À l’issue d’une audience qui s’est déroulée jeudi 3 février au tribunal administratif de Bastia, le rapporteur public a demandé l’abrogation totale du Plan local d’urbanisme de Bonifacio. Cela fait suite à une requête de l'association U Levante. La décision sera rendue le 17 février prochain.
Le Plan local d’urbanisme de Bonifacio sera-t-il annulé ?
Jeudi, lors d’une audience au tribunal administratif de Bastia, le rapporteur public a en effet demandé l’abrogation totale du PLU de la commune de l’extrême sud.
"Le rapporteur a considéré que notre association est fondée à soutenir que le PLU est illégal en totalité, indique U Levante, qui a saisi la juridiction administrative. Nous avons démontré l’illégalité de tous les zonages, en écartant au préalable ceux de la vieille ville. Le rapporteur nous a suivis en disant que le "principe d’équilibre" n’était pas respecté. C’est-à-dire que le PLU prévoit trop de terrains constructibles et donc trop d’habitants nouveaux par rapport à la population résidente habituelle. Le rapporteur a retenu cela en disant que l’offre était démesurée par rapport à la capacité d’accueil de la commune. En général, ce principe-là fait toujours tomber les PLU."
"Ce ne sont pas les services de l’État mais une association (U Levante, ndlr) qui a saisi le juge, rappelle Patrick Tafani, 2ème adjoint à la mairie de Bonifacio en charge de l’urbanisme. Nous appliquerons donc les vœux de l’association validés par le juge. Et si toute la campagne bonifacienne doit devenir inconstructible, elle le sera. Après, tout le monde devra assumer."
Les conclusions du rapporteur public font suite à une requête d’U Levante déposée devant la juridiction administrative il y a un an et demi.
"Mi-2020, nous avions formulé plusieurs demandes au maire de Bonifacio (Jean-Charles Orsucci) pour qu’il abroge le PLU, explique l'association de protection de l'environnement. Le maire ne nous avait pas répondu, ce qui vaut refus. Ensuite, le 24 août 2020, nous avons saisi le tribunal administratif pour demander l’annulation du refus tacite du maire de la commune."
1200 hectares constructibles
Dans son avis, le rapporteur a également retenu une "incompatibilité avec les prescriptions du Padduc (Plan d’aménagement et de développement durable de Corse) relatives aux Espaces stratégiques agricoles (ESA)". "Pour lui, poursuit U Levante, la quantité de ces ESA consommée par les terres constructibles - et pas encore urbanisées - est beaucoup trop importante par rapport à la quantité d'ESA que la commune doit maintenir non construite. Il l'a évaluée à 200 hectares."
"Depuis 2006, sur les 1200 hectares constructibles de la commune, 200 ont été consommés et on a peut-être pris 200 habitants de plus à Bonifacio, répond Patrick Tafani, en charge de l'urbanisme de la cité des falaises depuis une dizaine d'années. Sauf qu’en ayant beaucoup de terrains constructibles, on a limité le prix du foncier. Là, si on passe d’un PLU de 1200 hectares constructibles à 200 hectares, le prix du foncier va être multiplié par 10. Ce n’est pas parce qu’on met toute une commune en constructible que tout le monde va construire. Cette argumentation de dire "il y a trop de constructibilité, la ville va grandir", c’est faux. Il y a des terrains constructibles, ce qui fait que le prix du foncier est maîtrisé."
Concernant les constructions en elles-mêmes, U Levante précise que "ce n'est pas leur nature qui est attaquée mais bien leur localisation".
Un PLU contesté
Approuvé le 13 juillet 2006 sous la dernière mandature de Jean-Baptiste Lantieri, le PLU de Bonifacio a fait depuis l’objet de plusieurs révisions et modifications. Déjà contestée et attaquée par des associations de défense de l'environnement voire des sociétés civiles immobilières, la cartographie du document s'étend sur les 14.000 hectares de la commune dirigée par Jean-Charles Orsucci, maire depuis 2008.
En 2010, des zonages notamment situés à l'est de Bonifacio et dans le secteur de Rondinara avaient déjà fait l'objet d'une annulation par jugement du tribunal administratif à la suite d'une requête déposée par l'association ABCDE. Cette fois, la demande d'abrogation d'U Levante concerne toute la cartographie du PLU.
"Bonifacio est à 90% couvert par son PLU, précise Patrick Tafani. Les 10% restants sont soumis au RNU." Le Règlement national d'urbanisme s'applique lorsqu'il n'y a pas de document d'urbanisme. C'est notamment le cas à Porto-Vecchio où le PLU avait été annulé en 2011.
"De plus, ajoute l'adjoint de Jean-Charles Orsucci, un nouveau plan local d'urbanisme doit être arrêté à la fin de l'été à Bonifacio. Mais si dans ce prochain PLU, on nous oppose ce futur jugement du tribunal administratif, et que le juge reprend point par point la cartographie d'U Levante, je ne sais pas comment on va faire un nouveau document d’urbanisme. Si on se retrouve sans PLU, chacun ira alors en préfecture défendre son permis."
Jeudi, le rapporteur public a demandé à ce que la commune annule son PLU dans les trois mois à partir de la décision du tribunal administratif de Bastia. Celle-ci sera rendue le 17 février prochain.