L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a ouvert la voie ce jeudi à l'allongement de la durée de vie des plus vieux réacteurs en France jusqu'à 50 ans, enjoignant EDF de réaliser des travaux pour améliorer leur sûreté.
Le gendarme du nucléaire a publié une décision, qui était attendue, portant sur les 32 réacteurs de 900 MW, les plus anciens du parc français, mis en service pour l'essentiel dans les années 1980. L'ASN a fixé dans ce texte les conditions pour qu'ils puissent fonctionner au-delà de leur quatrième "réexamen périodique", qui a lieu tous les dix ans, donc au-delà
de leur 40e anniversaire.
L'ASN considère que l'ensemble des dispositions prévues par EDF et celles qu'elle prescrit ouvrent la perspective d'une poursuite de fonctionnement de ces réacteurs pour les dix ans qui suivent leur quatrième réexamen périodique
L'ASN prescrit "la réalisation des améliorations majeures de la sûreté prévues par EDF, ainsi que des dispositions supplémentaires qu'elle considère comme nécessaires", précise-t-elle.
L'âge du parc nucléaire français ⤵️ #AFPgraphics #AFP pic.twitter.com/0sqoMXtof2
— Agence France-Presse (@afpfr) February 25, 2021
EDF devra ainsi réaliser une série de tests et de travaux pour améliorer la sûreté de ses réacteurs.
"Un premier objectif est de réduire les conséquences des accidents et notamment des accidents graves, avec une fusion du coeur du réacteur", a expliqué à l'AFP Julien Collet, directeur général adjoint de l'ASN.
Des améliorations sont notamment prévues pour que la radioactivité reste confinée à l'intérieur de l'enceinte en cas d'accident. "Le deuxième grand volet porte sur le renforcement (face) aux agressions qui peuvent survenir sur ces installations", a-t-il poursuivi. Sont visées les agressions externes (séisme, inondation, chaleur extrême...) et internes (incendie...). Enfin, un dernier volet porte sur "le renforcement au niveau de la piscine d'entreposage des combustibles usés", a indiqué Julien Collet.
Les "Points de faiblesse" des réacteurs
Les réacteurs français avaient été autorisés à l'origine sans limitation de durée de fonctionnement, mais EDF avait initialement envisagé une durée de vie de 40 ans. Les centrales concernées sont les plus anciennes: Bugey (Ain), Blayais (Gironde), Chinon (Indre-et-Loire), Cruas (Ardèche), Dampierre (Loiret), Gravelines (Nord), Saint-Laurent (Loir-et-Cher) et Tricastin (Drôme). Certains réacteurs, mis en service au tournant des années 1980, ont dans les faits déjà passé le cap des 40 ans.
La décision annoncée jeudi concerne l'ensemble des réacteurs de 900 MW, qui feront aussi l'objet de préconisations individuelles. La mise en oeuvre des améliorations prévues va maintenant s'étaler sur des années.
"Ce réexamen est particulièrement important en termes de volumes de travaux à réaliser sur les installations et il y a de réels enjeux sur la capacité d'EDF mais surtout de ses fournisseurs à pouvoir réaliser l'ensemble des travaux", indique Julien Collet.
L'ASN demande ainsi à EDF de faire un point -rendu public- chaque année. "EDF réalisera chaque année un bilan de l'avancement des travaux et des capacités de réaliser avec ses partenaires industriels le programme", a confirmé une porte-parole du producteur d'électricité.
"Les engagements pris par EDF permettront de porter la sûreté des réacteurs actuellement en exploitation à un niveau proche de celui des réacteurs de troisième génération de type EPR", a-t-elle souligné.
EDF s'est engagé dans un vaste programme de travaux sur l'ensemble du parc, nommé "grand carénage", destiné à améliorer sa sûreté et prolonger sa vie. Il est estimé à 49,4 milliards d'euros sur 2014-2025. Les opposants au nucléaire réclament pour leur part depuis longtemps une fermeture des centrales anciennes, comme cela avait été décidé pour la centrale de Fessenheim (Haut-Rhin), la doyenne arrêtée l'an dernier.
"Les centrales nucléaires françaises en activité ont été conçues pour fonctionner entre 30 et 40 ans. Au-delà, les réacteurs nucléaires entrent dans une phase de vieillissement inconnue", estime Greenpeace. L'ONG demande de "préparer les prochaines fermetures".
Le président de l'ASN, Bernard Doroszczuk, a reconnu dans un entretien à Ouest France "des points de faiblesse sur l'état des matériels importants pour la sûreté" mais aussi des "améliorations".