Extrême droite. Des groupes radicaux agissent pour empêcher une artiste de présenter son spectacle aux enfants. Témoignage

Une artiste qui défend l'égalité entre les garçons et les filles subit la tyrannie de groupes de droite radicale. Loin d'actions visibles comme la lutte contre l'accueil d'étranger à Callac en Bretagne, leurs actions se font discrètes mais systématiques. Chronique d'une violence invisible.

L'essentiel du jour : notre sélection exclusive
Chaque jour, notre rédaction vous réserve le meilleur de l'info régionale. Une sélection rien que pour vous, pour rester en lien avec vos régions.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "L'essentiel du jour : notre sélection exclusive". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

Elle s’appelle Marion Rouxin et son spectacle pour enfants déchaîne les foudres de groupes d’extrême droite comme Civitas, la Cocarde étudiante, Profession-Gendarme, Breizh-Info ou Parents en colère. Partout où elle joue, ces factions mobilisent leurs troupes pour tenter d’empêcher le spectacle, allant parfois jusqu'au sabotage.

Jouer aux Légo, c'est pour les filles ou les garçons ?

“Faire ses emplettes, faire du vélo, jouer aux Légo, c’est pour les filles ou les garçons ? Aimer le rose, le bleu, c’est pour les filles ou les garçons ?” Des voix d’enfants ouvrent le spectacle musical de Marion Rouxin. L’artiste joue son spectacle "Fille ou Garçon ?" dans des petites salles partout en France depuis octobre 2022.

“Il n’y a qu’à Marseille ou dernièrement à Saint-Brieuc où nous avons pu jouer tranquillement. J’espère que leur colère se calme”, souffle l’artiste. Des groupes radicaux refusent que le spectacle conçu par cette experte de la scène pour enfants soit joué devant leurs têtes blondes.

L’histoire, chantée à deux voix par Marion et Eric Doria, pose la question de la différence entre garçons et filles. Les interdits, les tabous, la possibilité d’assumer des choix aussi simples que d’avoir des cheveux longs pour un garçon ou de jouer au ballon pour une fille.

Accusée de "perturber le développement des enfants"

Le conte donne, chanson après chanson, la parole à des enfants vivant dans le monde d’aujourd’hui. Certains ont des parents de même sexe, des petites filles jouent au foot et des petits garçons peuvent avoir les larmes aux yeux. Ce discours de tolérance est interprété comme pouvant "perturber le développement de jeunes enfants” par cette communauté radicale.

Un homme a arraché le compteur électrique de la salle pour mettre fin au spectacle.

Marion Rouxin, chanteuse du spectacle "Fille ou Garçon ?"

Depuis près de sept mois, sur quasi toutes les représentations, des petits groupes s’activent pour tenter d’interdire le spectacle. “Le pire a été à Nantes. Un homme a arraché le compteur électrique de la salle pour mettre fin au spectacle. Plus d’électricité, plus rien. Les familles avec enfants se sont retrouvées dans le noir”, se remémore la chanteuse. Un sabotage condamné par la mairie de Nantes qui a mis en lumière “l’implication de l’organisation catholique traditionaliste Civitas”.

Le président de Civitas a reconnu auprès de l’AFP que des “actions de tractages et d’affichages dans les semaines qui ont précédé” le spectacle avaient été menées par son collectif mais refusait de reconnaître sa responsabilité dans ce débordement. Dans un communiqué repris par le groupe Riposte catholique, Civitas mettait en avant “la propagande immorale et contre nature de l’idéologie du genre”.

Courriers aux élus et aux enseignants

Pour empêcher les représentations, ces partisans de l’extrême droite ou de valeurs chrétiennes traditionalistes écrivent aux élus et aux enseignants. Dans des courriers que nous avons pu consulter, le discours mêle théorie du complot face aux politiques en faveur de la “transsexualité” et accusation de "wokisme" ou "de gaspillage d'argent public".

Certains imaginent que le spectacle est conté par des drag-queens. Une propagande nourrie par des sites d’extrême droite comme Breizh-Info qui affirme que la pîèce musicale présente des théories “déconstructrices pour la famille naturelle et traditionnelle”.

À chaque fois, les articles ou tweet appellent à la “mobilisation” pour “les parents qui aiment leurs enfants”.

La méthode Callac

Comme à Nantes en Loire-Atlantique, à Janzé en Ille-et-Vilaine, Gouesnou dans le Finistère ou Sotteville-lès-Rouen en Normandie, Marion Rouxin a subi des pressions du même type que celles contre l’accueil des étrangers dans la commune de Callac : harcèlement numérique, désinformation, propagande. Même contre une artiste qui joue dans des petites salles, il semble que le mouvement d’opposition de la droite ultra-radicale se coordonne.

Quelle société veulent-ils ?

Marion Rouxin, chanteuse du spectacle Fille ou Garçon ?

“J’ai longtemps hésité avant d’en parler, pour ne pas les mettre en lumière”, explique Marion Rouxin fatiguée de subir cette pression. “Mais quelle société veulent-ils ?” s’alarme l’artiste dont le but est d’offrir un spectacle qui casse les stéréotypes pour offrir aux enfants l’occasion d’oser s’exprimer.

“J’ai tellement d’enfants qui viennent avec leur classe et qui reviennent avec leurs parents”, s’enthousiasme la chanteuse. “Des petites filles sont contentes d’entendre qu’elles peuvent être aussi fortes que des garçons et des garçons m’avouent qu’ils aimeraient avoir les cheveux longs”.

Malgré les agissements ciblés de groupes militants “il y a très peu d’annulations, la tournée est bien fournie”, se rassure l’artiste. Les messages de soutien de communes, d'écoles, de parents d'élèves ayant pu découvrir le spectacle participent à la faire tenir debout. 

Marion Rouxin ne faiblit pas et ne regrette rien. “Au contraire, cela me rend presque plus féministe”, conclut la musicienne.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information