Éducation à la sexualité en classe : parents réfractaires et complotisme, la nécessité d'expliquer

Une polémique enfle sur les réseaux sociaux autour d'un cours d'éducation sexuelle donné au collège Jules-Ferry, à Tours. L'académie d'Orléans-Tours a porté plainte pour diffamation.

"Il y a encore cette vieille idée qui dit que si on parle de sexualité, cela va encourager les jeunes à la masturbation ou à passer à l'acte, mais c'est faux." Les associations qui organisent des sessions d'éducation sexuelle dans les classes le savent, les clichés ont parfois la vie dure. 

Un cours qui fait polémique 

A Tours, une séance organisée par une autre association au collège Jules-Ferry a cristallisé les foudres d'un groupe de parents. Début février 2024, à peine 3 jours après la session nommée "Vie affective relation filles garçons", un communiqué intitulé "Alerte grave dans un collège de Tours" était publié sous la bannière du collectif Parents en colère, proche de l'extrême-droite. Relayé sur les réseaux sociaux, il prend rapidement des allures de polémique.

Selon cette publication, un groupe d'élèves, a priori 4 filles pour 10 garçons, aurait été poussé à regarder des "statues d'appareils génitaux qui étaient disposées dans la salle ainsi que les photos de deux personnes nues et deux personnes en sous-vêtements ". Il est également question dans ce texte d'une jeune fille, qui aurait été encouragée à aborder le sujet de ses menstruations devant le reste du groupe. Et bien d'autres accusations encore.

Alors que dans les années 80, la peur se concentrait sur sensibilisation contre le VIH, ce sont désormais les questions de genre qui inquiètent certains parents, note une membre d'association. 

Une "attaque diffamatoire" de parents "extérieurs au collège"

Ces propos et faits évoqués via Parents en colère sont entièrement contestés par Christian Mendivé, directeur académique du département d'Indre-et-Loire. Il parle "d'attaque diffamatoire émanant d'un collectif de parents extérieurs au collège". Il indique qu'une plainte pour diffamation a été déposée.

Rappelons que " une information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, collèges et lycées, à raison de trois séances annuelles minimum et par groupe d'âge homogène", selon le Code de l'Éducation. Dans les faits, Christian Mendivé parle de cours qui débutent généralement à l'âge de 10 ans et qui permettent, en premier lieu d'aborder la thématique de l'égalité filles garçons. "Les programmes sont adaptés à l'âge des élèves", précise-t-il.

Cette séance en particulier s'est déroulée au moyen d'un support, l'exposition itinérante 2XY, "connaître son corps", réalisée en partenariat avec le Département. Elle est utilisée depuis 2011 pour engager les échanges autour des notions de consentement, de maladies sexuellement transmissibles ou encore des moyens de contraception.

Ce collectif est à l'affût et se positionne contre l'existence même de ces séances de prévention dans les collèges.

Christian Mendivé, directeur académique du département d'Indre-et-Loire

Au sein de l'établissement tourangeau, les professionnels concernés, choqués, bénéficient d'une protection fonctionnelle, qui leur assure notamment, en tant qu'agents de la fonction publique, de profiter d'une assistance juridique en cas de poursuite.

Le sentiment est partagé par le conseiller départemental chargé des collèges, Judicaël Osmond : "L'exposition tourne depuis douze ans. Elle est appréciée par les enseignants, les parents et les adolescents", a réagi l'élu interrogé par nos confrères de l'AFP.

C'est un groupuscule, plutôt d'extrême droite, qui ment, qui dit qu'on a appris aux enfants à se masturber. C'est stupéfiant. Ils travestissent la réalité. Le but est de nuire.

Judicaël Osmond, conseiller départemental d'Indre-et-Loire

Il a précisé que la présidente du conseil départemental, Nadège Arnault, avait signé ce 13 février "le document autorisant" le département à porter plainte "pour diffamation et injures publiques".

Un ado informé est un ado protégé

"Il est important que tous les enfants aient le même accès à l'information" rappelle la membre d'une association de prévention. Les parents, quant à eux, ont aussi leur rôle à jouer, "même avant les cours à l'école, mais ce n'est pas le cas partout, et parfois pas avec les bonnes informations". 

Pour une génération née à l'ère du smartphone "ils se renseigneront de toute façon sur les réseaux sociaux ou via la pornographie". Et justement, ce que veulent éviter les associations, c'est que ce contact incontrôlé et potentiellement dangereux devienne le point de référence de ces adolescents.

Ces cours permettent en outre de sensibiliser les jeunes à l'usage d'internet, à lutter contre l'homophobie, les préjugés liés aux questions de genre et d'identité. "Il faut absolument rassurer sur ces sujets", appuie le directeur académique, qui décrit les cours dispensés comme des séances "d'éducation à la citoyenneté".

"Plus l'information donnée aux jeunes est fiable et adaptée à leur âge, plus ils retardent leur premier rapport sexuel, dans des conditions plus sécurisées"

Une membre d'association réalisant des cours d'éducation à la sexualité en classe.

Au milieu de certaines théories complotistes, difficile, parfois, d'apaiser les esprits. "Pour les parents qui se retrouvent un peu démunis et ne sauraient pas comment aborder les choses avec leur enfant, il existe des ouvrages comme Corps, amour, sexualité: les 120 questions que vos enfants vont vous poser de Charline Vermont". Les réponses y sont adaptées en fonction de l'âge, pour ne pas retrouver à bégayer face à une question qui peut désarmer. 

Dans un communiqué à la presse, l'association Nous Toutes rappelle que "les jeunes subissent l'imposition de stéréotypes sur les rôles différenciés des filles et des garçons en matière de sexualité et des normes de virilité ou de féminité". La représentation d'un sexualité particulièrement brutale dans les films pornographiques par exemple. Selon une enquête menée par Ipsos 36% des 18-24 ans pensent notamment qu’une femme peut prendre plaisir à être humiliée ou injuriée. 

Des cours obligatoires, et pourtant ... 

"L’éradication de ces violences (sexuelles et conjugales NDLR) passe par la prévention, l’éducation et la formation" insiste Nous Toutes. "L’école, lieu d’apprentissage de la vie en société, a un rôle déterminant à jouer pour prévenir les violences sexistes et sexuelles chez les jeunes." 

Depuis 2001, les cours d'éducation à la sexualité sont obligatoire dans les écoles, collèges et lycées français. Sur son site internet l'association "Cas d'école" regroupe plusieurs chiffres mettant en lumière les défaillances sur le terrain. Elle indique ainsi que 17% des personnes interrogées par l'Ifop n'ont jamaisi reçu de cours adaptés. 

Nous Toutes, association de lutte contre les violences faites aux femmes, réalise en 2021, une enquête auprès de plus de 10 000 jeunes en France. Les réponses au questionnaire de l'organisation montrent que la majorité des élèves n'ont bénéficié que le 13% des séances qui auraient dû leur être dispensées. 

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