En Centre-Val de Loire, de nombreux électeurs n’ont pas reçu les programmes des candidats lors du premier tour du double scrutin dimanche 20 juin. En cause le distributeur Adrexo préféré à la Poste.
"Nous sommes scandalisés, selon nous c’est un déni de démocratie." Pour Bernard Lafitte il n’y a pas d’autre mot pour décrire la situation. Une semaine avant le premier tour des élections régionales qui se tenaient dimanche 20 juin, cet habitant de la campagne d’Autry-le-Châtel (Loiret) s’étonnant de n’avoir reçu que la profession de foi du Rassemblement national (RN) dans sa boîte aux lettres. Celles des autres candidats étant totalement absentes.
Six jours plus tard, à la veille du premier tour, l’homme de 68 ans faisait une autre découverte, tout aussi surprenante : "Nous avons reçu un paquet de sept documents électoraux destinés à d'autres électeurs, résidants parfois à 6 kilomètres de chez nous", s’exclame Bernard Lafitte. Un souci de distribution qu’il est loin d’être le seul à avoir subi lors de ce double scrutin.
Un problème d’acheminement national
Chargée de la distribution des documents de propagande et des bulletins de vote pour les élections régionales et départementales 2021 aux côtés de La Poste, l’entreprise Adrexo est largement pointée du doigt depuis quelques jours.
Spécialisée dans la distribution des publicités, la société privée avait été choisie comme second prestataire en charge de la diffusion des documents électoraux après avoir remporté l’appel d’offre piloté par l’Etat en février dernier. Un contrat stipulant ainsi que pour les quatre prochaines années, l’opérateur aurait la charge de l’acheminement de la propagande électorale locale et nationale dans les boîtes aux lettres des 22 millions d'électeurs de sept régions : Hauts-de-France, Grand-Est, Normandie, Centre-Val-de-Loire, Bourgogne-Franche-Comté, Pays de la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes.
Mais problème de taille : des milliers d’électeurs français n’ont pas (ou partiellement) reçu les documents en question. Le Centre-Val de Loire n’a lui non plus pas été épargné.
Un manquement qui aurait démotivé les électeurs
"C’est allé trop loin, ils ont dépassé les bornes !" Pour Claude Doucet, ce "dysfonctionnement majeur est inacceptable pour la démocratie". Dans son département, le président de l’Association des maires de l’Indre (AMI) a observé de nombreux manquements : "Certains électeurs n’ont reçu aucun document, d’autres de façon partielle, et ce dans les communes rurales et urbaines. Des courriers destinés au canton de Châteauroux ont même été distribués dans le sud du département", se désole Claude Doucet.
Selon lui, cette situation aurait fait augmenter le fort taux d’abstention : "Ça a pu démobiliser les électeurs qui n'ont pas pu prendre connaissance des programmes électoraux, ni se faire une idée des candidats en présence."
Si pour John Billard ce dysfonctionnement n’explique pas l’abstention, il y aurait toutefois participé : "Dans un contexte où les réunions politiques n’ont pas pu se tenir à cause des contraintes sanitaires et où la tenue d’un double scrutin a pu perturber les électeurs, ce problème d’acheminement n’a en rien favorisé la participation", déplore le président de l’Association des maires ruraux d’Eure-et-Loir. Département dans lequel les communes avec hameaux ont été les plus touchées.
[Communiqué] #Elections2021 - Distribution de la propagande électorale : les @Maires_Ruraux condamnent la fragilisation de la démocratie. La démocratie a un coût, l’Etat doit l’assumer et s’assurer que le dispositif soit totalement efficace.
— AMRF (@Maires_Ruraux) June 22, 2021
Lire le CP : https://t.co/7aNeso6dSV pic.twitter.com/yAXazZlERN
L’intéressé dénonce par ailleurs des procédures de préparation des professions de foi trop lourdes imposées par Adrexo : "Que ce soit le modèle des étiquettes, la taille ou le poids des enveloppes, les communes ont perdu énormément de temps et d’argent lors de la mise en pli."
Adrexo était au courant
De nombreux élus de la région avaient pourtant alerté Adrexo plusieurs jours avant la tenue du premier tour des élections, n’excluant pas de faire des recours judiciaires si nécessaire. A l’image du sénateur centriste d’Indre-et-Loire Pierre Louault : "Lors des législatives partielles [en mai-juin 2021], la distribution de la propagande électorale a été catastrophique dans les territoires où elle devait être effectuée par la société Adrexo", avait-il déclaré au Sénat le 16 juin dernier.
Les prestataires convoqués par le ministère de l’Intérieur
Tenus de rendre des comptes à l’Etat, les deux prestataires ont été convoqués ce lundi 21 juin par Gérald Darmanin. Lors de cette rencontre, le ministre de l’Intérieur a enjoint La Poste et Adrexo de "prendre toutes les mesures afin de rétablir un service normal" pour le second tour qui se tiendra le 27 juin prochain.
A la suite des dysfonctionnements inacceptables liés à la qualité de l'acheminement de la propagande électorale du premier tour des élections départementales et régionales, j'ai convoqué ce matin les dirigeants des sociétés Adrexo et la Poste. pic.twitter.com/o4cx4PjaZC
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) June 21, 2021
L’élu n’a par ailleurs pas exclu la possibilité de rompre le contrat avec Adrexo. Ce dernier qui justifiait ces dysfonctionnements par des soucis informatiques et un manque de moyens humains a toutefois assuré qu’il avait renforcé son dispositif afin d’éviter que cela se reproduise. Une affirmation laissant les élus de la région plutôt sceptiques : "Ils n’y sont pas parvenus en ayant plusieurs semaines de préparation, comment vont-ils y arriver en seulement quelques jours", s’interroge Claude Doucet.
Les préfectures en ordre de marche
Sollicitées par l’Etat, les préfectures du Centre-Val de Loire superviseront la distribution des documents électoraux pour le second tour des régionales et des départementales. La mise sous pli des deux scrutins sont surveillées dans tous les lieux où sont organisées ces opérations. Une cellule de suivi de la distribution sur le département est également activée à la préfecture, en lien direct avec les prestataires et les élus.
Le secrétariat général du ministère de l’Intérieur a également sommé les préfets du territoire de réaliser un "point national" deux fois par jour avec les services de l’Etat pour traiter dans les plus brefs délais d’éventuels incidents.