Passer d'une structure ESAT à un travail dans le milieu professionnel ordinaire, c'est le pari réussi de Fabrice Michniewicz, atteint d'un handicap mental. Après plusieurs années en ESAT, il vient de décrocher un emploi dans une entreprise de Dreux et démarre une nouvelle vie plus autonome.
Dans cette cuisine centrale de Dreux, entouré de ces collègues, Fabrice est appliqué à la tâche. Déballer, laver, râper, Fabrice est un commis de cuisine comme un autre, affecté ce jour-là à la préparation des entrées froides. À la différence près qu'il est atteint d'un handicap mental.
Avec sa collègue Malaury, ils font partie d’un programme d’insertion professionnelle en milieu dit ordinaire. À 55 ans, Fabrice partage désormais son temps entre le travail en ESAT et un emploi à mi-temps dans cette cuisine centrale. "Ça change de toujours travailler en ESAT, je préfère travailler en restauration. J'en ai fait de 2002 à 2004 dans l'Est, où je préparais 40 à 50 repas par jour". Dans cette cuisine de Dreux, ce sont 8000 repas qui sont préparés chaque semaine, destinés principalement à être livrés en cantines scolaires. 24 personnes sont actuellement employées sur site.
"Recruter 6 à 8 personnes de plus"
De nombreux travailleurs en situation de handicap évoluent en ESAT, des structures d'aides par le travail où ces personnes sont accompagnées et encadrés par des éducateurs spécialisés. Ces structures, très formatrices, permettent même aux travailleurs en situation de handicap de s'insérer dans le milieu professionnel ordinaire. Ici, l'opération d’insertion s’est faite il y a huit mois sur la demande de l’ESAT Anaïs de Vernouillet, dans l'Eure-et-Loir.
Le directeur de cette cuisine y a répondu favorablement. "Les postes sont adaptés, mais ils ont les mêmes responsabilités que des salariés valides. Ils sont aussi rapides aussi précis et ça se passe très bien". Aujourd’hui il est même prêt à accueillir plus de monde. "On aimerait pouvoir recruter une équipe de 6 à 8 personnes en situation de handicap. L'idéal serait qu'une monitrice de l'ESAT Anaïs de Vernouillet puisse les encadrer à 100 % de leur temps de travail sur le terrain", projette Jérôme Le Blanc, Directeur d'API Restauration de Dreux.
L'insertion dans le milieu professionnel semble réussi, Fabrice est très apprécié de ses collègues. Au moment de la pause-café, il n'existe pas à se livrer. "J'ai été voir deux matchs de handball, c'est Dreux qui a gagné !", s'enthousiasme-t-il auprès de ses collègues.
Un épanouissement et une évolution dans le milieu professionnel qui progressent sous l'œil attentif de Valérie Cantin, référente de l'atelier froid et tutrice de Fabrice. "Par rapport à leur arrivée au mois de mars ils ont fait de gros efforts. Dès fois ils font de la plonge, dès fois ils sont l'atelier chaud, l'atelier froid… Ils sont vraiment polyvalents".
Ce qui plaît le plus Fabrice dans ce nouveau travail, c'est le contact de nouvelles personnes. "C'est un nouvel environnement, travailler avec d'autres collègues".
L'ESAT c'est bien, mais mon projet professionnel c'était aussi de voir autre chose
Fabrice Michniewicz, travailleur en situation de handicap
Nouveau travail, et nouvel appart
"C'est ma nouvelle demeure depuis un an !", annonce fièrement Fabrice en ouvrant la porte de son logement. Dans sa démarche d’autonomie, il était aussi important pour Fabrice de s’assumer entièrement. Ce studio de 45m² est devenu son havre de paix.
"En foyer c'était bruyant. Certains claquaient les portes, s'engueulaient. Être tout seul c'est nettement plus calme !". Comme tout un chacun, Fabrice doit faire ses courses, ses repas, sa vaisselle, son lit… Un quotidien dans lequel il trouve ses marques. "Je ne trouve pas ça compliqué. J'avais besoin de vivre tranquille, d'avoir ma liberté. Maintenant je ne vois les collègues qu'au travail !"
De temps en temps, Fabrice reçoit même des amis, mais préfère encore partir se promener seul dans son nouveau quartier. "Maintenant je n'ai plus de suivi, je fais ce que je veux, je peux rentrer à l'heure que je veux". Ce nouveau départ était aussi pour Fabrice l'occasion de se rapprocher de sa famille. "C'est magique de retrouver ma sœur, mes neveux et nièces, surtout depuis qu'on a perdu mon papa en 2020".
Une autonomie accompagnée
Avant de vivre tout seul, Fabrice habitait au centre habitat Anaïs dans l'un des six studios semi-autonomes proposés par la structure depuis 2018. De temps en temps il y passe pour voir ses amis, comme Christine. "Maintenant je suis chez moi, je suis tranquille. Mais tu peux venir quand tu veux ! Tu m'appelles et je passe te récupérer", propose Fabrice à son amie.
Christine aussi souhaiterait être autonome. "Ça donne envie. Je pense qu'être autonome, savoir se débrouiller tout seul, c'est une chose merveilleuse ! ". Une démarche d'autonomie encouragée par la fondation Anaïs.
Pour qu'il puisse voler de ses propres ailes, Hélène Beuvin, conseillère en économie sociale et familiale a accompagné Fabrice pendant près de 6 mois. "On n'est pas à l'abri qu'il y ait une panne de chauffe-eau, besoin d'un électricien, de devoir aller chez le médecin, etc. On essaye de préparer les résidents au mieux là-dessus" détaille Hélène Beuvin.
"Fabrice se débrouille très bien sans nous !"
Une fois toutes les trois semaines, Fabrice a donc bénéficié de ce suivi au début de son installation. "Tous les résidents qui sont ici sont tous là pour être ou pour devenir plus autonomes. En intégrant l'un de nos studios semi-autonomes, les résidents s'engagent à travailler leur autonomie au maximum pour pouvoir trouver un logement en milieu ordinaire, sous trois ans", ajoute Hélène Beuvin.
Elle complète : "Fabrice est un très bon exemple, il se débrouille très bien depuis qu'il est sorti et très bien sans nous !". Car bien que récente, la mise en place de cette structure, véritable tremplin a l'autonomie, est un franc succès. "Sur tous ceux qui sont sortis, pour l'instant nous n'avons pas de retours en arrière", se félicite la conseillère.
Depuis le 1er octobre dernier, Fabrice n'a plus besoin d'accompagnement. À l'exception de ses finances, gérées par un curateur extérieur à sa famille. "Si j'ai besoin d'un peu plus de sous, il me les met sur mon compte". Bien que sous curatelle, Fabrice peut donc prétendre à une vie tout ce qu'il y a de plus normal, y compris de se marier ou d'aller voter. "Maintenant je sais me débrouiller tout seul !".
Fabrice est presque une exception. Aujourd’hui seulement 1% des résidents en ESAT atteignent cet objectif d’autonomie. L’agence régionale de santé aimerait porter ce chiffre à 2%.