Mort d'Yvan Colonna : polémique après la mise en berne des drapeaux de la Collectivité de Corse

La Collectivité de Corse a indiqué la mise en berne de ses drapeaux en hommage à Yvan Colonna, décédé le 21 mars. Une décision vivement contesté par plusieurs politiques et internautes sur le Continent.

Société
De la vie quotidienne aux grands enjeux, découvrez les sujets qui font la société locale, comme la justice, l’éducation, la santé et la famille.
France Télévisions utilise votre adresse e-mail afin de vous envoyer la newsletter "Société". Vous pouvez vous désinscrire à tout moment via le lien en bas de cette newsletter. Notre politique de confidentialité

"Consternation", "glorification tragique d'un assassin" ou "hommage atterrant" : la décision de la Collectivité de Corse de mettre en berne ses drapeaux à compter du 22 mars "pour exprimer la tristesse collective ressentie par [le peuple corse] après la mort tragique d'Yvan Colonna et face aux heures sombres que vit la Corse" est accueillie par un certain nombre de critiques, notamment de personnalités publiques et médiatiques nationales.

En premier lieu, la réaction, dans la soirée du 23 mars, du président de la République. Invité de la chaîne M6 et interrogé sur le sujet, Emmanuel Macron estime qu'il s'agit d'une "faute et c'est inapproprié", sans plus s'étendre sur la question.

Le ministre de l'Intérieur, venu en Corse la semaine passée pour tenter "d'apaiser les tensions", s'est de son côté exprimé sur la question dans l'émission C à vous, le 24 mars. Si Gérald Darmanin assure avoir "de la compassion et du respect pour le deuil" de la famille d'Yvan Colonna, "j'ai appelé son père", il indique avoir fait part de son "désaccord profond au président Simeoni. Je lui ai dit oralement, j'ai exprimé cela. J'ai trouvé que les propos qu'il avait tenu, ou qu'ont tenu un certain nombre d'élus de Corse, comme les gestes qu'il fait, sont une sorte d'insulte pour la famille Erignac, pour l'Etat français, pour les représentants de l'Etat."

"Je ne veux pas qu'il y ait de concurrence des morts, ajoute le ministre, mais monsieur Colonna [...] n'était pas un héros, c'est un assassin. Il avait assassiné un préfet."

"Comment peut-on décemment imaginer un tel hommage ?"

Et ils sont nombreux, outre le président et le ministre de l'Intérieur, à dénoncer le geste. Le communiqué posté sur Twitter par la CdC, récolte ainsi à 20h, ce 23 mars, plus de 715 retweets avec commentaires.

Parmi ces derniers, on retrouve plusieurs politiques. "Aucun projet politique, dans notre République, ne légitime qu'une collectivité territoriale mette ses drapeaux en berne pour un homme qui a assassiné un préfet. Le Chef de l'Etat devrait condamner cette décision", reproche le sénateur écologiste Bernard Jomier, quand le sénateur centriste de la Haute-Savoie Loïc Hervé s'interroge : "Si toute la lumière doit être faite sur les circonstances de cet assassinat, comment peut-on décemment imaginer un tel hommage ?"

L'élu interpelle directement le ministre de l'Intérieur, lui demandant "d'intervenir auprès du Préfet de Corse pour que cette décision soit condamnée."

L'ancien Premier ministre Manuel Valls juge l'acte "insupportable et indécent". "Une chose est de respecter la douleur et le deuil de la famille Colonna, une autre est de transformer un homme, condamné pour l’assassinat d’un Préfet de la République, en héros et martyr. C’est insupportable. J’imagine que l État sur place réagira", poursuit-il.

"Les drapeaux en berne ? En mémoire d'un homme qui a tué un préfet ? Vous êtes fous ?"

Julien Aubert, député Les Républicains du Vaucluse, regrette de son côté qu' "en France, une collectivité locale, partie intégrante de la République, met le drapeau en berne pour saluer la mémoire de l'assassin de préfet? Quelle que soit l'émotion, c'est inacceptable".

Gilles Clavreul, co-fondateur du mouvement Printemps républicain, est plus incisif encore : "Décider d'un hommage public à un assassin est d'une indécence inouïe. Ce geste montre le vrai visage du nationalisme corse, qui ne prospère que par une déformation permanente du réel, comme toutes les pensées systématiques."

La maire de Paris et candidate PS à l'élection présidentielle Anne Hidalgo trouve l'hommage particulièrement malvenu : "Oui, ça me choque, car il y a un préfet de la République qui a été assassiné, il y a un procès qui a décidé qui était coupable. Les circonstances de la mort de Colonna sont inacceptables. Je suis aussi pour que la question du statut de la Corse soit pensée avec les élus et la population, mais les drapeaux en berne c’est quelque chose d’extrêmement choquant."

Michaël Delafosse, maire de Montpellier, voit lui une "décision indigne" et appelle au "respect de la mémoire du préfet Erignac". "Les drapeaux en berne ? En mémoire d'un homme qui a tué un préfet ? Vous êtes fous ?", tacle enfin le philosophe Raphaël Enthoven. "Une chose, et bien compréhensible, est de déplorer la mort d’un homme en prison, tout autre est de faire un héros d’un assassin."

En Corse, la décision de mise en berne des drapeaux ne fait pas l'unanimité non plus. Mais pour l’instant, aucune réaction publique des élus qui n’appartiennent pas à la famille nationaliste n'a été enregistrée. Le temps du deuil, alors que les obsèques d'Yvan Colonna sont tenues vendredi à Cargèse, pourrait différer de quelques jours leur prise de position.

Une affaire à double lecture, en Corse et sur le Continent

Il est à rappeler que depuis les prémices de cette affaire, et les premières nouvelles de la violente agression subie par Yvan Colonna, l'émoi et la teneur des réactions des élus et personnalités publiques comme de la population sont sensiblement différentes, selon s'il s'agit de résidents corses ou non.

Des disparités de point de vue bien constatées dans une récente étude Ifop pour Corse-Matin, qui pointe notamment qu'alors que 54% des sondés estiment la responsabilité des autorités judiciaires et de l'Etat "importante" dans l'assassinat du berger, ils sont 86% parmi ceux résidant ou ayant des origines corses, et 53% pour les autres.

Celles-ci s'expliquent notamment par la figure "ambivalente" - selon les mots du sociologue Jean-Louis Fabiani - du militant indépendantiste, érigé pour une partie des Corses comme "une sorte de victime de la répression de l'Etat". Une image globalement mal perçue pour "beaucoup de Français du Continent", qui font d'Yvan Colonna, estime le sociologue, "le symbole d'une lutte absurde et violente".

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Veuillez choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité
Je veux en savoir plus sur
le sujet
Veuillez choisir une région
en region
Veuillez choisir une région
sélectionner une région ou un sujet pour confirmer
Toute l'information