Ce vendredi 28 janvier, Julien Houillon, 35 ans, a été condamné à 18 ans de réclusion criminelle, dont 9 ans de sûreté, pour le meurtre de Douglas Leca en mars 2015 à Ajaccio. Les deux hommes étaient sans domicile fixe et toxicomanes.
Sur les marches du palais de Justice d’Ajaccio, en ce tout début de soirée, les avocats des deux parties attendent. Une attente partagée à l’intérieur du bâtiment, dans la salle des pas perdus, par les proches de la victime qui tentent de se réchauffer en se serrant sur le même banc.
La cour s’est retirée pour délibérer depuis midi. Et ce n’est qu’après sept heures de longues discussions que la cloche de la cour d’Assises de Corse-du-Sud, synonyme d’une reprise d’audience, résonne à nouveau sur le Boulevard Masseria.
Ce vendredi 28 janvier, après quatre jours d’audience, elle condamne Julien Houillon, 35 ans, à 18 ans de réclusion criminelle, dont neuf ans de sûreté, pour le meurtre de Douglas Leca, 20 ans, le 27 mars 2015 à Ajaccio. Cette peine est assortie d’un suivi socio-judiciaire d’une durée de cinq ans comportant une obligation de soin et effectif à la date de sortie de détention - en cas de non respect le condamné risque trois ans de prison- et d’une interdiction de port d’armes de cinq ans.
Une peine légèrement inférieure à celle requise par l’avocat général, Geoffrey Makan, qui réclamait 20 ans de réclusion criminelle, dont 10 ans de sûreté, un suivi socio-judiciaire à sa sortie de détention accompagné d’une contrainte de cinq ans de prison en cas de non-respect et d’une interdiction de détenir ou de porter une arme pendant 10 ans.
Technique de l’inversion accusatoire
Ainsi, les magistrats professionnels et les jurés populaires ont considéré que le coup de couteau mortel porté à Douglas Leca, jeune brésilien adopté par une famille corse, avait été intentionnellement donné par Julien Houillon.
Une intention qui représentait tout l’enjeu de cette affaire et que les parties civiles et le ministère public ont essayé de prouver lors de leur prise de parole respective à l’issue des débats. Pour Maître Michal Solinski, avocat des frères de la victime, Julien Houillon ment. Il ne s’est pas retrouvé en difficulté dans la bagarre qui l’oppose à Douglas Leca. « Pour se défendre il utilise la technique, très connue, de l’inversion accusatoire. Il fait passer Douglas pour la personne énervée, qui frappe en premier, et que lui, n’a fait que se défendre. Ça ne tient pas la route. »
Une idée partagée par Maître Marc Maroselli, avocat d’une partie de la famille de la victime, dont sa mère adoptive. « Cette bagarre ce n’est pas David contre Goliath. Au lendemain des faits, Julien Houillon n’a aucune trace, sauf un bleu sur le coude, aucun jour d’ITT n’est établi. Vous avez en face de vous quelqu’un qui vous raconte une histoire. Une histoire qui ne colle pas avec les constatations du médecin légiste », estime-t-il.
Des constations médico-légales qui retiennent également l’attention de l’avocat général. Pour ce dernier, « la manière dont le coup a été porté et sa force enlèvent le doute ». Le soir du 27 mars 2015, Douglas Leca reçoit un seul coup de couteau, en plein cœur. La lame, de 10 centimètres, a été totalement enfoncée. « Rappelez-vous que le médecin légiste nous a dit : ‘il y a dans cette force la volonté d’être efficace.’ Julien Houillon a frappé tellement fort, que Douglas Leca a une ecchymose, un bleu, causée par la garde du couteau. L’important ce n’est pas qu’il vise le cœur, l’important c’est qu’il touche une zone vitale. Il aurait touché les poumons c’était pareil. Au moment où il frappe, il a l’intention de le tuer », soutient Geoffrey Makan.
« Ce n’est pas un meurtrier »
En face de lui, sur les bancs de la défense, Maître Laura Furioli, montre son désaccord en bougeant la tête. Selon elle, Julien Houillon, comme il le répète depuis l’ouverture du dossier, « s’est retrouvé au sol, et en difficulté durant la bagarre ». « C’est à ce moment là que le coup de couteau est porté. Julien Houillon a voulu le blesser pour que ça s’arrête, mais il n’a pas voulu lui donner la mort. C’est un coup qui n’est pas réfléchi, qui est donné au hasard. Le médecin légiste dit aussi, qu’un centimètre plus haut, la lame touchait l’os et vous ne seriez pas là aujourd’hui. »
D’autant plus, selon le conseil de l’accusé, que ce dernier « ne cherche pas à se débarrasser du couteau. » « Ce n’est pas un meurtrier, il ne jette pas le couteau et lorsqu’il rentre à son domicile, il laisse tout sur place. Ses vêtements ensanglantés sont laissés à même le sol ». Elle demande la requalification des faits en violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
Depuis son box, Julien Houillon redemande une nouvelle fois « pardon » à la famille de Douglas Leca. Assis au premier rang du public, aucun de ses membres ne lui accorde un regard.