Georges Mela, en place depuis 2004, se présente pour un nouveau mandat. Face à lui, Jean-Christophe Angelini, opposant historique, tentera de ravir sa place de premier édile de la ville. Le troisième candidat, Don-Mathieu Santini, se veut une nouvelle alternative à ce duel connu...
Décidément, en Corse, ces municipales prennent un malin plaisir à rebattre les cartes.
Le grand écart politique est à la mode, les alliances les plus improbables fleurissent sur les listes, ou sont envisagées au deuxième tour.
Paradoxalement, c'est du côté des mouvements nationalistes, qui font pourtant cause commune à travers Pè a Corsica à l'assemblée de Corse, que les rapprochements semblent le plus compliqués...
Face à Georges Mela, non pas un, mais deux nationalismes
A Porto-Vecchio, Don-Mathieu Santini mène la liste Portivechju Da Fà, soutenue par Femu et Core in Fronte, mais également par la gauche autonomiste, Génération.S et Europe-Ecologie-Les Verts.Et il a déjà annoncé la couleur :
"Il n'y aura pas d'alliance avec Jean-Christophe Angelini. Il ne peut pas y en avoir. Il pouvait y en avoir une au premier tour, mais elle n'a pu se faire. Alors il n'y en aura pas au second tour."
Jean-Christophe Angelini, l'autre candidat nationaliste, est tête de liste de Pà Portivechju, le fruit d'une alliance entre le PNC et Corsica Libera.
Mais, selon Don-Mathieu Santini, ses envies de rapprochements n'allaient pas toujours, ces derniers mois, vers sa famille nationaliste.
Ce qui a eu pour résultat de l'irriter...
"Je suis allé le voir, c'est même le premier que je suis allé trouver cet été. Mais il avait des discussions, au même moment, avec le maire sortant, Georges Mela, et elles semblaient plus importantes pour lui que de discuter avec moi. Il l'assume d'ailleurs aujourd'hui. Ces discussions se sont opérées à la suite d'une demande faite par les socio-professionnels... Et sa démarche, aujourd'hui, est plutôt orientée de ce côté-là.
Nous, il nous semble que les intérêts des porto-vecchiais dépassent véritablement le corporatisme d'un certain secteur d'activité."
Bref, Pour Don-Mathieu Santini, les démarches et les philosophies des deux listes nationalistes sont diamétralement opposées, et empêchent toute union entre le 15 et le 22 mars.
Jean-Christophe Angelini, un pas vers les socio-professionnels
Depuis quelques semaines, Jean-Christophe Angelini, président de l'agence de développement économique de la Corse (ADEC), essuie ce même reproche.Celui de favoriser les socio-professionnels du tourisme de l'extrême sud, au détriment des valeurs prônées par le nationalisme.
Ce dont il se défend.
Pour le leader du PNC, qui se présente pour la quatrième fois devant les électrices et les électeurs de Porto-Vecchio, c'est juste une démarche d'ouverture.
"Il y a une continuité avec un certain nombre d'idées que j'ai incarnées, et que j'incarne encore, mais surtout une volonté de renouvellement, d'élargissement, de rassemblement. (...) Il y a au coeur même de la majorité des déifférences d'appréciation qui sont relativement importantes, et il y a, de mon point de vue, une orientation marquée en matière d'économie et de social qui n'est peut-être pas la marque de fabrique de mes autres partenaires. Ou en tout cas, de la même manière..."
Une manière de prendre ses distances, de manière feutrée, avec les positions les plus "dures", dans le camp nationaliste, en matière de littoral....
Porto-Vecchio l'hiver/ Porto-Vecchio l'été
En face, après l'échec des discussions, il y a donc Georges Mela.Le maire sortant, élu depuis 2004, qui a longtemps été accusé de mener cette politique-là. Une politique tournée vers le développement touristique à tout crin, jusqu'à aboutir à un Porto-Vecchio qui ne commence à vivre que l'été venu...
Pour certains, Jean-Christophe Angelini serait tenté de jouer dans la même cour, d'où les tractations des mois derniers.
Et les observateurs ne manquent pas qui soulignent que certains des alliés de Georges Mela sont désormais passés à "l'ennemi", et ont rejoint la liste Pà Portivechju.
Des allégations que Georges Mela, lui, balaie d'un revers de main.
"Ca, c'est ce que les uns et les autres disent... Dans une campagne politique, il y a souvent de l'intox, une volonté de destabiliser les uns et les autres. Moi, je fais confiance aux porto-vecchiais, je vis avec eux au quotidien et je sais la confiance qu'ils me témoignent."
Le maire de Porto-Vecchio préfère mettre en avant les aménagements réalisés dans le vieux Porto-Vecchio, désormais appelé "le cœur de ville".
Histoire de montrer qu'il n'y en a pas que pour les hôtels, les paillotes et les touristes.
"Aujourd'hui, bon nombre de commerçants remercient les initiatives qui ont été prises, ca a valorisé leurs commerces. C'est un endroit qui renaît, et c'était une des volontés fortes de la majorité en place."
Le cœur de ville, un endroit qui renaît - Georges Mela
Pas de quoi convaincre ses adversaires.
Pour Don-Mathieu Santini, "il y a 3.000 pauvres [sur près de 12.000 habitants - NDLR], deux jeunes sur trois arrêtent l'école à 18 ans, et 40 % des jeunes femmes de moins de 24 ans sont au chômage...
Le bilan est catastrophique.
Ces chiffres veulent dire que le développement que l'on nous vante n'est pas efficace.
Il faut changer le paradigme, on est une zone d'extrême consommation, on produit très peu, les producteurs locaux ne sont pas valorisés...
Pour l'heure, c'est un western, chacun fait comme il veut, et selon son clan d'appartenance, il réussit ou pas."
De son côté, Jean-Christophe Angelini souligne le manque de logements publics. "Nous considérons que la commune doit s'approprier ce sujet-là, c'est le point noir, parmi tant d'autres, de la mandature actuelle, et de l'équipe qui est en place depuis très longtemps. Il faut que chaque porto-vecchiais ait un toit, et une dignité, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui."
Porto-Vecchio, laboratoire du développement touristique de l'île ?
Le logement, une question d'importance. Mais dans la cité du sel, le sujet, comme la plupart des autres, ramène sur la table le sujet principal de ces élections, qui cristallise la plupart des enjeux : le PLU, et donc le choix d'une politique de développement claire, et assumée.Don-Mathieu Santini n'en démord pas. Il faut tourner la page des PLU habituels, et "créer un plan local d'urbanisme qui soit raisonné et équitable, avec des zones où les porto-vecchiais pourront construire. Si on continue à laisser construire proche du rivage, vu l'attractivité que cela exerce, il ne faut pas s'étonner que cela soit à destination des résidences secondaires..."
Pour le maire sortant, ce n'est pas son PLU qui est en cause. Pas plus que les constructions pointées du doigt par son rival. Il désigne un autre responsable : le PADDUC. "Ce document de planificaiton pénalise et gène l'ensemble des hameaux qui constituent l'identité des porto-vecchiais. Aujourd'hui, il fait la part belle à l'agriculture, et c'est une bonne chose, mais il le fait au détriment du développement de la région, au détriment de l'installation des jeunes couples porto-vecchiais sur leurs terres...."
Jean-Christophe Angelini, lui, se verrait bien en juge de paix, et adopte une position médiane, qui, il l'espère, satisferait le maximum d'électeurs...
"Il faut sortir de ce débat qui, depuis des années, empoisonne la vie des porto-vecchiais, et la vie des corses. Il faut poser deux principes :
Le premier, le Domaine Public maritime. Le littoral est un bien commun, inaliénable, imprescriptible. Il n'est pas question de toélrer une forme de privatisation ou d'accaparement.
Mais il n'est pas question non plus que l'on mette sous cloche ce patrimoine. On ne doit pas considérer qu'il n'y a aucun développement économique ou social possible sur ces zones, qui sont aujourd'hui attractives et qui contribuent a la force économique du territoire.
Il faut que la commune se mette en capacité de trouver ce point d'équilibre."
Un programme qui se veut séduisant, mais arriver à concilier les deux risque fort de ne pas être de tout repos...