L'hôpital de Loches présente une situation financière "dégradée nécessitant un plan de retour à l'équilibre". Des difficultés représentatives de la situation de l'hôpital public dont la direction comme l'ARS annoncent en avoir pris la mesure avant d'agir.
C'est un rapport qui peut faire peur. La Chambre régionale des comptes Centre Val-de-Loire a rendu public, le 7 octobre dernier, ses observations sur la situation du Centre Hospitalier Paul Martinais de Loches en Indre-et-Loire. Bien que la juridiction financière souligne une bonne implantation de l'établissement dans son territoire, elle alerte également sur une situation financière "particulièrement dégradée", nécessitant "l’élaboration urgente d’un plan de redressement". Une situation déjà bien connue à l'établissement, géré communément avec le CHRU de Tours depuis 2016. Mais la direction se veut rassurante : il n'y aura pas de suppressions de postes de soignants.
"L'établissement a du mal à se remettre de la crise Covid "
"Il n'y a pas vraiment de surprises pour nous, réagit Sophie Nadon, déléguée syndicale CGT de l'hôpital de Loches. Il ne ressort rien d'exceptionnel de ce rapport de la Cour des comptes." L'infirmière ne peut que constater les difficultés soulevées par le rapport de la Chambre régionale des comptes, et notamment sa situation financière. "L'établissement a du mal à se remettre de la crise Covid et à être attractif", accorde-t-elle. Avant de nuancer : "Cette fois, c'est l'hôpital de Loches, mais c'est pareil partout."
Le rapport de la Chambre régionale des comptes met effectivement en avant des "facteurs d'ordre conjoncturel". La crise sanitaire est passée par là, avec une baisse des activités et donc un manque à gagner. Mais des raisons plus "structurelles" sont aussi invoquées, comme l'emplacement dans un territoire rural. "En particulier, les activités de SMUR et des urgences, indispensables sur le territoire de santé, sont structurellement déficitaires dans ce type d’établissement de taille moyenne", décrit le rapport.
Du côté de la direction du CH Paul Martinais de Loches, les conclusions du rapport n'ont pas non plus étonné. "Le constat de difficultés financières de l'établissement est partagé, déclare Florent Uro, directeur délégué du CH de Loches. Tout comme la cause de ces difficultés, liées à la baisse d'activité depuis 2019." La pandémie de Covid-19 a fait baisser les consultations, de nombreuses opérations chirurgicales ont été déprogrammées et d'autres services ne sont pas pleins comme l'Ehpad de Puy Gibault ou encore le court séjour gériatrique.
Le sujet principal, c'est la baisse d'activité. C'est notre axe stratégique numéro un.
Florent Uro, directeur délégué du Centre hospitalier Paul Martinais de Loches
"Il y a moins d'activité, moins d'argent et donc moins de dépenses", observe Sophie Nadon. Une sorte de cercle vicieux qui touche énormément d'établissements de soin publics. La Fédération Hospitalière de France (FHF) constatait, dans son baromètre d'accès au soin de mars dernier, "un sous-recours national cumulé de 3,5 millions de séjours hospitaliers en médecine, actes peu invasifs et chirurgie". La FHF avance la possibilité d’un renoncement aux soins en hausse, en précisant que "63 % des Français ont déjà renoncé à, au moins, un acte de soin au cours des cinq dernières années", mais également "les tensions que connaît l’hôpital public en termes d’effectifs".
Un manque d'attractivité qui renforce les problèmes de recrutement
Cette dernière difficulté est bien connue de l'hôpital lochois. L'attractivité du territoire est pointée, mais pas seulement. La direction de l'établissement met aussi en avant une offre de soin assez complète, mais encore trop méconnue des patients qui s'orientent vers de plus grosses structures avec l'idée qu'ils n'auraient pas accès à certaines spécialités à Loches. "Il y a aussi un enjeu d'organisation et de fonctionnement interne pour qu'il soit plus plaisant de travailler au sein de l'établissement", avance le directeur délégué de l'établissement Florent Uro.
Car un hôpital en manque d'effectifs amène d'autres difficultés pour les soignants restants, comme le relève la syndicaliste Sophie Nadon : "Il y a aussi des médecins qui ne viennent pas faire de remplacements parce que ce n'est pas confortable et on peut être livré à soi-même." Mais là encore, la problématique n'est pas spécifique à Loches. "Même à Tours, il y a des problématiques de recrutement, ça se voit moins, car les équipes sont plus grandes, mais il y en a", assure-t-elle. À Loches, faute de médecins, les urgences sont régulièrement fermées, faute de médecins urgentistes.
Mais la situation pourrait être bien pire, sans "la bonne implantation dans le territoire" de l'hôpital de Loches, soulignée par la Chambre régionale des comptes. "Nous avons la chance de travailler assez bien avec la médecine de ville", abonde Florent Uro, s'appuyant sur Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), regroupant tous les médecins généralistes du lochois. "Nous mettons en place, avec eux, une maison médicale de garde les week-ends, à proximité des urgences, décrit-il. Cela permet un accueil pour les soins qui ne nécessiteraient pas de prise en charge hospitalière."
La direction du CH de Loches entend fluidifier sa prise en charge des patients. "On a besoin de recruter des médecins supplémentaires et en même temps, on peut déjà améliorer nos parcours de soins, considère Florent Uro. Par exemple, l'urologie est un petit peu en recul, faute de temps médical, même si l'activité continue. On a aussi une capacité à être plus efficaces sur la gestion de nos vacations opératoires." Du côté du personnel, Sophie Nadon voit aussi un manque de financement qui permettrait cela.
L'Ehpad n'est pas plein, mais les charges fixes restent les mêmes et on ne peut pas supprimer des postes pour autant, car déjà, on n'est pas large. Le problème provient d'un financement insuffisant.
Sophie Nadon, infirmière et déléguée syndicale CGT de l'hôpital de Loches
Une position que soutient la FHF. "La situation budgétaire de l'hôpital public n'a jamais été aussi dégradée", a déploré Arnaud Robinet, le président de la FHF, le 1ᵉʳ octobre 2024. L'organisation demande une augmentation de 6 % de l'enveloppe de l'Hôpital public, soit plus de 6 milliards d'euros afin de pallier la situation. Mais le financement ne fait pas tout, selon le directeur délégué de l'hôpital de Loches. "J'ai les fonds pour recruter, mais je ne trouve pas de médecins, pointe Florent Uro. Ce n'est pas l'argent qui va créer des soignants qui sont en nombre limité et pour lesquels il y a des plans nationaux de formation qu'on attend. Mais à très court terme, l'argent ne crée pas les compétences."
Des pistes se trouvent également dans le partenariat avec le CHRU de Tours. "Il y a beaucoup de jeunes médecins ou de jeunes chirurgiens qui sont intéressés par des postes partagés entre Loches et le CHRU de Tours. C'est une évolution, mais on essaie de s'adapter", explique le directeur délégué, Florent Uro.
Des économies à prévoir
Au vu des résultats financiers que présente l'hôpital Paul Martinais de Loches, la Chambre régionale des comptes juge nécessaire "l'élaboration urgente d'un plan de redressement". Une préconisation qui inquiète forcément les salariés, craignant des coupes budgétaires et des suppressions de postes. "C'est difficile, car il n'y a de surplus nulle part. Nous sommes déjà une petite structure avec une petite équipe", signale la déléguée CGT, Sophie Nadon.
Si ce plan de redressement est en cours de réflexion, la trajectoire financière de l'établissement est déjà validée dans le but de redresser les comptes, comme nous l'ont confirmé la direction de l'hôpital et l'ARS Centre-Val de Loire. "Il y a un fort volet "recettes" parce qu'on souhaite rétablir l'activité, mais aussi des économies sur les dépenses. Il n'y aura pas d'économies sur les effectifs soignants", assure Florent Uro.
Une promesse déjà faite auprès du personnel, mais l'inquiétude persiste. "Nous ne sommes pas d'accord pour supprimer des postes administratifs non plus, milite Sophie Nadon. On a besoin de secrétaires, par exemple pour gérer l'accueil des patients, répondre au téléphone, faire de l'administratif. Et si ce travail n'est pas fait, il va bien falloir que quelqu'un le fasse et ça tombera sur les soignants qui font déjà du travail administratif qu'ils ne devraient pas faire."
La déléguée CGT assure que le problème ne vient pas de la gestion de l'établissement, mais en veut aux pouvoirs publics. "À force de ne pas mettre d'argent, on en arrive là. Ce sont des choix politiques, mais derrière, c'est la population qui en pâtit. Quand les établissements ferment des services, une partie de la population ne se soigne plus, les gens ne peuvent pas forcément faire 50 km pour se soigner", alerte-t-elle.
On ne souhaite pas faire d'économies sur les effectifs soignants, ça inclut les médecins comme les paramédicaux.
Florent Uro, directeur délégué du Centre hospitalier Paul Martinais de Loches
Sans ne rien dévoiler, la direction du CH de Loches indique avoir des pistes pour faire les économies demandées. "La suppression de postes n'est pas un objectif en soi. L'objectif, c'est l'efficacité et de mieux dépenser l'argent public, comme toute administration", répond le directeur délégué, Florent Uro. À l'inverse, il avance également d'autres pistes pour redresser la situation financière de l'établissement comme la ré-internalisation de certains services sous-traités.
Les décisions stratégiques sur les économies à venir devraient être annoncées d'ici à la fin de l'année. En attendant, le CH de Loches travaille à retrouver une certaine attractivité, pour les patients comme les soignants. Cela passe, cette fois, par de nouveaux investissements coûteux. L'établissement s'est récemment vu financer la réhabilitation de bâtiment ou encore une IRM, révèle à France 3 la direction de l'hôpital. Ce qui devrait permettre aux patients du Lochois de ne pas avoir à se déplacer jusqu'à Tours pour une imagerie médicale. Un signe que l'ARS compte sur l'établissement et son maillage territorial. Malgré les difficultés qui subsistent depuis quelques années, pointées dans le rapport de la Chambre régionale des comptes Centre-Val de Loire, l'avenir de l'hôpital Paul Martinais de Loches ne semble pas vraiment menacé.