Nicolas Bessone, procureur de la République de Marseille a récemment posé le terme de mafia en évoquant la criminalité organisée corse. Des propos salués par les collectifs anti-mafia comme une étape essentielle dans le monde judiciaire.
"Il existe une mafia corse contre laquelle nous devons lutter". Les propos n'étaient pas anodins, celui qui les tenait non plus : le 8 février dernier, en marge d'une conférence de presse, Nicolas Bessone, procureur de la république de Marseille et patron de la JIRS (juridiction interrégionale spécialisée) posait le mot de mafia sur la criminalité organisée en Corse.
Le terme était attendu. Il faut dire qu'en vingt-cinq ans, pour aborder la criminalité insulaire, nombre de qualificatifs ont été utilisés par les autorités politiques et judiciaires. Ceci en parlant de "système pré-mafieux" en 1998, "bande de julot casse-croûte" en 2001, ou encore "peut-être des dérives" en 2009...
Pour les collectifs anti-mafia corse, c'est une étape essentielle qui est enfin franchie. "Nous nous félicitons des déclarations de Nicolas Bessone. Il a rappelé l'évidence, qu'il y a un système mafieux en Corse, indique Léo Battesti, du collectif Maffia no, a Vita iè. Venant de la part d'un magistrat de France, cela a tout son point. C'est la réalité."
"Cela met un point final, maintenant on peut travailler sur des bases claires", continue Jean-Toussaint Plansenzotti, du collectif Massimu Susini.
De nouveaux outils
Parce qu'à côté des mots pour le dire, la justice est engagée à travailler sur de nouveaux outils, tous empruntés au modèle italien : le délit d'association mafieuse ; la confiscation préventive des biens ; les jurys professionnels ; et enfin l'élargissement des coopérateurs de justice aux auteurs de crime sang.
Le collectif Massimu Susini attend désormais que les élus de l'assemblée de Corse, proposent, dans leur champ de compétences, des pistes de travail concrètes. "Il faudrait, maintenant, que la Collectivité de Corse soit au niveau, qu'elle ne reste pas en arrière, insiste Jean-Toussaint Plansenzotti. Elle a été en avant avec la résolution sur les dérives mafieuses. Il faut aujourd'hui qu'elle soit au niveau de la réponse qu'apporte le régalien dans la lutte contre la mafia."
Contrôle des marchés publics
Le collectif demande notamment des instruments de contrôle des marchés publics, alors qu'une nouvelle enquête vient d'être ouverte par la JIRS pour recel de favoritisme à la Chambre d'industrie et de Commerce, et que cette institution doit passer bientôt sous la tutelle de la Collectivité de Corse.
Entre février et juin 2023, l'Assemblée avait organisé plus de 35 ateliers sur les "dérives mafieuses".
Le rapport final de ces travaux doit être présenté par le conseil exécutif lors d'une prochaine session. Autant dire qu'il est attendu.
Le reportage de Florence Antomarchi, Stéphane Lapera, et Véronique Buresi :