21 des 23 candidats présentés par l'union de la droite (Les Républicains et UDI) ont été éliminés dès le premier tour des élections législatives dans la région. Une première, alors même que les deux partis contrôlaient encore 14 des 23 circos entre 2012 et 2017.
Seuls deux candidats, tous deux députés sortants étiquetés LR, passent le cap du premier tour : Nicolas Forissier, dans la deuxième circo de l'Indre, et Olivier Marleix dans la 2e d'Eure-et-Loir. Mieux : ils terminent premiers, devançant tous deux le RN. Autant dire que, en prenant en compte le phénomène de barrage républicain, leur réélection est plus que probable.
Route droite et pente forte
Chef de file régional du parti, et du groupe Les Républicains au conseil régional, Nicolas Forissier considère que "LR était une 4e force à côté des trois grands blocs qui tiraient une dynamique de la présidentielle". Son propre parti ne se serait, ainsi, toujours pas remis du score calamiteux (moins de 5%) de sa candidate Valérie Pécresse à la présidentielle en avril dernier.
Pour lui, son propre succès est celui de "l'ancrage local, de mon action sur le terrain, et ça doit être pareil pour Olivier Marleix", note-t-il. Les deux députés jouissent en effet sur le plan local d'une certaine notoriété, Olivier Marleix étant notamment vice-président du parti. Du côté des battus, on peut citer Claude de Ganay, LR dans la 3e circo du Loiret. Pascal Brindeau et Sophie Métadier, sortants dans la 3e de Loir-et-Cher et de la 3e d'Indre-et-Loire, sont aussi éliminés. Suppléants passés tête d'affiche après la démission de leurs prédécesseurs respectifs, étiquetés UDI, leur manque de notoriété semble leur avoir été fatal. Si on y ajoute le cas de Guillaume Peltier, élu LR en 2017 mais passé chez Zemmour avant d'être éliminé au premier tour sous l'étiquette Reconquête hier, les rangs des Républicains se sont fortement éclaircis.
Le parti a pourtant bien tenté le renouvèlement, en investissant de jeunes candidats, élus de terrain et plus ou moins connus dans leurs circos. Sans succès. Alix Fruchon, suppléante sortante de Nicolas Forissier, est 4e dans la 1ère de l'Indre ; le suppléant de Marianne Dubois sur la 5e du Loiret obtient la même place, tout comme Ariel Lévy, vice-président du conseil départemental, à Montargis. "On a été contraints par la situation politique", regrette Nicolas Forissier.
Fort taux de dissidence
Car, dans le Loiret, deux députés LR sortants ne se représentaient pas, à savoir Marianne Dubois sur la 5e et Jean-Pierre Door sur la 4e. Pour ce dernier, député depuis 2002 et maire de Montargis pendant 17 ans, la débâcle n'est pas un choc :
J'aurais aimé dire que je ne m'y attendais pas, mais j'ai eu des soupçons dès l'instant où on a eu des divisions.
Jean-Pierre Door, député LR sortant de la 4e circo du Loiret
En effet, trois candidats dissidents de droite se sont présentés face aux investis officiels dans le Loiret. Dans les trois cas, l'addition des voix aurait pu permettre (très hypothétiquement) à la droite de passer au deuxième tour, dans des circonscriptions détenues par LR et ses partis précurseurs depuis les années 60. Pour la première fois de l'histoire de la Cinquième République, aucun candidat de droite républicaine ne sera au second tour des législatives dans le Loiret.
Se pose alors la question de l'avenir des Républicains, si leur ancrage local se disperse avec les législatives. "Nous sommes encore très présents dans les conseils départementaux", note Nicolas Forissier, pour qui les "11% réalisés par le parti au national montrent que la famille peut être reconstruite".
Indépendance ou compromis
Mais la reconstruction pourrait prendre plusieurs chemins : celui de l'indépendance, ou celui du compromis. Pour Jean-Pierre Door, "les voix des Républicains ne sont ni compatibles ni soluble dans le macronisme". Il prédit d'ailleurs que "le macronisme va se terminer dans moins de 5 ans", et que Les Républicains devront se poser la question : "Que faire à ce moment là ? On devra avoir notre place."
Au quasi opposé, le maire de Châteauroux Gil Avérous milite depuis plusieurs mois au sein de LR pour que se forge une alliance avec LREM (depuis renommé Renaissance). Rien n'a pu se concrétiser avant les législatives, mais l'édile estime toujours que les deux mouvements "ont intérêt à travailler ensemble". Une position qui l'avait poussé à démissionner de ses fonctions de président du comité des maires au sein des Républicains le 10 avril pour protester contre la stratégie du ni-Macron ni-Le Pen de son parti avant le second tour de la présidentielle. Ce dimanche soir sur le plateau de France 3, Gil Avérous a ainsi, sans détour appelé "à voter François Jolivet (Renaissance-Ensemble)" face au Rassemblement national.
Nicolas Forissier, qui se définit lui-même comme constructif, pense à demi-mot que la renaissance de son parti passe par un accord avec la majorité présidentielle. "Il n'est pas impossible que Les Républicains puissent jouer leur rôle à l'Assemblée dimanche prochain, prédit-il. Le quinquennat va être difficile, et je sais que notre parti va peser à un moment ou à un autre." Malgré la défaite. "L'important, c'est de rester clair sur nos convictions, et de défendre cet ancrage local."
Selon l'estimation Ipsos-Sopra Steria pour France Télévisions, l'union de la droite pourrait emporter entre 50 et 80 des 577 sièges à l'Assemblée nationale. Un futur groupe dont Emmanuel Macron pourrait avoir besoin si Ensemble n'obtient pas la majorité absolue dimanche 19 juin, au soir du second tour.