Urgence climatique : "on est dans une forêt en train de mourir" alertent des propriétaires du Berry

Le réchauffement climatique met à mal les massifs forestiers du Cher, en particulier après des épisodes de sécheresse à répétition depuis 2019.

"Ici, on est dans une forêt en train de mourir": face à des chênes littéralement morts de soif dans le Cher, les responsables de la coopérative Unisylva appellent l'ensemble des propriétaires privés à "s'unir pour agir" contre les effets du changement climatique.

"Le réchauffement climatique va dix fois plus vite que la capacité d'adaptation de la forêt"

Sur les 3,4 millions de forestiers privés, 114 000 familles sont regroupées au sein de coopératives, où expertises techniques et dispositifs de ventes sont mis en commun. "C'est trop peu. On a besoin de s'unir pour agir, parce que le réchauffement climatique va dix fois plus vite que la capacité d'adaptation de la forêt", estime Bertrand Servois, président d'Unisylva et de l'Union des coopératives forestières françaises (UCFF), qui gère quelque 2 millions d'hectares (15% de la forêt privée).

Dans ce massif du Centre-Val de Loire où depuis des siècles domine le chêne, nul n'imagine voir disparaître le "roi de la forêt". Mais en ce début décembre, certains arbres se dressent nus vers le ciel.

À titre d'exemple, sur une des parcelles d'un hectare, "150 chênes sont complètement morts et seront laissés sur place pour favoriser la biodiversité et 139 autres dépérissent et seront enlevés", explique Adrien Durvaux, directeur de l'agence Berry-Bourgogne d'Unisylva. Celle-ci accompagne les propriétaires, Louise et Pierre-Armand Hurstel, dans la gestion de leurs 1700 hectares de forêt familiale.

Des coupes sélectives pour protéger la forêt

L'idée est de pratiquer des éclaircies, c'est-à-dire des coupes sélectives pour enlever les arbres les plus fragiles et permettre aux autres de recevoir plus de lumière et de développer leur système racinaire pour aller chercher de l'eau plus en profondeur.

Louise Hurstel a commencé à voir "un dépérissement significatif" de ses chênes il y a trois ans, conséquence de trois années de sécheresse de 2018 à 2020.

On est dans un moment charnière pour la gestion forestière. On a besoin de savoir ce qui va mal, où agir, comment le faire

Louise Hurstel, propriétaire forestière

C'est là qu'intervient la coopérative qui a d'abord établi un diagnostic. "On a utilisé des images satellites en accès libre, pour mesurer la diminution de l'activité photosynthétique. Puis on a croisé ces images avec des observations de terrain", explique Benoît Rachez, directeur adjoint d'Unisylva.
Forts de cet état des lieux, les Hurstel n'imaginent pas remplacer le chêne mais ils vont désormais rechercher l'alliance d'essences "qui s'adapteront et s'entraideront mieux".

Ne pas "abîmer"

A quelques kilomètres de là, près du village d'Apremont-sur-Allier, des solutions sont déjà sur les rails. La coopérative a conseillé à Marie-Jenny Davault, 62 ans, qui veille avec son frère sur un héritage d'une centaine d'hectares de forêt, d'en finir avec le Douglas.

Ce conifère venu d'Amérique, planté à tour de bras après-guerre et prisé des industriels pour sa croissance rapide et ses qualités techniques, "n'est plus adapté aux forêts de plaine" où il fera bientôt trop chaud pour ces résineux, estime Bertrand Degrave, expert d'Unisylva.

Les gens ont l'impression que quand on récolte une parcelle il n'y a plus rien derrière, comme si on décrochait un tableau dans un musée. Mais quand on retire des arbres, on s'est préoccupé du renouvellement: soit en stimulant une régénération naturelle, soit en plantant.

Bertrand Servois, président d'Unisylva

Des espèces plus locales et "on l'espère résilientes" sur un sol sableux, ont été plantées: du chêne sessile, historiquement présent et qui pourra mieux résister aux gels tardifs (40%), du chêne pubescent, plus méridional (40%) et du pin maritime (20%).

La vente du bois sur ce domaine familial ne rapporte "guère plus que l'entretien" de la forêt. "On nous a légué un massif magnifique, il ne faut pas qu'on l'abîme. Sans conseils, on n'aurait pas su quoi faire", glisse Marie-Jenny Davault.

L'UCFF incite ses adhérents à établir des plans de gestions - obligatoires à partir de 25 hectares - "parce que quelle que soit la surface, le besoin d'agir concerne l'ensemble des forêts aujourd'hui", souligne Bertrand Servois.

"Si on ne fait rien, cela restera une forêt, mais qui captera moins de carbone", insiste-t-il. "Déjà, le volume de bois mort augmente et l'accroissement forestier a baissé de 10% en moins de dix alors que la forêt continue de grandir".

Avec AFP

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