Nommé en conseil des ministres le 10 octobre dernier, Jérôme Filippini a officiellement pris ses fonctions de préfet de Corse, ce lundi matin. Il a accordé un entretien à France 3 Corse ViaStella.
Vous arrivez dans un contexte particulier, alors que le processus d'autonomie est toujours en cours et que des fortes tensions sont survenues au cours des dernières semaines concernant la gestion des ports et des aéroports de l'île. Comment abordez-vous cette prise de fonction ?
Le préfet que je suis se place dans le cadre institutionnel. Je suis là pour appliquer les lois et les règlements dans le cadre actuel. Et puis je viens aussi dans une dynamique qui a été confirmée, très clairement, par le gouvernement et par la ministre Madame Vautrin lors de sa visite en Corse : le processus dit de Beauvau continue, il n'est pas interrompu, il ne repart pas à zéro, et il va se poursuivre dans un calendrier très serré.
Je me place dans ce cadre-là pour y aider localement, bien sûr, en échangeant avec les acteurs, avec les collectivités, puis en contribuant au travail qui va se passer maintenant beaucoup à Paris, notamment au Parlement.
On a pu constater des tensions survenant parfois entre le préfet de Corse et l'exécutif de l'île. Comment envisagez-vous ces relations ?
Je les aborde avec beaucoup de sérénité. Moi, j'ai beaucoup de respect pour les élus. Dans tous mes postes de préfet, j'ai toujours travaillé main dans la main avec les élus locaux. Ils ont une part considérable de légitimité qui leur vient du suffrage universel.
Il faut les respecter. Moi, je les respecte bien sûr tous, et je vais travailler le plus intelligemment possible pour le bien de la Corse, des Corses. L'État a des responsabilités importantes, mais la Collectivité, les maires aussi.
Justement, le binôme entre les maires et le préfet est un point que la ministre Catherine Vautrin a beaucoup évoqué lors de son déplacement en Corse. Quelle serait alors la place de la Collectivité ? Ne risque-t-elle pas de se voir finalement mise de côté ?
Non, tout ceci n'est pas exclusif. Quand on parle d'un couple, ou d'un binôme, c'est évidemment entre l'Etat et l'ensemble des élus. Pas seulement les maires, mais sans oublier les maires.
Vous avez aussi en charge, notamment, le dossier des transports, avec la question de la dotation continue territoriale, et la gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires...
Ce sont des dossiers que j'aborde avec leur technicité, parce qu'ils sont extrêmement compliqués, notamment juridiquement, à analyser pour vérifier que nous faisons bien les choses. Je vais le faire avec le maximum d'écoute au début, en comprenant le point de vue des différents partenaires. Et puis, en plongeant dans les dossiers - et j'ai commencé depuis quelques jours -, pour bien en comprendre les risques et les atouts.
Ce qui est sûr c'est que pour la Corse, compte tenu de son insularité, la question de la connectivité, de tout ce qui lui permet de lier les habitants au territoire continental et aux autres territoires, est absolument fondamentale. Et il faut que les outils dont on dispose soient les plus solides possibles. C'est ce à quoi nous allons travailler dans les prochaines semaines, avec la Collectivité de Corse, avec la ministre Vautrin, pour faire en sorte qu'il y ait de la continuité, de la sérénité, et de l'efficacité au rendez-vous, aussi, pour les habitants de Corse.
Nous sommes dans un territoire où la criminalité organisée a une très forte emprise sur la société. Comment comptez-vous lutter contre cette problématique ?
La première mission d'un préfet, c'est d'abord de travailler à la sécurité des habitants. D'abord sur la délinquance du quotidien : elle existe en Corse, même si elle n'est pas forcément aussi développée que dans d'autres territoires. Et puis sur des formes de criminalités qui peuvent être plus ou moins développées et parfois exceptionnelles.
Il y a sur tout le territoire national, et c'est vrai en Corse aussi, un développement du trafic et de la consommation de drogues qui fait que malheureusement certains intérêts criminels peuvent se développer. Il peut y avoir aussi bien sûr d'autres formes de criminalités...
J'aurais à travailler sur ce sujet-là avec l'autorité judiciaire, qui est indépendante et a ses pouvoirs propres, et avec les services de police, de gendarmerie, d'enquête, pour faire reculer autant qu'il est possible cette criminalité qui n'apporte que des inconvénients aux habitants de Corse.
Vous estimez que le poste de préfet en Corse est particulier. Pourquoi ?
Je pense que le poste de préfet de Corse est l'un des plus beaux et des plus exigeants de la République. Un des plus beaux parce que c'est dans un territoire magnifique que je vais découvrir, redécouvrir un peu parce que je connais la Corse. Un territoire qui a des défis énormes mais aussi des atouts considérables. Travailler en Corse c'est pour moi une fierté et vraiment un bonheur.
Et un territoire en même temps très exigeant, parce qu'on attend beaucoup de l'Etat. Il y a une forte demande de réponse de la part du représentant et des services de l'Etat. Je sais qu'il ne faudra pas chômer, mais ça tombe bien, parce que j'aime le travail et je ne chômerai pas pour l'intérêt des habitants de la Corse.