"Les suppressions de postes sont justifiées par la fin du moteur thermique" : inquiétudes chez les sous-traitants automobiles

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La voiture électrique, un bouleversement pour les constructeurs, pour les automobilistes, mais aussi pour les sous-traitants, et on en compte bon nombre en Centre-Val de Loire. Sommes-nous prêts pour l'électrique ? ©France télévisions

En 2022, l’Union européenne a décidé d’interdire la vente de voitures neuves à moteur thermique à partir de 2035. Même s’il reste encore quelques doutes sur le maintien de cette échéance, la filière automobile a entamé sa mutation. L’enjeu est particulièrement important en Centre-Val de Loire, où on craint des pertes d’emplois.

La région Centre-Val de Loire ne fait pas partie des territoires emblématiques de la construction automobile car elle n’héberge pas les usines de grandes marques comme Renault, Peugeot ou Citroën. Son activité économique est pourtant liée à la bonne santé de ce secteur, puisqu'elle accueille un réseau de plus de 400 sous-traitants représentant 27 000 salariés, ce qui fait de cette filière le premier employeur privé régional. La tendance est toutefois à la baisse, et 1 500 emplois ont été supprimés ces cinq dernières années.

Certaines entreprises, dont l’activité était essentiellement liée au moteur thermique, ont subi en plus le ralentissement économique dû au Covid et à la guerre en Ukraine. Ce qui les a conduites à fermer leurs portes. C’est ainsi que des sociétés comme Maflow (Chartres), Ibiden  (Courtenay), Tenneco (Orléans) et NGK (Meung-sur-Loire) ont disparu du paysage.

"Le moteur thermique doit encore avoir un avenir"

Parmi les plus gros employeurs du secteur qui vont devoir évoluer pour s’adapter à la mutation du marché figure l’usine Hutchinson, installée à Châlette-sur-Loing depuis 1853. Spécialisé dans la transformation du caoutchouc, le site ne fabriquait au départ que des chaussures de pluie. Mais au XXe siècle, le développement de l’automobile a dynamisé sa croissance. Des pneus aux courroies de distribution, de nombreux éléments ont été fabriqués sur ce lieu qui a employé jusqu’à 4 000 salariés, mais aujourd’hui, la tendance est à la décrue. Après une succession de plans de départ, ils ne sont plus que 1 200, dont 400 seulement sont directement dédiés à la production.

Pour notre direction, les suppressions de postes sont justifiées par l’arrivée de la concurrence et par la fin du moteur thermique.

Ahmet Olcay, délégué syndical CGT Hutchinson

"Certains produits sont en fin de vie. Quelques nouveaux produits sont développés pour le véhicule électrique par notre centre de recherche mais, dès qu’ils sont mis au point, la fabrication est envoyée en Afrique du Nord ou en Europe de l’Est. Beaucoup de salariés sont anxieux. Nous allons lancer une étude sur les risques psychosociaux," ajoute Ahmet Olcay.

L’inquiétude est partagée par le maire PCF de Châlette-sur-Loing, Franck Demaumont, qui sait que la bonne santé de ce poumon économique est nécessaire dans l’agglomération de Montargis. "Il est essentiel de garder une cohérence chez Hutchinson entre le développement et la production. Il y a ici une forte main-d’œuvre ouvrière qui est touchée par la disparition des emplois industriels. Je pense que le moteur thermique doit encore avoir un avenir et qu’il ne faut pas aller trop vite, ne serait-ce que pour le pouvoir d’achat des ménages," explique l'édile.

À quoi va ressembler le marché de l'automobile après 2035 ?

À l’autre bout de la région, SKF, l’autre grand employeur du secteur, entreprise suédoise qui emploie 1 300 salariés à Saint-Cyr-sur-Loire en Indre-et-Loire, se prépare aussi à la mutation. "À moyen terme, toute notre production liée au moteur thermique va s’arrêter, explique le directeur du site Eric Beghini. Par exemple, les butées d’embrayage et les galets tendeurs. Mais seulement 40% de notre production est liée à l’automobile, le reste est lié à l’industrie."

Soutenue par des subventions publiques, l’entreprise a récemment investi 10 millions d’euros pour créer de nouvelles lignes de production destinées au moteur électrique, et a embauché 80 salariés. Un pari sur l’avenir, car il est difficile d’y voir clair aujourd’hui pour les investisseurs. "On sait à peu près ce qui va marcher, mais on n’est sûr de rien, poursuit Eric Beghini. Il faut être prêt à suivre toutes les tendances. Est-ce que l’hydrogène et les piles à combustible vont aussi se développer ? On ne sait vraiment pas à quoi va ressembler le marché après 2030." 

L'eldorado de la voiture électrique ?

Dans ce contexte incertain, de nouveaux sous-traitants comme MSL Circuits, basé à Meung-sur-Loire dans le Loiret, en profitent pour gagner des parts de marché. Spécialisée dans la fabrication de composants électroniques, l’entreprise ne travaillait presque pas pour l’automobile il y a encore deux ans. En 2023, ce secteur a représenté 13% de son activité et l’objectif fixé pour 2024 est de 22%. MSL Circuits fabrique des cartes électroniques qui servent, entre autres, à piloter les batteries et calculer leurs autonomies. Les 200 000 produits fabriqués chaque jour sont vendus à des clients comme Renault, Stellantis ou Valéo. 

Pour nous, le véhicule électrique représente un eldorado. Nous sommes passés en deux ans de 450 à 650 salariés.

Bruno Racault, président de MSL Circuits

"Nous investissons constamment. Mais pour être compétitifs, il faut s’équiper de robots. Chez nous, la main-d’œuvre ne représente que 5% du coût du produit," explique Bruno Racault.

La grande mutation en cours fera assurément des gagnants et des perdants. Selon le président de la fédération des équipementiers, Claude Cham, cité par le magazine Challenges, "70 000 postes sont menacés par la fin des véhicules thermiques sur 300 000 d'ici à 2030, chez les fournisseurs automobiles en France." En compensation, seuls 35 000 à 40 000 postes seraient créés pour la voiture électrique. Mais ces estimations peuvent évoluer à la hausse comme à la baisse, selon la qualité de la nouvelle concurrence venue de Chine.

► "Enquêtes de Région" : diffusion le mercredi 1er mai 2024 à 23h10 sur France 3 Centre-Val de Loire et déjà disponible en avant-première sur France.tv

À voir également dans cette émission, deux autres magazines :

Corinne Bian Rosa et Grégoire Grichois se sont intéressés au marché de l’automobile ancienne qui représente aujourd’hui en France 4 milliards de chiffre d’affaires. De l’amateur de Peugeot des années 60 au collectionneur de Ferrari à plusieurs dizaines de millions d’euros, le secteur est en pleine croissance.

Antoine Wernert et Marion Ptak ont rencontré ces automobilistes qui veulent rester fidèles à leur moteur diesel ou essence. Plus radicaux, ils sont mêmes farouchement opposés à la démocratisation des voitures électriques.

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