Les 14 et 15 septembre prochains, les cadres du Rassemblement National feront leur rentrée. Cette année, pas d'université d'été dans l'une des villes RN du Sud de la France. L'eurodéputé Aleksandar Nikolic a été choisi pour procéder pendant l'été à un inventaire des fédérations et rendra sa copie à la rentrée.
Après la relative déconvenue pour le RN aux élections législatives, une remise en question au sein du parti frontiste s'impose cet été. Car les erreurs de castings, frasques racistes ou antisémites des candidats ou même leur manque de compétence et de consistance ne sont pas passés inaperçus pendant la campagne.
Tirer les leçons des législatives
De fait, les exemples se sont accumulés entre la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin et le second tour des législatives le 7 juillet. De la candidate prise en photo coiffée d'une casquette nazie à celui qui se félicitait de ne pas écraser avec sa moto un prêtre d'origine africaine, en passant par celle qui prônait une épuration ethnique sur les réseaux sociaux.
Elle prend la pose avec une casquette de sous-officier de la Luftwaffe, armée de l'air nazie ➡️ https://t.co/0PVZvR27nd#législatives2024 pic.twitter.com/1BXnLGzoFH
— Le Point (@LePoint) July 2, 2024
Sans compter les difficultés rencontrées par les candidats lors des débats qui les ont opposés à leurs adversaires, et ont largement circulé sur les réseaux sociaux. Et les cas de candidats "fantômes" comme dans le Loiret. Fait rare, ils avaient aussi été une trentaine à refuser de participer aux débats d'entre-deux tours sur les antennes de France Bleu.
Ces dérapages ont vraisemblablement coûté cher au RN au deuxième tour du scrutin. Il faut désormais redresser la barre. Même Jordan Bardella, favori déchu, a bien dû admettre qu'il y avait dans son mouvement des "brebis galeuses". Le plan Matignon de Jordan Bardella élaboré dès 2022 assurait pourtant que les 577 candidats étaient sélectionnés et prêts en cas de dissolution de l'Assemblée nationale.
Alors que Gilles Pennelle, responsable des fédérations et directeur général du RN a été contraint de démissionner à l'issue des législatives, c'est Aleksandar Nikolic, conseiller régional du Centre-Val de Loire et fraîchement élu eurodéputé qui se voit confier une mission d'audit sur la gestion de toutes les fédérations RN.
Un CV impeccable
Et ce poste, Aleksandar Nikolic le doit à ses bons résultats en Eure-et-Loir, fédération dont il a eu longtemps la charge. Considérée par le parti comme la mieux gérée de France, elle est également celle qui a présenté le plus de candidats aux élections municipales 2020 en Centre-Val de Loire. Aucune ville n'a pour autant été remportée par le RN, mais ces résultats ont suffi à faire remarquer le trentenaire.
Il était aussi depuis 2020 conseiller municipal de Saint-Rémy-sur-Avre, mais a dû démissionner en devenant député européen en raison du cumul des mandats. Il est par ailleurs conseiller régional Centre-Val de Loire où il préside le groupe RN depuis 2021. Et depuis cet été, assure donc l'intérim à la direction des fédérations du parti d'extrême droite.
Aleksandar Nikolic tempère toutefois sa mission d'audit et parle plutôt "d'inventaire". "Je suis chargée de faire un point sur les fédérations et d'apporter des suggestions pour encore améliorer notre structuration. Dans la grande majorité, nos candidats ont très bien représenté le mouvement, mais on peut encore faire mieux".
On réfléchit par exemple à réinstaurer des coordinateurs régionaux par exemple pour qu'il y ait un intermédiaire entre la fédération, le délégué départemental et le siège.
Aleksandar Nikolic, député européen RN
Un problème de RH au sein du RN ?
Le nouveau responsable des fédérations va principalement se pencher sur la problématique des ressources humaines. Celle-ci n'est pas nouvelle et préoccupait déjà le parti en 2015. La conséquence d'un parti qui a grossi vite, sans que les rangs ne soient suffisamment consolidés dans les régions.
Pour éviter de créer des contre-pouvoirs locaux trop importants, le prédécesseur d'Aleksandar Nikolic, Gilles Pernelle avait interdit le cumul du mandat de député avec la fonction de délégué départemental de sa circonscription. Une interdiction à laquelle avaient toutefois échappé quelques chefs de file, comme le député et conseiller régional Sébastien Chenu dans le Nord. Avec la bénédiction de Jordan Bardella.
Or, ce sont ces mêmes délégués départementaux qui étaient chargés de présélectionner les candidats aux législatives et qui aujourd'hui pourraient être tenu pour responsable de leurs errements.
Une situation à laquelle Aleksandar Nikolic souhaite remédier. "Je pense que très souvent, l'incarnation du parti dans les fédérations c'est le député. En tout cas, nous allons avoir des scrutins à venir très importants : une potentielle dissolution dans un an, les municipales en 2026, les législatives en 2027, les départementales en 2028…", énumère l'élu. "Il faut donc que les fédérations soient prêtes et qu'on n’ait aucun candidat qui crée des polémiques pour des publications sur les réseaux sociaux passées ou dans les déclarations et de meilleurs candidats dans les débats".
Une difficulté de recrutement
Pour la politologue Virginie Martin, le RN, particulièrement scruté par les médias, aurait dû mieux se préparer. "Des couacs auraient pu aussi être trouvés dans les autres parti. Peut-être qu'on peut dire qu'il y a aussi eu un front républicain médiatique. Mais le RN savait que leur traitement médiatique est particulièrement scrupuleux. À eux aussi de faire attention".
La politologue voit aussi dans les législatives et la "Bardella-mania" orchestrée sur les réseaux sociaux une opportunité pour le parti à la flamme : celle d'attirer de nouveaux talents. Arrivé en tête au premier tour des législatives, et avec un groupe parlementaire de 126 députés, le RN dispose désormais "d'un financement public assuré pour longtemps. Avec tout ça vous pouvez vous acheter, au sens strict comme figuré, une politique RH bien plus fine".
La politologue partage l'analyse d'Aleksandar Nikolic sur le volet local : "le RN a longtemps travaillé sur la notabilisation nationale, mais n'ont peut-être pas assez fait remonter les talents du terrain. Le parti n'a peut-être pas su assez bien grandir dans ses territoires". Pour Virginie Martin, le FN, sous son nouveau nom, tend progressivement à lever le tabou.
"Certains talents peuvent franchir le pas, alors qu'ils ne l'auraient peut-être pas fait avant. Par le passé ils ont eu beaucoup de mal à recruter, ne l'oublions pas. Dans les années 90 on prenait le cousin de la cousine", explique la politologue. Au point où, à partir d'une liste de candidat, "on pouvait reconstruire des familles" entières. Au-delà, "beaucoup ne voulaient pas s'afficher avec le logo RN ou FN".
C'était tellement tabou, vous n’aviez aucune chance d'être élu, vous jetiez l'opprobre sur vous, vous étiez grillé absolument partout, vous perdiez des positions professionnelles. Aujourd'hui c'est moins le cas, encore moins après ces législatives.
Virginie Martin, politologue
Mieux former les candidats
Désormais, pour Aleksandar Nikolic, l'accent doit être mis sur la formation des candidats. "Ils doivent être mieux préparés sur le fond et capables de relayer les idées du parti aux gens". L'élu voudrait aussi engager un travail sur les idées à l'échelle locale. "On est un parti où on s'engage pour des idées nationales. Si on veut aussi être un parti de territoire, il faut qu'on travaille là-dessus. Car l'objectif c'est d'avoir des maires, d'avoir des élus ancrés sur les territoires. Jusqu'à présent on se donnait pour objectif d'avoir des gens partout et c'est ce qu'on avait fait. Mais plutôt que de demander à des gens de déménager, il faut qu'on les trouve en local".
Les 126 députés RN et apparentés feront leur rentrée lors des journées parlementaires les 14 et 15 septembre prochain où seront notamment dispensées des formations. Avec peut-être des annonces quant aux résultats de cet audit qui n'en était pas un.
Selon des informations recueillies par Le Point, entre 25 et 30 % des délégués départementaux du RN se verraient remerciés et remplacés dans les mois à venir. Des chiffres toutefois tempérés par Aleksandar Nikolic, tout comme le mot de "ménage" dans le parti. "Les gens ne sont pas des poussières. L'objectif c'est d'améliorer dans certains endroits les postes de responsables de fédérations. Et ces changements seront progressifs", assure le nouveau responsable des fédérations.
