En décembre, à la veille de la mobilisation du 12 décembre 2023, Stéphane Leroy, secrétaire départemental du SNUEP-FSU 41 parlait de "casse du lycée pro" et les syndicats exigeaient le retrait de la réforme Grandjean. Qu'en est-il au lendemain de la rentrée avec l'entrée en vigueur de la réforme ?
La réforme Grandjean de la voie professionnelle est entrée en vigueur en cette rentrée 2024. Parmi les inquiétudes des syndicats, la possibilité pour les élèves de choisir au mois de mai entre la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle et la baisse du nombre d'heures d'enseignement disciplinaire. Un préavis de grève a été déposé jusqu'aux vacances de la Toussaint.
"Une année de terminale en Y", source d'inquiétude pour les syndicats
Le pan de la réforme le plus critiqué par les syndicats d'enseignants des lycées professionnels est la modification du calendrier de l'année de terminale.
Comme la plupart des épreuves du bac sont avancées au mois de mai, le nombre de semaines de cours passe de 26 à 22 et le nombre de semaines de formation en milieu professionnel passe de 8 à 6.
Ensuite, mi-mai, et c'est ce qui a donné le nom de "terminale en Y", les élèves auront le choix entre la poursuite d'études avec six semaines de cours de préparation à l'enseignement supérieur ou l'insertion professionnelle avec six semaines de périodes de formation en milieu professionnel. Un stage indemnisé jusqu'à 100 euros par semaine.
Stéphane Leroy, co-secrétaire académique du SNUEP-FSU et professeur d'atelier au lycée Augustin Thierry à Blois tient à préciser que les collègues sont contents de retrouver leurs élèves mais avec une inquiétude par rapport au parcours "en Y de terminale". " Aujourd'hui, on ne sait pas quels seront les enseignements qui seront dispensés ? Par qui ? Qui assurera le suivi des élèves qui auront choisi de partir six semaines en stage ? Est-ce que ces élèves pourront changer au cours d'année ?"
Pour le représentant du syndicat SNUEP-FSU, le gouvernement ne connaît pas les problématiques du terrain.
"Avec cette réforme, l'idée du ministère était que les jeunes qui veulent s'insérer rapidement vont en stage et ceux qui veulent poursuivre leurs études en BTS, la majorité des élèves, restent en formation au lycée", rappelle Stéphane Leroy. "Mais dans la réalité, les jeunes qui ont de bons résultats vont aller en entreprise parce que 100 euros par semaine pendant six semaines quand on est issus de classes populaires ce n'est pas négligeable et ils seront quand même pris en BTS. Inversement les élèves qui devraient profiter de cette période pour aller en stage pour s'insérer dans le monde du travail, sont les élèves qui sont déjà décrocheurs au lycée et qui ne trouveront pas de stage. On va se retrouver avec l'inverse de ce qui était souhaité par le gouvernement."
170 heures de cours de moins en trois ans
Emmanuel Mercier, professeur d'électro technique au lycée général et technologque Camille Claudel à Blois et secrétaire régional FSU Centre-Val de Loire ajoute : " Les jeunes qui vont faire cette longue période de stage vont être hors cadre scolaire pendant presque quatre mois en comptant les mois d'été. L'entrée en BTS demande un effort pour les jeunes qui sortent de bac pro. Là, ils auront passé quatre mois en dehors de l'école et on va leur demander de revenir dans une démarche scolaire avec du temps d'enseignement en moins à l'entrée en BTS et des prérequis à rattraper."
Les syndicats de l'enseignement professionnel estiment à 170 le nombre d'heures de cours en moins pour les élèves de la seconde à la terminale. "Certes, ils ont une heure de plus en maths et français en terminale sauf qu'on supprime une heure par semaine en seconde et en première ajoutée aux six semaines de formation professionnelle à la place des cours en terminale. Ce sont 170 heures qui vont manquer aux jeunes qui vont vouloir poursuivre leurs études," détaille Stéphane Leroy.
En juin 2025, une déferlante de stagiaires
Avec cette réforme, pour la première fois, en juin 2025, au même moment les élèves de seconde générale, de seconde et de terminale professionnelle vont devoir trouver des stages en entreprise. "Vu l'échec de cette année, on ne voit pas comment avec les secondes pros en plus ça pourrait bien se passer. Les entreprises ne pourront pas prendre tous ces stagiaires", craint Stéphane Leroy.
Un poste d'enseignant sur cinq non pourvu
Outre la réforme Grandjean, c'est le manque d'enseignants devant les élèves qui inquiète. Selon le SNUEP-FSU, un poste sur cinq n'a pas été pourvu au concours cette rentrée. " Plus il y a de postes et plus il y a de candidats au concours. Et en 20 ans, le nombre de postes ouverts est passé de 17 000 à 8000. Résultat : il y a moins de candidats parce qu'ils pensent que les concours sont plus sélectifs. Pourtant ils le sont moins", constate Emmanuel Mercier, secrétaire régional de la FSU Centre-Val de Loire. "Il faut ouvrir des postes pour attirer des candidats."
Stéphane Leroy du SNUEP-FSU ajoute qu'il y a aussi un effort à faire au niveau des salaires. "Un jeune enseignant commence à 2000 euros et stagne pendant quinze ans. Quand on voit les milliards donnés à l'apprentissage (23 milliards prévus pour 2024), un milliard suffirait pour les lycées professionnels à augmenter les salaires de 10 % et à remettre les heures de cours disciplinaires supprimées lors des deux dernières années", souffle-t-il en dénonçant une concurrence déloyale de l'apprentissage.
Un préavis de grève déposé jusqu'à la Toussaint
Le SNUEP-FSU a déposé un préavis de grève du jour de la rentrée jusqu'aux vacances de la Toussaint pour que chaque action locale soit couverte. "Tous les collègues sont couverts pour déclencher une grève si nécessaire", explique Stéphane Leroy.
En Centre-Val de Loire, 22 639 lycéens ont choisi la voie professionnelle (18 934 dans le public, 3705 dans le privé). Ils sont répartis dans 95 lycées (67 lycées publics et 28 lycées privés).