Thierry de Peretti : "Faire des films où la Corse n'est pas qu'une carte postale, cela crée du lien"

Après sa présentation au Festival de Cannes en mai dernier, le film "À son image" démarre une tournée dans l'île avant sa sortie en salles prévue le 4 septembre. Vendredi 19 juillet, il a été projeté pour la première fois en Corse à Bastelica, où une partie du long-métrage a été tournée. Nos équipes ont rencontré son réalisateur Thierry de Peretti.

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France 3 Corse ViaStella : En quelques mots, comment décririez-vous votre film "À son image" ? 

Thierry de Peretti : C’est une adaptation d'un roman, l'avant dernier livre de Jérôme Ferrari, "À son image", qui est le portrait d'une jeune photographe en Corse, de ses 17, 18 ans jusqu'à sa mort à 38 ans. Cela se passe sur deux, trois décennies dans les années 80, 90. C'est le portrait de cette jeune femme et de ses amis les plus proches, dont certains sont engagés dans la clandestinité, dans les luttes politiques de ces années-là. C'est aussi une réflexion sur l'image, sur le statut des images et sur les questions de représentation. C'est donc à la fois une chronique politique, un portrait et une réflexion disons plus philosophique. 

Pourquoi avoir voulu adapter ce roman ? 

Pour de nombreuses raisons, dont certaines m'échappent. Mais j'étais très ému, bouleversé et captivé à la lecture du roman, immédiatement, dès les premières pages. Et puis faire un film c'est très long : je savais que faire ce film-là allait m'accompagner pendant plusieurs années et j'avais envie de travailler là-dessus avec la troupe d’acteurs et l'équipe. Je me suis dit qu'il y avait la matière, la profondeur, l'épaisseur pour vraiment construire un film solide et inspirant pour nous. Donc c'est à la fois une émotion directe, et en même temps quelque chose d'assez réfléchi.  

Cette période-là de l'histoire de la Corse, cela vous semblait important de la traiter ? 

On parle toujours des choses qui nous touchent et qui continuent de nous intriguer. La période dont le film et le roman parlent, c'est celle des années 80, 90 en Corse. Mais il n'est pas simplement question de l'activisme et de la lutte armée. Les questions sont aussi intimes et humaines. Il se trouve que les gens de ma génération, de celle de Jérôme Ferrari, qu'on le veuille ou non, de façon différente, ont vécu ces évènements, les ont traversés de manière très directe ou beaucoup plus périphérique. Mais on ne peut pas faire comme si ces années-là et ces événements là nous avaient pas marqués.  

Pour autant, le film reste une fiction.

Je fais du cinéma, du cinéma de fiction, donc ma question est : l'histoire, la politique sont-elles capables de produire du cinéma d'aujourd'hui, contemporain, qui parle de nous en Corse et de nous aujourd'hui, pas simplement de nous hier ? Effectivement, le film parle des années 80, 90, mais il n’est qu'une évocation. La génération des personnages dans le film, c'est la génération avant la mienne : ce qu'ils vivent, je n'ai pas vécu aussi directement, j'étais enfant ou jeune homme. Donc cela ne peut être que des souvenirs et une évocation. Le film n’est pas forcément exact historiquement, il l’est davantage sur les questions d'atmosphère.  

>> "Adapter un roman, c'est trahir" : Thierry de Peretti présente son nouveau film, À son image, au festival de Cannes 2024

Pourquoi avoir choisi de projeter le film à Bastelica ce vendredi en avant-première ? 

C’est la première fois qu’on montre le film en Corse. Bastelica est l’un de mes villages. C'est là d'où je viens, d'où vient ma famille, mes grands-parents, mes ancêtres. Nous avons tourné ici. C'était à la fois très important pour des raisons intimes, mais aussi pour des raisons davantage liées au récit du scénario et du roman, puisqu’un des épicentres de l'intensité politique de la Corse dans les années 80 était Bastelica. Le roman en parle, et l’un des événements évoqués, qui est un point de départ de beaucoup de choses, c'est l’affaire Bastelica-Fesch. Donc c'était important de tourner le film dans ce village mais aussi de le projeter pour la première fois en Corse ici. C'était, pour moi, un geste essentiel.  

Les habitants de Bastelica sont nombreux à être venus ce vendredi soir, diriez-vous qu'ils se sont approprié le film ? Comment s'est déroulé le tournage ?  

Les habitants du village ont participé, ils ont contribué à la réussite des scènes puisqu'on ne peut pas réaliser un film dans un village sans une énergie collective, une synergie, une aide, une bienveillance envers le film. J'ai l'impression que les gens sont venus aussi voir leur film. Et on a fini de le tourner il n'y a même pas un an, donc il y a une immédiateté qui est forte. 

Pour certains habitants, le tournage a permis de recréer du lien dans le village. Diriez-vous que c'est une des fonctions du cinéma ?

Le cinéma crée des liens. Faire des films qui ne sont pas des films de touristes où la Corse n'est qu'une carte postale, évidemment que cela crée du lien. Tout le monde regarde, voit comment les scènes se fabriquent, a un avis, participe. Ce qui m'a aussi beaucoup touché, c'est qu'une partie des membres de l'équipe qui n'était pas du village a noué des amitiés, des liens se sont tissés, de l'entraide aussi pour le film. Et je pense que c'est une des grandes forces du cinéma. C'est pour cela qu'il faut faire des films et qu'il faut que les cinéastes corses fassent des films en Corse. 

Le reportage à Bastelica de Clément Tronchon et Océane Da Cunha :

durée de la vidéo : 00h02mn32s
"A son image" projeté pour la première fois en Corse à Bastelica ©C. TRONCHON - O. DA CUNHA / FTV

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