Jacques Mariani avait dit qu'il parlerait cinq minutes... et quand son avocat commence ses questions il lance: "oh, ça fait trois heures que je suis debout". Le Corse, installé au milieu des Faïd au procès de l'évasion de Réau, a raconté mardi sa vie de "bandit".
Il avait été le premier à élever la voix, au tout début du procès. Les gendarmes avaient fait bouger son fils sur les bancs du public et, en une seconde, Jacques Mariani était debout et hors de lui.
"M. Mariani, vous vous calmez", avait intimé la présidente Frédérique Aline. Du box, un fort accent corse: "On s'en prend pas à ma famille, c'est tout!"
Pourtant, Jacques Mariani, qui a passé les deux tiers de sa vie en prison, est un personnage secondaire au procès où Rédoine Faïd est jugé avec deux frères et trois neveux. S'il n'était pas "détenu pour autre cause", il serait même assis sur le banc des accusés libres.
Il ne comparait pas pour l'évasion par hélicoptère de juillet 2018 mais pour un précédent projet, un an plus tôt: Rédoine Faïd lui aurait demandé de l'aide pour s'évader de Fresnes en promettant en échange de venger la mort du père Mariani en faisant tuer des membres d'un clan rival corse. Jacques Mariani et le roi de de la "belle" nient.
Enfant de choeur
Jacques, fils de Francis Mariani, est considéré comme "l'héritier" du gang de la Brise de Mer, du nom du café du vieux-port de Bastia où ses membres se retrouvaient depuis la fin des années 1970.
Devant la cour d'Assises de Paris et comme à son habitude, Jacques Mariani, silhouette fine, crâne nu et grosses lunettes, minimise l'importance du groupe. "C'est de la pipette", balaie-t-il.
"Inséparable" de ses soeurs, enfant de choeur en pension dans une école religieuse quand sa mère était malade, il n'a quasiment pas connu son père hors la prison.
Il a même un temps partagé sa cellule. Son père, qui avait "tout fait" pour que son fils ne suive pas sa voie, lui "tapait dessus avec un petit bâton en disant t'as pas honte d'être là", se souvient Jacques Mariani.
"On additionne les peines, ça fait 59 ans"
Sa voix se casse quand il parle de sa mort - Francis Mariani a été tué dans l'explosion d'un hangar en 2009 alors qu'il était en cavale. C'est pour cela qu'il est "fier" que son fils à lui soit devenu infirmier. Le "petit", 22 ans, est sur les bancs du public tous les jours, comme la compagne de Jacques Mariani.
Depuis le début du procès il y a deux semaines, Jacques Mariani, "exubérant, jovial, extraverti", décrit sa défense, part aussi au quart de tour, agitant les bras à travers la vitre du box, sifflant presque ses avocats ou les interrompant.
"N'énerve pas la présidente, elle est bien aujourd'hui!", lance à l'un d'eux celui qui a découvert la "pensée positive", le yoga et la course à pied (sur tapis) en prison.
L'avocat général a fait le compte: Jacques Mariani a été condamné 12 fois, et si "on additionne les peines, ça fait 59 ans et huit mois".
"Je ne connais pas Rédoine Faïd"
A 57 ans, deux gros procès l'attendent encore, dont un pour un double assassinat, et il a déjà passé 38 ans en prison."Je mérite 30 ans", répète-t-il.
Pourquoi dit-il cela, interroge l'avocat général, alors qu'il conteste quasiment tous les braquages, vols, extorsions? "Parce qu'il y en a eu d'autres, d'affaires", sourit l'accusé. "Pas vu, pas pris"... "mais c'est pour ça que je mérite 30 ans".
"On dit que je suis quelqu'un de dangereux", dit aussi Jacques Mariani, assez bien connecté pour avoir été averti, lors d'arrestations, de l'arrivée des policiers chez lui: "je les attendais avec des pains aux chocolat".
"Je ne me cache pas derrière mon petit doigt", affirme-t-il. "J'ai ce tempérament"... "On s'attaque" à ses proches: "je laisserai pas faire".
Mais Rédoine Faïd, qu'il a croisé une fois en détention - le braqueur multirécidiviste lui avait fait passer une soupe - "je ne le connais pas".
Avec AFP