Animaux sauvages dans les cirques : "Sans animaux, c'est voué à la catastrophe"

Les animaux sauvages seront interdits dans les cirques au 1er décembre 2028. Lions, tigres ou encore éléphants devront notamment être relogés dans des refuges. Explications avec Solovich Dumas, gérant du Grand cirque de Rome et président du collectif des cirques familiaux, et Patrick Violas, fondateur du zoo-refuge La Tanière.

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"Je suis patron de cirque. J'ai des animaux", commence Solovich Dumas. Gérant du Grand cirque de Rome, créé en 1857, il est aussi président du collectif des cirques familiaux depuis deux ans. Autant dire qu'il connaît bien le sujet. 

Sa famille baigne dans l'univers du cirque depuis plusieurs générations. Des plus jeunes aux plus anciens, ils sont 15 à voyager dans toute la France pour faire briller les yeux des petits et grands spectateurs. Grâce à un savoir-faire, mais pas seulement. 

Nous, on va perdre notre identité. C'est notre vie, notre patrimoine, notre culture. Tout cela va disparaître au profit de fanatiques.

Solovich Dumas, président du collectif des cirques familiaux

En effet, durant leurs spectacles, les artistes du Cirque de Rome sont accompagnés de leurs animaux domestiques, mais aussi de tigres, de lions et de singes. Dernièrement, ils avaient pris leurs quartiers aux portes de Pithiviers, dans le Loiret.

L'avis du gérant, quant à la décision d'interdire les animaux sauvages dans les cirques ? "Les militants de la défense de la cause animale, ce sont des détraqués. Ils n'y connaissent rien. Et en face, on a des gens fous qui les écoutent", lâche Solovich Dumas.

Trouver une place pour chaque individu d'ici 2028. C'est l'échéance fixée pour les propriétaires d'animaux sauvages évoluant de façon itinérante. Près de sept ans après l'application de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale, adoptée en 2021.

"Rien que l'intitulé de la loi est blessant", insiste Solovich Dumas. "On est stigmatisé avec cette loi. Qui est-ce qui abandonne des animaux, tous les ans, avant de partir en vacances ? Ce sont les particuliers", tranche le patron du cirque.

Pour enfoncer un peu plus le clou, il parle aussi des euthanasies pratiquées dans les refuges, 50 000 chaque année selon lui. "Et on veut nous faire la morale ?", interroge Solovich Dumas.

Si la cause animale était si importante que cela, il n'y aurait pas autant d'abandons chaque année.

Solovich Dumas, gérant du Grand cirque de Rome

Environ 500 animaux sont concernés par cette future interdiction, dont 300 fauves. "Selon l'État. ll en reste beaucoup plus. Il y en a au moins 800", indique Patrick Violas, le fondateur du zoo-refuge La Tanière, en Eure-et-Loir.

Sans une once de reproche, Patrick Violas explique que, depuis ce recensement, intervenu en période de Covid 19, des naissances ont eu lieu. Ce que confirme Solovich Dumas.

Près de Chartres, des centaines d'animaux sont accueillis à La Tanière, fondée par Patrick Violas et sa femme, Francine. Certains animaux sont retraités. D'autres sont issus des cirques, en France mais aussi à l'étranger, où les conditions de détention sont différentes. 

Comme pour Léo, dont nous vous parlions il y a environ un mois. L'animal, décédé en avril, avait été reccueilli en 2019 dans un piteux état, après avoir été maltraité par ses propriétaires, en Espagne.

C'est une dérive que craint Patrick Violas, suite à cette loi : le rachat des animaux en dehors du territoire. "Il faut faire très attention à ce qu'ils ne soient pas envoyés à l'étranger. Certains sont prêts à payer très cher pour les récupérer", explique Patrick Violas.

Des mesures à prendre, au sein des cirques, pour placer les animaux avant décembre 2028

Décembre 2028, donc. "Cette loi est votée, elle n'est pas encore appliquée", précise Patrick Violas. Il a déja été contacté pour accueillir des animaux de cirque. 

"On a un accueil prévu en juin", confie le responsable. Le zoo-refuge fait en effet partie des structures à même de recevoir des animaux sauvages. De leur offrir l'hébergement adapté et les soins nécessaires.

Avec les aides financières de l'État, des investissements douteux à craindre 

Des appels à projets ont été lancés par l'État. Le zoo-refuge La Tanière s'est naturellement porté volontaire. L'objectif ? Obtenir des aides financières pour créer de nouvelles places. Près de 80, à terme, pour La Tanière.

De quoi susciter des vocations :"Il y a plusieurs projets, venant parfois même des investisseurs. Ou bien de rêveurs. En tous cas, on ne s'improvise pas refuge ou association", prévient Patrick Violas.

Quid des grands zoos de France ? 

"Les grands zoo-business ne prendront pas ces animaux. Parce qu'ils demandent beaucoup de temps. Ils sont habitués au contact humain", confirme Patrick Violas. 

Il estime que sur la cinquantaine de cirques concernés par cette loi, en France, trois grandes situations se démarquent. 

Le problème, dans le cirque, ce sont les conditions de détention.

Patrick Violas, fondateur du zoo-refuge La Tanière

"Un tiers souhaite arrêter avec les animaux. Un autre tiers est prêt à trouver des solutions pour s'installer et il reste un tiers d'irréductibles", souligne Patrick Violas.

Lui-même avoue avoir fait partie de ces enfants ébahis devant La Piste aux étoiles, une institution à laquelle il ne fallait pas "toucher", il y a encore quelques années. "C'est juste une question de siècle et d'évolution", résume Patrick Violas.

Un cirque sans animaux, c'est voué à la catastrophe. Regardez l'écocirque 100 % humain d'André-Joseph Bouglione, il a coulé l'année dernière. Très peu de médias en ont parlé. Pourtant, il y avait eu beaucoup de publicité au lancement.

Solovich Dumas, gérant du Grand cirque de Rome

"Ils veulent qu'on change de métier", estime Solovich Dumas. Pour lui, mettre en place un cirque sans animaux reviendrait à mettre fin à son activité. Il donne l'exemple de l'écocirque d'André-Joseph Bouglione. Fermé au bout d'une seule année d'activité.

Autre solution, évoquée par Patrick Violas : se fixer, géographiquement. "S'installer près des grandes villes". Sauf qu'une fois n'est pas coutume, l'argent viendra à manquer. "Ils n'ont pas d'économies", poursuit le fondateur de La Tanière. 

Il faut d'abord trouver des places pour les animaux mais aussi des solutions pour les gens du cirque.

Patrick Violas

"Quand on dit qu'on investit pour la cause animale, il faut aussi défendre la cause des humains", ajoute Solovich Dumas. Car oui, le problème est plus large que la cause animale. Il concerne toute une population.

"Il va falloir penser aussi aux gens. Ce sont des familles entières. Souvent, ils gardent leurs aînés. Il faut nourrir tout ce monde-là", rappelle Patrick Violas. 

Les cirques ne sont pas prêts à donner leurs animaux. Ils y sont attachés.

Patrick Violas, fondateur du zoo-refuge La Tanière

Pour les gérants de cirques itinérants, impossible d'imaginer se séparer de leurs bêtes. Elles font partie de la famille, dans la majorité des cirques qui les emploient pour leurs spectacles.

Pour Solovich Dumas, difficile d'envisager une séparation. "On les a élevés, bien sûr qu'on est attachés à eux", confirme-t-il.

Des techniques inspirées du monde du cirque, utilisées dans les refuges

Au sein même de La Tanière, les techniques du medical training sont utilisées. Elle ont pour but de soigner l'animal en l'incluant dans le processus médical, le rendant volontaire.

"C'est le cirque qui a inventé ça", rappelle Patrick Violas, précisant que, parmi ses 90 salariés, certains proviennent du cirque. 

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