Développé dans sa première mouture lors des Rendez-vous de l’Histoire, le jeu vidéo gratuit Ex Decreto est sorti ce 1er novembre, et vous met dans les sandales d’un gouverneur romain.
Ah, la Dalmatie. Ses plages, ses vignes, son soleil. Ce n’est pas pour rien que cette région, qui correspond à une bonne partie de la Croatie actuelle, soit devenue un lieu de villégiature. Mais, dans Ex Decreto, vous n’êtes pas là pour vous dorer la pilule. Dans les sandales du gouverneur Lucius Arruntius Camillius Scribonianus, vous devez rendre la justice au nom de Rome, et ce n’est pas une mince affaire.
Les sanguins Dalmatiens
Depuis des disputes foncières jusqu’aux meurtres en passant par des testaments falsifiés et des chèvres malades, les habitants de cette province, récemment conquise par l’empire romain, viennent chercher votre expertise. Et l’enjeu est de taille : en représentant Rome, vous êtes garant de sa légitimité de cette province, et devez donc ménager les intérêts du peuple local, les Davars, des citoyens romains, ainsi que des cités alliées. Sinon : rébellion. Et vous serez viré. Au fait, vous avez cinq jours pour faire tout ça.
On se retrouve donc devant un jeu d’enquête plutôt sympathique et une quinzaine d'affaires au cours desquelles vous interrogerez témoins, conseillers et textes de lois. Car, et c’est l’originalité de ce jeu développé lors de la game jam des Rendez-vous de l’Histoire de Blois en 2022, chaque texte est authentique, et validé par l’historienne Gwenaëlle Deborde, doctorante à la Sorbonne. De quoi occuper les enquêteurs les plus méticuleux une heure ou deux.
Cluedo sous l'Aquila
"J’ai une sensibilité au jeu et en particulier au jeu vidéo", explique la scientifique. "J’avais déjà fait des expériences de création de jeux, sur plateau ou sur ordinateur, sur le modèle du Cluedo, en tant qu’enseignante en classe de seconde."
Passionnée par l’opportunité de vulgariser son travail dans un nouveau jeu d’enquête, l’historienne a donc continuer à travailler avec son équipe de la game jam et chassé les subventions pour se donner les moyens de sortir un produit fini, et accessible gratuitement. Le tout grâce au soutien notamment de la Sorbonne, de la région Île-de-France et de l'association de professeurs d'histoire-géographie Les Clionautes.
Mais on n’est pas tout à fait dans le cadre d’un Assassin’s Creed, où l’histoire n’est, au mieux, qu’une vague toile de fond pour un jeu d’action. Comment opérer dans la contrainte d’un jeu qui, au contraire, a pour vocation, et principal argument, sa vocation pédagogique et son exactitude historique ? "C’est assez complexe", reconnaît Gwenaëlle Deborde, mais sa première boussole a été d’assumer de créer un produit ludique avant tout.
Tu es au contact de vrais documents historiques. Ce n’est pas un travail d’historien mais c’est pensé comme une initiation à la recherche historique.
Gwenaëlle Deborde, historienne
"On s’est efforcé de simplifier le langage de certains textes, et de varier les supports pour éviter que le jeu ne se transforme en lecture d’un article", poursuit-elle. Dans ce contexte, "apprendre n’est pas antithétique du fun". Au contraire, même, pourrait-on ajouter.
Fondé sur de véritables documents latins, textes de loi et comptes-rendus, ce n’est donc pas un hasard si Ex Decreto a des airs de lointains cousin du Cluedo. D’où son retour, d’ailleurs, aux Rendez-vous de l’Histoire 2023, où Gwenaëlle Deborde a présenté sa démarche lors d’une table ronde le 8 octobre, et où elle était également membre du jury de l’édition 2023 de la game jam. Et qui sait, peut-être qu'un autre prototype de cette année sera à son tour finalisé d'ici à l'édition 2024 ?