Manifestations de soutien à Yvan Colonna : qui sont les jeunes mobilisés ?

Depuis lundi 7 mars, des centaines de collégiens et de lycéens corses se mobilisent en soutien à Yvan Colonna. Des mobilisations marquées par des heurts et des violences avec les forces de l'ordre. France 3 Corse ViaStella a rencontré trois jeunes protestataires.

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Dans les rues de Corte, devant la sous-préfecture, Raph, 19 ans, fait basculer une poubelle pour empêcher les voitures de circuler. Sur le trottoir presque 200 jeunes se sont rassemblées, jeudi 10 mars, en soutien à Yvan Colonna, cible d'une tentative d'assassinat par un codétenu au sein de la maison centrale d'Arles le 2 mars dernier.

Depuis six jours, ces mobilisations de collégiens et de lycéens sont quotidiennes. La plupart dégénèrent et sont émaillées de heurts et de violences entre les jeunes manifestants et les forces de l'ordre. Une cinquantaine de personnes, protestataires et gendarmes, ont été blessées.

Et la manifestation cortenaise n'échappe pas à la, désormais, règle. Quelques minutes après le début de la manifestation, un groupe d'une vingtaine de jeunes hommes, cagoulés et entièrement vêtus de noir, lancent des cocktails molotov et des pavés sur la façade de la sous-préfecture. Ils scandent : "Statu francese assassinu". Les gendarmes répliquent immédiatement par des tirs de gaz lacrymogène. 

"C'est important d'écouter les anciens"

Raph reste en retrait, crie des insultes de loin. "On veut respecter l'appel au calme de la famille Colonna. Ils sont les premiers touchés et les premiers dans la souffrance. Mais on ne peut pas s'empêcher d'être dans la colère, on a grandi avec. On est une génération qui arrive juste après les plus gros dégâts et les plus grosses conséquences. Mais on a entendu la souffrance des anciens, on a grandi avec ça et on a ce poids sur les épaules", confie-t-elle.

Ce sont ces "anciens" qui, comme à Ajaccio, ont demandé aux jeunes manifestants de rentrer chez eux après environ une heure d'affrontements. En haut de la rue, sept camions de gendarmes mobiles viennent d'arriver et avancent. "Vous n'avez plus rien, vous êtes peu nombreux. C'est le pot de fer contre le pot de terre. Vous allez vous faire massacrer", lance un homme d'une soixantaine d'années à l'un des manifestants cagoulés.

Rapidement, le message passe dans les rangs. Les jeunes reculent. "C'est très important de les écouter. Ils connaissent et on a besoin d'eux pour calmer les jeunes. Certains ne se rendent pas compte de ce qu'il peut leur arriver", commente Raph. Quelques dizaines de minutes plus tard, le haut du Cours Paoli retrouve son calme habituel.

"Est-ce que la violence est la seule solution ?"

Cyprien est un lycéen ajaccien. Depuis lundi, il bloque son établissement et appelle à manifester pacifiquement. "Ce n'est la place de personne que de se mettre devant les gardes mobiles et d'être blessé. Il y a des gens qui pensent que la violence est une solution. Est-ce que c'est la seule solution ? Je ne sais pas… Pour ma part, elle est à bannir", explique-t-il.

Elu à l'Assemblea di a Ghjuventu, dans un groupe nationaliste, Cyprien a forgé sa conviction politique par les médias, à l'école, ou en écoutant les souvenirs de ses proches. "Toutes ces archives, tous ces discours ont eu un impact sur le jeunesse. En tout cas, ils en ont eu sur moi. Je pense que la jeunesse a absorbé cette histoire. De plus, on est aussi une région qui s'intéresse beaucoup à la politique. Il y a toujours eu un engouement sur ces questions-là, et elles intéressent aussi beaucoup la jeunesse", analyse-t-il.

S'il a choisi la voie du nationalisme, c'est qu'il est porté par "une volonté de trouver une solution et de faire avancer les choses." "Nous voulons vivre, demain, dans une société qui soit plus libre, plus identitaire. Nous avons une identité particulière, avec sa langue, son histoire, sa culture. Ca n'échappe à personne. Il faut l'affirmer et que l'État français la reconnaisse", continue Cyprien.

"Pourquoi l'État ne nous entendait pas avant ?"

Parmi ces jeunes manifestants, nombreux sont ceux à dénonce "l'injustice" dont serait, selon eux, victime Yvan Colonna. "On n'a toujours pas la vérité sur ce qu'il s'est passé dans cette prison", lance Ghjuliu Antone, lycéen ajaccien. "Yvan, ça fait 20 ans qu'il est en prison, et après, il se passe ça, en plus il nie toute implication [le militant nationaliste de 61 ans a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Erignac en février 1998 ndlr.], complète Raph. Ils nous prennent bien pour des abrutis. Et on est là, et ça ne change pas."

Pas cette fois. Dans une volonté d'apaisement, le Premier ministre, Jean Castex, a annoncé la levée du statut de "détenu particulièrement signalé" (DPS) de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi, deux autres membres du commando dit Erignac, ce vendredi 11 mars.

Une demande que les deux hommes, tout comme Yvan Colonna, réclamaient depuis des années et qui était aussi devenue un sujet de tension entre l'État et l'exécutif insulaire nationaliste aux commandes depuis 2015. Un geste qui laisse une part de la jeunesse insulaire sceptique. "Ça fait sept que les nationalistes revendiquent des choses et qu'ils n'ont rien eu. Là, en 10 jours, on a revendiqué le statut et on a eu ce qu'on voulait. Pourquoi en sept ans nous n'avons rien eu ? Les jeunes maintenant se posent cette question. Pourquoi l'État ne nous entendait pas avant ? Le FLNC avait déposé les armes pour se faire entendre, pour trouver une solution politique et démocratique, mais au final, on se retrouve à avoir des solutions en sortant dans les rues et avec des violences", s'interroge Ghjuliu Antone.

Depuis deux jours, les affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants sont plus rares en Corse. Néanmoins, des inquiétudes subsistent quant au grand rassemblement prévu, dimanche 13 mars, à Bastia.

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