Jeudi 27 octobre, une centaine de personnes ont envahi l’hémicycle de l’Assemblée de Corse. Des conseillers territoriaux, témoins de la scène et acteurs de la rédaction de la résolution qui en a découlé, réagissent.
Des cris et des portes forcées. Jeudi 27 octobre, l’hémicycle de l’Assemblée de Corse a été envahi par une centaine de personnes, membres de 11 organisations associatives et syndicales.
But de l’opération, qui se voulait pacifique, faire voter aux conseillers territoriaux un texte sur le statut des prisonniers dits politiques et la reprise des discussions engagées avec Paris sur l’avenir institutionnel de l’île.
Un événement qui a conduit à une interruption de session de 10 heures et l’adoption, à l’unanimité, d’une résolution. Trois élus réagissent.
Jean-Martin Mondoloni, président du groupe de droite Un Soffiu novu :
“Je l’ai déjà dit aux organisations concernées, il n’est pas acceptable dans notre sensibilité que les travaux soient interrompus par qui que ce soit. Non pas que l’hémicycle soit un sanctuaire, mais c’est un lieu qui mérite aujourd’hui d’être protégé des turpitudes de la société. Notre devoir c’est de les régler démocratiquement, en acceptant de ne pas toujours être d’accord.
Je regrette, par ailleurs, qu’une fois de plus, nous cessions de travailler au service de la Corse. Pour autant le problème des prisonniers est un vrai problème politique qu’il s’agit de régler. Mais on n’est pas obligé d’interrompre notre travail au service de la Corse pour régler le problème. Je pense que les deux vont de pair. Ce que je regrette c’est cette consommation de temps et d’énergie qui obère le travail pour lequel nous sommes missionné par la Corse qui consiste à exercer nos compétences telles qu’elles ont été octroyées par le législateur.
La question des prisonniers va, a minima, polluer le processus. Il faut que cette scorie soit traitée, soldée, purgée. Il faut en parler. Le ministre [Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur ndlr.] lui-même a dit qu’il n’y avait pas de sujet tabou. Ce sujet-là, comme d’autres, ne doit pas être tabou. Mais là où on n’est pas d’accord c’est lorsque certains le posent comme un préalable.
Nous allons continuer à discuter avec Paris, de ce sujet et de tous les autres. Nous considérons qu’il ne faut pas poser de préalable, parce que si solution il y a aux problèmes de la Corse, dont celui-ci, ce n’est pas de façon consanguine qu’ils vont se régler mais avec Paris. Donc il faut se rendre à Paris et continuer, malgré les écueils et les obstacles, à parler de ces affaires-là.”
Jean-Christophe Angelini, président du groupe Avanzemu :
Je ne condamne pas le moins du monde ce qu'il s'est passé. Et je ne le juge pas non plus, même si la forme interpelle, et que nous avons eu à dire ce que l’on en pensait.
Soutenir, parce que chacun sait la difficulté dans laquelle on est, et plus généralement que la question des prisonniers politiques, de l’avis général, ne peut plus être déconnectée des discussions qui ont été engagées avec Paris.
On est sorti de tout ceci avec un vote unanime. Une résolution que tout le monde a comprise et soutenue. Je suis, pour ma part, satisfait de la sortie. Et je le redis, cette action s’inscrivait dans ce cadre-là. Je crois que c’est un message adressé à celles et ceux qui pensent, ici ou ailleurs, que l’on peut continuer à discuter en n’intégrant pas cette question des prisonniers politiques.
Je vais le dire une dernière fois, dans tous les processus de sortie de crise de par le monde, on a réglé des centaines de cas. Et en Corse, pour une demi-douzaine, à peine, que le droit permettrait de libérer toutes et tous on n’en sort pas. Il faut véritablement poser le problème au plus haut niveau et je crois que la résolution d’aujourd’hui devrait le permettre.
Josepha Giacometti, conseiller territoriale non inscrite, membre de Corsica Libera :
“C’est ce que nous affirmons depuis plusieurs mois. La question des prisonniers politiques ne peut pas être décorrélée si on veut parler d’un véritable processus dans lequel nous n’étions pas pour l’heure. C’est au-delà aussi, la nécessité de ne plus avoir de position attentiste mais avoir une attente du geste fort et non plus de simples paroles et d’être aussi force de proposition. Je crois que ce soir c’est ce que nous avons réussi à dire après que la mobilisation se soit faite entendre.
La Cour de cassation a rendu en droit, et rien qu’en droit, et a appliqué le droit. On voit bien que lorsque le droit est appliqué et qu’il ne sert pas d’artifice à la vengeance, ça parle. Mais, pour l’heure, il s’agit de poser la question générale des prisonniers politiques au plus haut niveau de l’État et de rappeler qu’ils [les prisonniers dits politiques ndlr.] sont partie prenante de ces décennies de combat et qu’ils doivent être aussi dans la recherche d’une solution.
Il y avait pour les organisations une volonté de venir dans les institutions de la Corse et de s’y exprimer. Les associations de prisonniers, les syndicats de jeunes l’ont fait. Il y aurait pu y avoir une autre gestion puisqu’ils sont simplement venus ici pour discuter et pour s’exprimer. Le discours a été fait de manière très sereine et ensuite on a pu trouver un point d’une sortie collective de cette journée-là. Il était important que nous puissions le faire.”
Ce vendredi, le calme est revenu dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse. La session a repris son cours normal par l’étude, notamment, du rapport sur le budget supplémentaire de la collectivité de Corse.