En septembre 2020, des concentrations extrêmement élevées d'oxyde d'éthylène, un composé cancérogène, ont été détectées dans des graines de sésame importées d'Inde. Six mois plus tard, près de 5000 produits alimentaires ont fait l'objet d'un rappel en magasin, et la liste ne cesse de s'allonger.
Boulettes de lentilles corail, tartinades de courgettes au chèvre frais et curry, poichichade bio au paprika, salade de pâtes au saumon...de quoi mettre l'eau à la bouche, vraiment ?
Toutes ces préparations, en fait, sont potentiellement dangereuses. Leur point commun est de contenir du sésame importé d'Inde, contaminé à l'oxyde d'éthylène. Et de figurer dans la liste impressionnante des produits rappelés en magasin depuis l'automne dernier, 4469 à ce jour! Mais combien de consommateurs en ont-ils réellement été informés ? Et pourquoi cette situation se prolonge-t-elle autant ?
Dans un communiqué en date du 20 avril dernier, l'association de défense des consommateurs, CLCV Touraine (Consommation, Logement et Cadre de Vie), s'émeut de cette situation :
"Au vu du grand nombre de produits rappelés et des interrogations légitimes des consommateurs sur le risque pour leur santé, nous demandons aux autorités françaises une information claire sur l’avancée des investigations. Nous souhaitons l’évaluation des risques pour les différentes catégories de produits concernés en tenant compte des données toxicologiques de l’oxyde d’éthylène et de sa quantité présente dans ces produits."
Petite histoire de l'oxyde d'éthylène
Synthétisé pour la première fois en 1859, l'oxyde d'éthylène connaîtra ses premiers développement industriels au début du XXème siècle, en tant que réfrigérant (il est à la base de l'éthylène glicol) ou qu'arme chimique avec le tristement célèbre gaz moutarde de 14-18 (ou Ypérite). Plus tard, il sera utilisé pour la stérilisation des épices ou du matériel médical, mais aussi comme biocide ou fongicide (pour éliminer bactéries et champignons).
Mais des études vont démontrer les excès de cancers et des anomalies génétiques chez des populations exposés à l'oxyde d'éthylène. Ce composé chimique est aujourd'hui classé cancérogène catégorie 1 par le centre international de recherche sur le cancer. En Europe, il est aujourd'hui seulement toléré en tant que résidu jusqu'à 0,05 mg/kg, autant dire qu'il est interdit dans les produits alimentaires.
Mais en septembre 2020, la Belgique lance l'alerte, relayée en Europe par le Rapid Alert System for Food and Feed (RASFF) : des graines de sésame importées d'Inde sont contaminées à l'oxyde d'éthylène, à hauteur de 186 mg/kg, soit plus de 3500 fois la dose autorisée.
"Cette affaire est très grave, estime Marie-Claude Fourrier, co-présidente de CLCV Touraine. La plupart des enseignes sont concernées, y compris les bio. On constate que les produits sont en général effectivement retirés des rayons, mais l'information du consommateur est minimale, voire inexistante. Et toutes sortes de produits sont concernés, les pains et biscuits, d'accord, mais tous les autres, pourquoi contiennent-ils du sésame?"
La Répression des Fraudes veille "au grain"
En guise de communication,la DGCCRF, Direction de la Consommation et de la Répression des Fraudes, s'est contentée de publier un communiqué à ce sujet en novembre 2020. Mais tout a été mis en place pour une protection maximale des consommateurs, assure aujourd'hui le directeur de cabinet Romain Roussel :
"Nous procédons au retrait/rappel de toutes les graines de sésame contaminées et des produits qui les contiennent. En amont, des contrôles renforcés à l'importation ont été mis en place, et 100% des lots de sésame d'Inde font l'objet d'analyses en laboratoire. Il n'y a plus en France de produits contaminés arrivant chez les distributeurs. En aval, nous avons effectués plus de 14 000 contrôles en magasin pour nous assurer de l'effectivité des mesures de retrait/rappel."
Tous les services de la DGCCRF sont très mobilisés sur l'ensemble du territoire pour faire face à cette alerte, qui est effectivement de grande ampleur, mais qui est aujourd'hui maitrisée
Et si la liste des produits rappelés continue de s'allonger, le directeur de cabinet se veut aussi rassurant : "pour assurer la meilleure protection des consommateurs, nous avons étendu nos contrôles à d'autres produits. Et trouvé des traces d'oxyde d'éthylène, dans des proportions bien moindres que pour le sésame, sur des épices, par exemple, ou des échalottes déshydratées. Là encore nous procédons à des retraits/rappels. Mais le nombre de références rappelées est aujourd'hui bien moindre que lors du pic atteint début décembre, de 5 à 10 par semaine contre 150 à l'époque."
Selon M. Roussel, l'enquête se poursuit au niveau européen, en lien avec les autorités indiennes, pour comprendre la cause de la contamination des denrées alimentaires. "En France, notre démarche consiste vraiment à limiter l'exposition des consommateurs à cette substance, notamment sur le long terme. Nous jouons la prudence maximale et, en tant qu'autorité garante de la protection des populations, nous nous assurons que des produits sains, et seulement des produits sains, se retrouvent à la vente."
La DGCCRF appelle tout de même les consommateurs à rester vigilants, en consultant notamment le nouveau site Rappel Conso, mis en ligne le 1er avril, où sont recensés tous les produits dangereux, alimentaires ou non, faisant l'objet d'un rappel.