Coronavirus : le tourisme est-il vraiment responsable du passage de la Corse en zone rouge ?

Pourquoi la Corse est-elle passée ce 6 septembre en zone rouge, c’est-à-dire de circulation active du coronavirus ? Pour nombre d’insulaires, le rebond épidémique des dernières semaines serait imputable aux touristes. Une hypothèse qui n'explique cependant pas toute la situation.

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La Corse est placée en zone rouge, « zone de circulation active du coronavirus » depuis le samedi 5 septembre. La faute à un rebond de l’épidémie de Covid-19, notamment en Corse-du-Sud : au 6 septembre, on recense ainsi 781 patients testés positifs sur l’île depuis le 1er juillet (560 en Corse-du-Sud ; 221 en Haute-Corse), dont 340 enregistrés dans la dernière semaine.

Si le nombre d’hospitalisations reste relativement faible – quatorze patients au total le 6 septembre, 10 au centre hospitalier de Bastia (dont 2 en réanimation) et 4 patients en SSR (soins de suite et de réadaptation) à Ajaccio – pour de nombreux insulaires, les responsables de cette augmentation des cas positifs sont tout trouvés : les touristes.

Dans les cafés, au supermarché, au boulot, ou encore – et surtout – sur les réseaux sociaux, les avis sont bien souvent unanimes : si les contaminations à la Covid-19 repartent de à la Hausse sur l’île, c’est par la faute des visiteurs de passage, peu respectueux des gestes barrières et des mesures de distanciation sociale.
 

Les touristes, ils s’en fichent, ils sont venus pour faire la fête. Ce ne sont pas eux qui restent derrière avec des malades sur les bras.


« Il suffisait d’aller traîner un peu dans les paillotes, cet été. En journée, les masques, la distanciation, le lavage des mains, moi, j’en ai pas bien vu beaucoup » grogne ainsi cet Ajaccien qui travaille dans la restauration.

« Les touristes, ils s’en fichent, ils sont venus pour faire la fête. Ce ne sont pas eux qui restent derrière avec des malades sur les bras. »
 

 

Plus de tests... mais surtout beaucoup plus de cas positifs

Ainsi, du 1er juillet au 1er août, 33 patients positifs au coronavirus ont été détectés sur l’île (sur 8.621 tests PCR réalisés, soit un taux de positivité sur le mois de 0.38%).

Du 1er août au 1er septembre, on en dénombre 458 (sur 16.146 tests PCR réalisés, soit un taux de positivités de 2.83%).

Si le nombre de tests effectués à donc presque doublé en trente jours (+87%), les cas positifs ont eux été multipliés par près de 14 (+1.287, 88%). Le 8 juillet, le taux d’incidence, c’est-à-dire le nombre de cas recensés pour 100.000 habitants, était de 1.2 en Corse-du-Sud et 1.1 en Haute-Corse. Le 24 août, il était de 24 en Corse-du-Sud et 13 en Haute-Corse.

Aux dernières données du 31 août, il est désormais de 76 en Corse-du-Sud, et 53 en Haute-Corse. Des taux expliquant le passage de l'île en zone rouge.
 

 

Un « brassage des populations » favorable à la circulation du virus

Pour Marie-Hélène Lecenne, directrice de l’Agence régionale de santé de Corse, « indéniablement, ce sont les mobilités qui ont créé les conditions pour que le virus circule à nouveau. » En juin, rappelle-t-elle, « on n’avait quasiment plus de cas ».

De quoi supposer, effectivement, que cette reprise de circulation active du virus soit en grande partie due au « brassage des populations ».

Un brassage « tant du continent ou d’ailleurs vers l’île, qu’avec les Corses qui ont pris des vacances ou ont fait des séjours professionnels sur le continent.»

« Cette explication est valable sur de nombreux territoires sur le continent, elle n’est pas spécifique à la Corse », précise-t-elle.
 

Il ne faut pas penser que le départ des touristes créé des conditions d’une diminution de la circulation du virus, au contraire. 

Marie-Hélène Lecenne, directrice de l'ARS


Avec la fin de la saison touristique estivale, n’a-t-on alors plus de soucis à se faire ?

Non, insiste Marie-Hélène Lecenne. Le virus étant bien présent sur l’île, « cela concerne tout un chacun, résident comme non-résident. Il ne faut pas penser que le départ des touristes créé des conditions d’une diminution de la circulation du virus, au contraire. »
 


Les Corses pas moins vecteurs du virus que les touristes

D’autant plus que les touristes n’étaient pas les seuls, cet été, à prendre des libertés avec les mesures de sécurité.

« J’ai bien profité ces dernières semaines pour sortir, me détendre un peu avec les amis pour les vacances, surtout après le confinement, admet Yann*, natif de Corse-du-Sud. Au début de la soirée, tu fais peut-être un peu attention, tu check les gens avec le coude, mais après un verre, deux verres, basta, le coronavirus on n'y pense pas, et c’est pareil pour tout le monde, Corse ou pas Corse.»
 

« Je sais qu’on aime bien mettre tout sur le dos des touristes, mais quand je vois les gens sur les réseaux dire que sans eux, personne ne serait malade… C’est les mêmes qui viennent trinquer le soir avec nous sans masques et compagnie » poursuit-il.
 

Au début de la soirée, tu fais peut-être un peu attention, tu checkes les gens avec le coude, mais après un verre, deux verres, basta, le coronavirus on n'y pense pas, et c’est pareil pour tout le monde, Corse ou pas Corse.


Le jeune homme l’admet : il n’a pas de crainte particulière à « choper » le virus. « À mon âge, mes chances d’être vraiment malade sont quasi-nulles. Au pire, ce sera une grippe. » Une position partagée par un grand nombre de ses amis, assure-t-il.
 
 

La proportion des cas positifs jeunes en hausse

« Parmi les cas positifs, ces dernières semaines, on a eu davantage de cas jeunes positifs mais asymptomatiques, c’est-à-dire qui ne présentaient pas les symptômes » précise Marie-Hélène Lecenne.

Une observation partagée sur tout le territoire français : ainsi, selon les données Santé Publique France, sur la semaine du 20 août, 726.235 personnes ont été testées pour la Covid-19. 26.890 cas étaient positifs.

Un chiffre en augmentation de 57% par rapport au point précédent, et en hausse dans toutes les classes d’âge, les 15-44 ans en tête : +67%.

Près de la moitié de ces cas positifs en question étaient asymptomatiques (49%). Et parmi ces cas asymptomatiques, en grande majorité : des jeunes de 15 à 29 ans.
 

 Il faut vraiment que la population prenne conscience que les mesures-barrières sont le rempart face au coronavirus et de défense pour les personnes âgées ou vulnérables.

Marie Hélène Lecenne, directrice de l'ARS


Le problème ne se pose donc pas tant pour les jeunes de moins de 30 ans, mais pour leurs proches qu’ils pourraient ensuite contaminer. Car si un cas positif est asymptomatique, il n’en est pas moins contagieux.
 

« Il faut vraiment que la population prenne conscience que les mesures-barrières sont le rempart face au coronavirus et de défense pour les personnes âgées ou vulnérables, qui si elles étaient contaminées auraient éventuellement un besoin d’hospitalisation. Et c’est là qu’on rentre dans une logique extrêmement difficile à gérer » alerte la directrice de l’ARS.

« On peut vivre normalement avec le virus, mais en respectant les mesures-barrières pour éviter sa circulation. C’est peut-être ce message qui n’a pas pu être entendu en début d’été, parce qu’on avait besoin d’oublier la période précédente, et il y a eu sans doute un certain relâchement. Il est important, maintenant, de se reprendre. »

*le prénom a été modifié

 
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