Le quatrième comité stratégique relatif à l’avenir institutionnel de l’île s’est déroulé mercredi 7 juin à Paris. Qu’en ont retenu les élus insulaires ? Nous avons recueilli leurs réactions au sortir de la réunion avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Renvoyé à deux reprises, le quatrième comité stratégique sur l'avenir de l'île s'est finalement déroulé mercredi 7 juin à Paris.
Après plus de trois mois sans réunion avec le ministre de l'Intérieur, la délégation d'élus insulaires a pu de nouveau s'entretenir avec Gérald Darmanin, notamment sur la question du foncier.
Si le ministre aurait fait quelques reproches aux députés corses du groupe Liot au sujet de la proposition de loi contre la réforme des retraites, il aurait ensuite validé certaines propositions relatives au logement et à l'urbanisme : la Corse deviendra une zone tendue, un permis de louer devrait y être instauré.
Le reportage de nos équipes à Paris :
Report de plusieurs réunions de travail, doutes de certains élus sur l'avenir du processus, propositions sur le foncier retoquées en amont de ce comité stratégique par les services du ministère... Le rendez-vous de ce mercredi à Beauvau se déroulait dans un contexte quelque peu tendu, avec en toile de fond les suites du conflit autour de la réforme des retraites.
Mercredi soir, si certains élus insulaires semblaient plutôt satisfaits des échanges et de la reprise des débats, d'autres s'interrogeaient sur la "solution politique" que pourrait apporter ce processus qui doit se terminer dans cinq semaines, avec la remise d'un projet pour la Corse au ministre.
Pierrick Nannini, Guillaume Leonetti et Yann Benard ont recueilli les premières réactions place Beauvau.
Gilles Simeoni, président du Conseil exécutif de Corse :
"Nous sommes arrivés inquiets, nous avons beaucoup travaillé. On a échangé, parfois avec force. Mais ce soir, on a eu quelques engagements de la part du ministre au nom du président de la République. Il a d’abord réaffirmé sa volonté d’inscrire la Corse dans une réforme constitutionnelle dans les temps qui étaient prévus, d’ici la fin de l’année. Il a aussi dit de manière claire, sur un mode global, qu’il était prêt à aller vers un statut d’autonomie. Sur la question du foncier, il a reconnu et il a compris notre demande concernant la constitutionnalité du lien entre le peuple corse et sa terre. Par exemple, que cela puisse aboutir à un statut de résident.
Il est certain que le temps qui reste (pour rendre le projet, ndlr) est serré. En ce qui me concerne, j’aurais préféré que les choses aillent plus vite. Maintenant, la réalité est ce qu’elle est. Il faut que nous soyons au rendez-vous qui a été donné parce qu’il est très important pour la Corse. Pour moi, il ne peut y avoir que le chemin de la réussite. J’ai dit au ministre que d’ici début juillet il aurait sur son bureau une délibération de l’Assemblée de Corse pour faire le résumé de notre vision globale de l’autonomie et des propositions fondamentales. Je pense que nous serons prêts pour ce rendez-vous."
Jean-Christophe Angelini, président du groupe Avanzemu :
"Nous étions tous un peu inquiets, sur la réserve, au regard du contexte en Corse - qui est quand même à la tension - et en même temps des dernières évolutions. Nous en ressortons, je le crois sincèrement, rassurés et beaucoup plus apaisés quant à la suite, même si beaucoup reste à faire. Il y a incontestablement une évolution dans l'état d'esprit, dans la volonté de construire, dans les propositions qui sont faites, auxquelles notre groupe a lui-même beaucoup contribué. Je crois donc qu'il y a un cap qui est désormais éclairci, clarifié et qu’il y a une volonté politique qui est de nouveau manifestée, notamment du côté du gouvernement - il faut le dire clairement - tout autant bien sûr que des élus de la Corse. Sur les sujets techniques, foncier, urbanisme, logement, on a quand même pas mal avancé avec, là aussi, des propositions concrètes et, je le crois, une volonté d'en sortir puisque chacun sait les difficultés en ce domaine.
On n'est pas très loin de l'issue du processus. Chacun sait que la période du 14 juillet est attendue pour manifester un certain nombre de choses et que l'on aura dans la foulée d'autres types d'évolutions. C'est un processus qui va connaître, le mois prochain, un tournant marquant et qui, en même temps, va continuer de s'inscrire dans la durée. Incontestablement, c'est donc un processus qui est à l'œuvre. Et je le redis après cette réunion, sans optimisme béat mais avec une vraie sincérité, un tournant important qui me semble avoir été franchi."
Jean-Martin Mondoloni, président du groupe Un soffiu novu :
"Je pense que les préliminaires de cette rencontre ont permis à chacun de s'exprimer sur la bonne conduite à tenir en termes de méthode pour que le processus se déroule dans les bonnes conditions. Pour ma part, je pense qu'un certain nombre de doutes ont été levés quant à la façon dont on va parler, le rythme des rencontres et surtout les contenus.
Moi, j'ai besoin qu'on m'explique ce que c'est qu’un processus historique. J'ai besoin qu'on m'explique clairement qu'on ait une majorité relative au Parlement, à l'Assemblée nationale et au Sénat. Et j'ai besoin qu'on m'explique les limites fixées par l'exercice. J'ai besoin aussi qu'on ne confonde pas et qu'on ne mette pas dans le même pot des mesures qui sont les nôtres, que je qualifie de raisonnables. À savoir des mesures qui peuvent évoluer très rapidement à droit constant, sans modification de la Constitution, et distinguer d'autres mesures, plus ambitieuses, qui nécessitent une évolution de la Constitution. Le ministre a répondu favorablement à 3 mesures que nous avons posées et qui, du point de vue des administrations, étaient pour l'heure non recevables. J'y vois pour ma part des satisfactions.
Cela concerne notamment une mesure sur la pérennité du Girtec, ou une autre sur la capacité à défiscaliser pour un certain nombre de ménages qui veulent avoir pour résidence principale des biens qui sont non vacants."
Paul-Félix Benedetti, président du groupe Core in Fronte :
"On a une situation quand même tendue, avec des arrestations, des parasitages sur des discussions qui normalement auraient dû êtres apaisées. Il y a des éléments de blocage quand même qui persistent. Une volonté peut-être d'aller au bout mais pas de régler et de solutionner le problème politique corse. Moi, j'espère que sur les deux prochaines réunions qui seront les dernières, on aura une réponse ferme et définitive : oui ou non à une avancée institutionnelle de niveau autonomie. Si tel n'était pas le cas, on n'a rien à faire dans des discussions pour un peu plus d'évolution comme on l'a eu par le passé. Ça a montré ses limites. Aujourd'hui, on a besoin d'un saut qualitatif de même ampleur que celui qu’il y a eu en 1981."
Josepha Giacometti-Piredda, Corsica Libera :
"La voix dissonante que j'étais a été rejointe. Ce matin (lire mercredi), on a fait le point et le constat, qu'effectivement, comme j'avais eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises, nous n'étions pas dans un processus. Alors, chacun l'a dit dans ces termes : pour certains, il fallait changer la méthode mais, en tout cas, il ne fallait pas être devin pour voir qu’en se laissant porter ainsi, rien ne sortirait de constructif. Maintenant, moi, ce que j'attends pour la suite, c'est du côté du gouvernement : y-a-t-il la véritable volonté d'enclencher les bases d'un processus ? Et du côté de la majorité (territoriale, ndlr), y-a-t-il enfin la volonté et la capacité de porter un rapport de force à travers un projet qui soit celui d'une solution politique ? Cet après-midi (lire hier), cela s'est traduit également dans les débats sur le foncier ; la question du statut de résident a été avancée et débattue. Elle est notamment pour moi le socle de base à partir duquel on doit bâtir la lutte contre la dépossession. Et elle ne peut arriver en dernier une fois qu'on a essayé d'explorer tout ce qui était possible à droit constant."