La Corse vit au rythme des crises des déchets depuis 20 ans. Retour sur les derniers mois d'un feuilleton à rebondissements entre export vers le continent et discussions autour de la création d'un nouveau centre d'enfouissement.
Quand il est question de déchets, en Corse, les années se suivent et se ressemblent. Avec déjà 40.000 tonnes de déchets enfouis, leseul centre d’enfouissement de Haute-Corse, à Prunelli di Fiumorbu, a quasiment atteint sa capacité annuelle de 43.000 tonnes.
Depuis le 25 août, le site est partiellement fermé. Seulement 3.000 tonnes de volume sont disponibles jusqu’à la fin de l’année, réservées aux déchets de la communauté de communes du Fium’Orbu-Castellu.
Résultat, comme chaque année, les déchets de la Corse entière prennent le chemin de Viggianello, second centre d’enfouissement technique (CET) de l’île, en Corse-du-Sud. Problème, le centre est également limité, sur arrêté préfectoral, à une capacité d’enfouissement de 110.000 tonnes par an.
Un tonnage qui pourrait être atteint en octobre, avant la réouverture du site de Prunelli le 1er janvier 2021.
Un blocage de quatre mois
En 2019, la situation a atteint un point critique. Quelques mois après la fermeture annuelle du centre de Prunelli, début novembre, le collectif Valincu Lindu bloque le site de Vigginallo.Il s’oppose au projet Viggianello 2, extension du site existant, qui devrait accueillir un centre de tri et être doté d’une capacité d’enfouissement de 58.000 tonnes annuelles sur 10 ans. Un projet validé par la préfète de Corse d’alors, Josiane Chevalier.
Celle du pays ajaccien rouvre le quai de Saint-Antoine, sur les hauteurs d’Ajaccio. Durant quatre mois, le temps du blocage de Viggianello, 10.000 balles y sont stockées. D’autres sont placées en attente à Teghime, à Bastia, ou à Porto-Vecchio. Les ordures ménagères s’amoncèlent partout en Corse.
L’export vers le continent
Pourtant la crise annoncée n’a pas lieu. En avril, en pleine crise du coronavirus, la solution arrive par Laurent Marcangeli, maire d’Ajaccio et président de la Capa.L’édile obtient un accord de principe de la part de Christian Estrosi, maire de Nice et président de la métropole Nice Côte d’Azur, d’exporter une partie des déchets de Saint-Antoine.
Les préfets de Corse et Provence-Alpes-Côte d’Azur et les présidents de régions trouvent un accord. Les sites de Saint-Antoine, Teghime et de Porto-Vecchio sont vidés de leurs ordures. 21.000 tonnes de déchets sont expédiées vers trois sites du continent : Nice, Fos-Sur-Mer et Vedène.
Coût estimé de l’opération : 6 millions d’euros, soit 700.000 euros de plus qu’un traitement en Corse.
Un troisième centre d’enfouissement, la solution ?
Pour certains, les crises des déchets pourraient s’arrêter grâce à la création d’un nouveau CET. En plus de Viggianello 2, d’autres projets sont à l’étude. Parmi eux celui de Giuncaggio, près d’Aleria.En discussions depuis des années, le projet, porté par l’opérateur privé Oriente Environnement, prévoit une capacité annuelle de 70.000 tonnes pendant 30 ans. Si en 2016 le préfet de Haute-Corse d’alors, Alain Thirion, a pris un arrêté refusant l’autorisation d’exploiter, le dossier, dénoncé par notamment par le collectif Tavignanu Vivu, ne cesse de faire des allers-retours devant les tribunaux administratifs.
Jusqu’au 3 juillet dernier où la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté le recours dont elle avait été saisie par le collectif, rejoint par l’association de défense de l’environnement U Levante et la collectivité de Corse, contre la décision du tribunal administratif de Bastia, d’octobre 2019, d’annuler l’arrêté préfectoral de 2016.
En 2019, en Corse, chaque habitant a produit 730 kg de déchets, soit un volume total de 241.080 tonnes. C'est 1 % de plus qu'en 2018, ce qui correspond à l'évolution annuelle de population. On produit 39 % de déchets en plus en Corse que la moyenne nationale, établie à 525 kg/an/habitant.
Cette tendance s'explique par l'impact du tourisme, qui représente l'équivalent annuel de 25 % d'habitants supplémentaires. Ce volume reste néanmoins en deçà de la moyenne de 944 kg/an/hab constatée dans les territoires très touristiques.