Abandonnés par Peugeot-Citroën, 91 salariés de sous-traitance bientôt licenciés à Chartres

Le groupe Stellantis a décidé de suspendre ses commandes à l'usine Maflow de Chartres, qui aurait tenté d'imposer une hausse des prix. Conséquence, le site va bientôt fermer, laissant sur la paille ses 91 salariés, qui négocient ce jeudi avec la direction leurs conditions de départ.

Maflow, c'est le récit d'un beau gâchis. Derniers mohicans d'un groupe qui comptait 1 200 salariés au début des années 2000, les 91 salariés de l'usine de sous-traitance automobile située à Chartres vont bientôt être licenciés. En cause : la fermeture totale du site, passé depuis 2010 sous la houlette du groupe polonais Boryszew.

Ce jeudi 21 avril, les syndicats vont négocier les conditions de départ des salariés, après des premières propositions de la direction peu compatibles avec leurs attentes. Le groupe offre à chaque salarié 15 000 euros de prime de départ, quand les syndicats en demandent 2 500 par année d'ancienneté. "Ici, la moyenne c'est 24 ans d'ancienneté, moi-même j'en ai 29", explique Eric Jarry, le délégué syndical Force ouvrière, et secrétaire du comité social et économique (CSE) chez Maflow Chartres.

Vers un blocage ?

"On les a déjà prévenus qu'on n'était pas d'accord", ajoute-t-il. Reste à savoir si les discussions seront houleuses, ou si un accord pourra être trouvé rapidement. Pour l'instant, la direction se serait montrée conciliante face à une demande des syndicats : que les salariés qui parviennent à retrouver un emploi avant le licenciement puissent bénéficier des mêmes conditions de départ que leurs camarades. En cas de mauvaise entente, le délégué syndical envisage de bloquer l'outil de travail. "On tourne déjà au ralenti de toute façon.

Car la fermeture pure et simple de l'usine est due à une rupture de contrat entre Maflow et l'un des clients, à savoir le groupe Stellantis (ancien PSA Peugeot-CItroën ayant fusionné avec Fiat). À en croire Eric Jarry, Stellantis et Renault se partageaient "globalement à 50-50" les commandes passées au site chartrain. Si bien que perdre l'un déstabilise toute la structure. "D'ailleurs quand Renault a appris que PSA se retirait, ils ont dit qu'ils arrêtaient aussi." Désormais, la marque au losange se fournira directement dans les usines polonaises du groupe Boryszew.

Ce dernier avait repris l'usine à la fin des années 2000, après des menaces de liquidation judiciaire pesant sur le site. "Ils ont vraiment manifesté une envie de sauvegarder nos emplois", assure Eric Jarry. Selon lui, "avoir un site en France, c'était une vitrine pour eux, un moyen de dire aux constructeurs qu'ils produisaient en France". Sauf que cette volonté de sauvegarde se serait heurtée à un manque d'ambition, et "la direction n'a vraiment pas mis les moyens". Selon le syndicaliste, "ça fait 10 ans qu'on leur dit de se diversifier pour éviter un problème comme aujourd'hui". Résultat : le groupe aurait embauché un responsable diversification pendant une petite année, "et rien n'a changé". Il y avait 1 200 salariés dans l'usine (le groupe était encore appelé Manuli) en 2000 et aucun en Pologne. Aujourd'hui, ils sont 2 000 à l'Est, et bientôt 0 à l'Ouest. 

"Hausses de prix inacceptables"

Reste aux salariés un goût amer d'incompréhension. Déjà face à l'abandon de Stellantis "sans raison", assure Eric Jarry. Le groupe aurait d'ailleurs fait appel à Maflow ces derniers mois pour produire quelques pièces "pour dépanner", ironise le syndicaliste.

Stellantis, de son côté, se défend auprès de France 3, et rejette la faute sur Maflow. "En 2018, le Groupe Boryszew [...] a décidé unilatéralement de conditionner la poursuite de ses livraisons de tuyaux de climatisation à Stellantis, à des hausses de prix inacceptables et non conformes aux contrats conjointement validé", assure le groupe automobile. L'entreprise polonaise aurait de plus, toujours selon Stellantis, "décliné toute forme d’engagement ou visibilité quant à leur stratégie à moyen et long terme" concernant l'avenir du site chartrain. La multinationale dit avoir dès lors lancé un nouvel appel d'offres auprès de différents fournisseurs, "en y associant malgré tout Maflow", précise-t-elle. 

Boryszew et Maflow n’ont pas souhaité reconsidérer leurs positions et ont de nouveau décliné vouloir se conformer au contrat. Ils n’ont en conséquence pas été retenus.

Stellantis

Peugeot-Citroën affirme rester "au côté des fournisseurs quand la situation l'exige, ce qui n'était pas le cas vu la santé financière du groupe Polonais", conclut le groupe.

"Ça n'a rien donné"

Alors pour tenter de sauver leur usine, les salariés disent avoir alerté la sphère politique... sans grand succès. "On est intervenus auprès de Bruno Lemaire." Et après une conférence de presse alarmante, les salariés avaient aussi rencontré les services de la préfecture à l'automne dernier, quand les licenciements n'étaient encore qu'une ombre menaçante. "La préfecture devait faire le nécessaire auprès du gouvernement." Dans les deux cas, "ça n'a rien donné". 

Un manque de réaction qui a failli faire le bonheur de Marine Le Pen : la candidate d'extrême-droite avait sollicité les salariés, par l'intermédiaire du représentant régional RN Aleksandar Nikolic. L'objectif était d'organiser un détour par l'usine lors du déplacement de la candidate à Saint-Rémy-sur-Avre samedi 16 avril. Refus catégorique d'Eric Jarry, "on ne mélange pas les deux mondes, surtout en période électorale", argue-t-il, promettant que ç'aurait été pareil si le député Guillaume Kasbarian (LREM) avait entrepris la même démarche. Refus également de participer au débat de l'entre-deux-tours, pour lequel France Télévisions les aurait contactés. 

Le CSE a désormais jusqu'au 12 juillet pour rendre son avis sur le plan de licenciements, dont les grandes lignes sont encore amenées à bouger. Les syndicats prévoient de négocier tous les jeudis avec la direction jusqu'à la fin de l'échéance. Une assemblée générale des salariés est prévue vendredi ou lundi, pour décider de la marche d'action à suivre.

Contactée, la direction de Maflow n'ont répondu à France 3.

Article mis à jour le 21 avril après la réception par France 3 de la réponse de Stellantis.

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