Coronavirus : la difficile survie des ostréiculteurs en Nouvelle-Aquitaine

Victimes économiques du coronavirus, les ostreiculteurs ne peuvent plus écouler leur stock. Mais ils ont encore le droit de sortir en mer pour sauver leur production...et espérer vendre après la crise.

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Le littoral atlantique est bouclé depuis jeudi dernier. Plus d’accès possible aux plages, ni à la mer. Les bateaux des plaisanciers restent au port et les planches de surf au placard. Seuls les pêcheurs et les ostréiculteurs ont le droit de continuer leur activité, comme sur le bassin d’Arcachon, le plus grand centre de naissains d’huîtres d’Europe.

Laurent Bidart, 49 ans, ostréiculteur depuis 3 générations sur le joli port de Meyran à Gujan-Mestras, fait face à la crise sanitaire du Coronavirus. Pour lui et son équipe, rien n’a vraiment changé depuis les consignes sanitaires. Dès le lever du jour, en fonction des horaires des marées, ils enfilent leurs bottes, direction les parcs à 20 mn en bateau pour aller secouer les poches remplies de milliers d’huîtres. Un travail essentiel pour garder ses huîtres en vie et ne pas perdre sa production. 

 Au quotidien, malgré les mesures de confinement, j’envoie 2 bateaux en mer. Il faut qu’il y ait au moins 6 personnes sur les parcs pour “virer” les poches d’huîtres. L’huître est une matière vivante que nous ne pouvons pas laisser tomber du jour au lendemain

Trois ans de production en péril

L’élevage d’huîtres c’est toute sa vie. À l'âge de 16 ans, il commence comme apprenti pour son grand-père. Aujourd’hui, il dirige une entreprise familiale qui emploie 8 salariés. C’est une grosse structure pour le bassin d’Arcachon. Il compare toujours son métier à celui d’un agriculteur qui veille sur ses bêtes.

Il travaille ainsi sur un cycle de production de 3 ans, qui l’oblige à ne pas lâcher ses huîtres des yeux. Il suffit d’un grain de sable dans la chaîne de fabrication pour que tout s’écroule ! 3 ans de production et de rentrées financières pour son entreprise.  

Dans le secteur ostréicole on a l’habitude des crises, des maladies sur les huîtres... Celle du Coronavirus, c'est une crise de plus. C’est du stress, je l’avoue je ne dors pas très bien la nuit 

Son entreprise ostréicole est l’une des seules du bassin à élever des huîtres creuses, de l’élevage de naissains à l’expédition. Un cycle d'élevage qui dure 3 ans. C’est une lourde charge, mais cet ancien joueur de rugby à la ville a les épaules larges pour produire 180 tonnes d’huîtres naturelles par an.

Plus de distributeurs pour ses huîtres

Sa plus grosse difficulté, c’est qu’il ne peut plus rien vendre du tout. Plus rien ne part à l’export, ni dans les grandes surfaces. Le marché local s’éteint : restaurants, marchés, traiteurs... C'est tout son sytème de distribution qui s'est arrêté ! Il n’a donc plus aucune rentrée d’argent, plus de trésorerie et pourtant il doit payer ses salariés.
Le printemps est une période de l’année où le travail sur les parcs à huîtres est trés dense.

L’huître grandit vite et elle demande une attention toute particulière

Il faut dédoubler les poches d'où la nécessité de faire travailler ses équipes. Laurent pourrait s’appuyer sur les commandes de la Grande et Moyenne Distribution (GMS), une filière qu’il connaît bien car ce sont les grandes surfaces qui achètent à 95% ses huîtres pendant la période des fêtes, en novembre et décembre. Mais aujourd'hui, plus aucune nouvelle de ses acheteurs. Selon lui, la grande distribution ne veut pas prendre de risques en misant sur un produit de luxe pendant cette période de crise. Donc pour l’instant tout est au point mort à tous les niveaux.

Habituellement entre mars et mai, son entreprise familiale parvient à écouler 7 à 10 tonnes d’huîtres. Aujourd’hui Laurent se retrouve avec tous ces stocks d’huîtres qu’il est obligé de remettre en milieu naturel, dans ses parcs.
Il pense pouvoir les garder encore 4 semaines. Ensuite, par manque de place, il devra jeter les invendus afin de se se concentrer sur la prochaine récolte.

Avec le coronavirus les consommateurs n’ont pas du tout envie d'êtres festifs et d’acheter des huîtres dans les supermarchés pour ensuite les déguster chez eux. Ça n’est pas le moment. Je me retrouve alors avec des stocks sur les bras que je ne peux pas écouler

Le travail en mer et à terre continue...

Depuis hier avec ses équipes, Laurent sélectionne les bébés-huîtres qui doivent partir sur ses parcs en Bretagne où elles doivent continuer à grandir pendant 1 an. Il est conscient que l’avenir est trés incertain mais il fait les choses par étapes.

C’est trés bien le report des charges, ça va nous faire une petite bouffée d’oxygène mais je dois continuer à payer mes assurances sur les machines et les bateaux. Ce sont des charges mensualisées que je ne veux pas suspendre... ça serait trop risqué. Et surtout, je dois continuer à payer mes salariés. J’ai vraiment besoin d’eux. Donc dans notre secteur lorqu’on a des accidents de trésorerie on sait qu’il faut aller puiser dans nos économies

Laurent pense pouvoir tenir 4 semaines sans rentrées d’argent. Au-delà de 2 mois, la gestion financière de son entreprise familiale se compliquera. Sans grande conviction, il a entamé les démarches pour bénéficier des indemnisations promises par l’état.

Je vais probablement perdre 80% de mon chiffre d'affaire par rapport aux mois de mars et d'avril de l’année dernière. Si le gouvernement affirme qu’il va nous indemniser à hauteur de notre chiffre d'affaire de l’année précédente ce serait une vraie satisfaction

Il est patient et observateur de son environnement. Habitué des coups durs, des crises sanitaires sur les huîtres de plus en plus fragilisées par les déréglements climatiques (herpes virus - 2008, vibrio-aestuarianus virus -2012, noro-virus janvier 2020), il prend des nouvelles de ses collègues ostréiculteurs. Ensemble, ils espèrent une sortie de crise la plus rapide possible.
 
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