Le matin du 16 octobre 2012, l’avocat insulaire était tué de plusieurs balles au volant de sa voiture à Ajaccio. Dix ans après les faits, la justice a récemment ordonné le renvoi de quatre hommes devant une cour d’assises. La date précise du procès reste encore à déterminer.
Ce matin du 16 octobre 2012, comme il en a l’habitude, Antoine Sollacaro s’arrête acheter son journal dans une station-service, quartier du Parc Berthault, à Ajaccio. C’est à ce moment-là que surgit une moto. Le passager en descend et tire neuf balles sur le pénaliste assis au volant de sa voiture. Antoine Sollacaro décède sur le coup. Il était âgé de 63 ans.
Très vite, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre et provoque une véritable onde de choc au-delà des frontières de l’île. "C'est la justice toute entière qui est touchée", réagira Christiane Taubira, alors ministre de Justice du gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
Quelques jours plus tard, à Propriano, un millier de personnes assisteront aux obsèques de l’ancien bâtonnier du barreau d'Ajaccio. Parmi elles, quelque 150 avocats en robe noire venus de tout le pays. Une minute de silence sera également observée dans tous les Palais de justice.
"Dérive mafieuse"
Défenseur, notamment, de militants nationalistes et de membres présumés ou proches du grand banditisme insulaire, Antoine Sollacaro était une figure des prétoires. Ce père de deux enfants - tous deux avocats - était connu pour ses plaidoiries puissantes, parfois provocantes. En témoigne sa comparaison de la cour d’assises spéciale de Paris avec une "junte birmane" lors du procès d’Yvan Colonna en février 2009.
Un mois après l'assassinat du pénaliste, et alors que l'enquête débute, Jacques Nacer, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Corse-du-Sud, est abattu le 14 novembre 2012 dans son magasin, rue Fesch, à Ajaccio.
Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, parle alors de "dérive mafieuse et de mafia".
"Une attention particulière sera portée à la lutte contre le blanchiment, notamment dans le domaine de l’immobilier et du sport, aux procédures de marchés publics, aux autorisations d’urbanisme et plus particulièrement au respect de la loi littorale ainsi qu’au trafic de drogue", annonce alors le premier Ministre Jean-Marc Ayrault qui souhaite renforcer la coordination entre les parquets d’Ajaccio et Bastia, la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille et le Parquet national antiterroriste.
Une longue procédure
L’enquête sur l’assassinat d’Antoine Sollacaro connaît un premier rebondissement en décembre 2012. Une moto de marque BMW correspondant à celle des tueurs est retrouvée dans un ravin sur une route près d’Ajaccio.
Quatre mois plus tard, plusieurs personnes seront arrêtées et mises en examen pour "assassinat en bande organisée". Parmi elles, plusieurs sont présentées comme étant des membres présumés de la bande criminelle ajaccienne du "Petit Bar".
Cette procédure sera jointe à celle de la tentative d’assassinat contre Charles Cervoni, survenue le 1er septembre 2012, un mois et demi avant la mort d’Antoine Sollacaro.
Selon les services d’investigation, ces deux événements seraient le fruit d’une rivalité entre la bande du "Petit Bar" et un groupe constitué autour de l’ancien dirigeant du MPA Alain Orsoni, dont Antoine Sollacaro et Charles Cervoni étaient proches.
4 hommes renvoyés aux assises
Après des années marquées par des contestations et des recours, la procédure judiciaire concernant le dossier a récemment connu un nouveau rebondissement. Le 3 octobre dernier, la chambre de l’instruction d'Aix-en-Provence a confirmé le renvoi de quatre hommes devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône.
Selon l'ordonnance de mise en accusation, Jacques Santoni, chef présumé du "Petit Bar", est renvoyé pour complicité d'homicide volontaire et complicité de tentative d'homicide volontaire. André Bacchiolelli devra lui aussi répondre de sa participation présumée aux deux crimes.
Mickaël Ettori (actuellement en fuite et recherché dans un autre dossier) est quant à lui renvoyé pour des délits connexes. Tous trois clament leur innocence et ont la possibilité de se pourvoir en cassation.
Premier repenti de France et présenté comme une ex-petite main du "Petit Bar", Patrick Giovannoni comparaîtra également pour des délits connexes.
Dix ans après l’assassinat de l’avocat ajaccien, la date précise du procès n'est pas encore fixée. L’audience pourrait se tenir au plus tôt courant 2024.
Ce mardi à 11h30, les avocats du barreau d'Ajaccio se réuniront sur les marches du Palais de justice pour rendre hommage à Antoine Sollacaro.
En 2020, nous avions consacré tout un dossier à "l'affaire Sollacaro" que vous pouvez retrouver ici.