Grand Maître du Grand Orient de France depuis cet été, Nicolas Penin était en visite à Bastia ce week-end pour la réouverture d'un temple maçonnique. Il nous a accordé un entretien.
"On dit souvent que nous sommes à la fois l'harmonie des contraires, c'est-à-dire qu'on sait rassembler les gens qui sont différents, et l'éloge de la nuance. On sait très bien que souvent, les réponses les plus simples ne sont pas toujours les meilleures. On essaie donc de contextualiser les réponses en disant que les choses sont parfois plus compliquées qu'il n'y paraît. Et, dans la vie quotidienne, on essaie d'amener cette forme de sagesse."
C'est ainsi que Nicolas Penin résume l'action du Grand Orient de France (GODF), la principale obédience maçonnique française dont il est devenu le Grand Maître en août dernier. Une organisation qui compte près de 500 frères et sœurs dans l'île répartis sur 14 loges (sept en Corse-du-Sud, sept en Haute-Corse).
Samedi 13 octobre, cet homme de 48 ans ayant fait carrière au sein de l'Éducation nationale était en visite à Bastia. Entre la réouverture d'un des quatre temples maçonniques de la ville et une réunion avec les frères insulaires, il a accordé un entretien à France 3 Corse.
France 3 Corse : Quel est l’objet de cette réunion en Corse ?
Nicolas Penin : Cette réunion était importante pour nos frères et nos sœurs corses parce qu’on avait la réouverture d'un temple maçonnique. Puis, historiquement, il y a un lien fort entre la maçonnerie et la Corse depuis le milieu du XVIIIe siècle. Cette réunion permet donc de renouveler également des liens qui ont pu exister entre le conseil de l'ordre, c'est-à-dire la direction de l'obédience, et les frères et les sœurs du Grand Orient de France en Corse.
Ce temple maçonnique vient donc de rouvrir. Combien la Corse compte-t-elle de loges du Grad Orient ?
À Bastia, on compte quatre loges. En tout, il y en a 14 en Corse. Dans ce local-là, il y a eu des travaux dans le temple qui avait nécessité une réflexion depuis son ouverture il y a près de vingt-cinq ans. Il y a donc eu des travaux en profondeur et on a pris ce prétexte pour avoir le plaisir de se retrouver et d'échanger de nouveau.
Justement, lorsque vous échangez entre maçons, de quoi parlez-vous ?
L’échange, il se fait d'abord sur ce que nous sommes ; nous sommes des francs maçons, c'est-à-dire une association un peu particulière, un ordre initiatique avec une quête, une démarche spirituelle qui est assumée de notre part. Mais comme nous sommes des francs maçons du Grand Orient de France, cette démarche initiatique et symbolique liée à la franc-maçonnerie, elle est aussi accompagnée à un engagement dans la cité, dans les affaires politiques, au sens noble du terme. C’est-à-dire qu'on s'intéresse au monde qui nous entoure et il nous arrive donc de traiter les deux : à la fois à côté symbolique, rituélique, mais également des affaires de la cité ou de la société. Cela peut être sur le droit à mourir dans la dignité, sur la laïcité, sur l'école, sur la crise de la démocratie ou de la République ou des organisations démocratiques. On aborde donc tous ces types de sujets.
Ici en Corse, avez-vous ressenti certaines préoccupations locales ?
Les préoccupations politiques peuvent exister, notamment en Corse. On m'a beaucoup parlé aussi de cette évolution institutionnelle ou encore des directions et des accords qui pouvaient être passés entre les collectivités et le gouvernement. Nous, ce que l'on sait, c'est que tout ce qui apporte de la concorde, de la paix et des solutions politiques à des difficultés qui peuvent exister, cela va toujours dans le bon sens. Donc, si les francs-maçons du Grand Orient de France agissent, c'est toujours pour tenter de rassembler les hommes et les femmes et de construire des ponts. Tout ce que nous pouvons faire, à notre place avec beaucoup d'humilité, pour faire en sorte que la paix civile règne au quotidien, nous agissons et nous le faisons au mieux.
Auriez-vous des exemples concrets de sujets qui suscitent l’intérêt voire l’inquiétude des francs-maçons de l'île ?
Les inquiétudes, elles sont communes à ce que l'on peut vivre ici, mais ailleurs également. C’est une île, mais c'est bien une île dans le monde, avec toutes les tensions que l'on peut vivre dans un temps qui est troublé : il y a bien évidemment la crise économique, les tensions peut-être avec certains membres de la communauté nationale, il y a des questions qui se posent. Mais dans le même temps, en dehors de ces questions, de ces inquiétudes sur le travail, la vie de tous les jours, l'avenir de la formation, de l'école, du cadre laïque auquel on est attaché, il y a aussi tout ce sens, c'est-à-dire que notre société et la préoccupation également en Corse, c'est de bien savoir qui nous sommes et vers quoi nous nous dirigeons ; et notamment quand on est franc-maçon, dans un cadre sécurisé, apaisé et respectueux des autres.