Vendredi, dès le vote unanime de l’Assemblée de Corse pour le rapprochement du "commando Erignac", la question de la suite à donner à cette résolution solennelle a été abordée dans l’hémicycle. En parallèle, Alain Ferrandi a adressé une lettre au Président Macron.

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"Qu’allons-nous faire maintenant ? Au-delà de cette résolution, il faudra savoir comment nous nous mobilisons.

Vendredi 22 octobre, lors de la session extraordinaire de l'Assemblée de Corse, Josepha Giacometti Piredda, apparentée au groupe Avanzemu, avait déjà soulevé la question du proche avenir de cette résolution solennelle avant qu'elle ne soit adoptée unanimement, sans surprise.

Une fois le vote validé et applaudi par tous les conseillers territoriaux, c’est Simon’Paulu Ferrandi, fils d'Alain Ferrandi, du haut de la tribune, qui les avait remerciés, avait salué leur courage avant de leur demander que cette "motion soit portée en place publique et notamment à Paris".

Elus, parlementaires, collectifs de soutien aux prisonniers corses, proches, tous semblent vouloir profiter de cet élan collectif afin que cette résolution pèse davantage que la motion approuvée, elle aussi unanimement, en juin 2019 par cette même Assemblée de Corse.

À l’époque, elle demandait déjà la levée du statut de Détenus particulièrement signalés (DPS) de Pierre Alessandri et Alain Ferrandi. Cette fois, elle associe également Yvan Colonna, le troisième homme ayant été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l’assassinat du préfet Erignac, le 6 février 1998. 

Ce nouveau texte mentionne aussi que les trois membres du "commando Erignac" "sont aujourd’hui libérables eu égard à la durée de détention accomplie".  

Alain Ferrandi écrit au Président Macron

Parallèlement à cette démarche des conseillers territoriaux, Alain Ferrandi a adressé une lettre au président de la République Emmanuel Macron. Elle a été publiée ce samedi dans les colonnes de Corse-Matin.

Lire l’intégralité de la lettre d’Alain Ferrandi.

Incarcéré depuis 1999 sur le continent, le détenu insulaire s’interroge sur les raisons du refus systématique de ce rapprochement en Corse. "S’agit-il d’une vengeance d’Etat ? D’une posture mémorielle ? D’une décision politique transcendant le droit commun ? Ou juste mais tout aussi grave, d’un choix arbitraire ?" demande-t-il au chef de l’État. Aujourd’hui, c’est encore en tant que justiciable et dans une démarche légaliste, que je demande à être entendu, que je vous demande de m’entendre. C’est dans cet espoir que je vous écris et que je déposerai encore une fois, avec mes avocates, une demande de radiation de ce répertoire DPS dont l’inscription ne se justifie plus à l’aune de mon parcours de détention, dans l’espoir qu’elle sera enfin examinée sans sentence politique a priori, conformément aux normes en vigueur, sans confondre le politique et le judiciaire. J’ai respecté la loi de la sentence ; c’est cette même loi qui autorise le rapprochement. C’est le Droit."

Borgo et le statut de DPS

Véritable frein au rapprochement dans l’île, le statut de DPS est au cœur de ce bras de fer politico-judiciaire qui s’est installé avec l’État dans cette affaire. "Le Premier ministre s’est attribué seul la levée du satut de DPS dans ce dossier, confie Eric Barbolosi, avocat de Pierre Alessandri, lui aussi emprisonné depuis 22 ans sur le continent. La levée du DPS, c’est la condition nécessaire au rapprochement de Pierre Alessandri et des deux autres détenus à Borgo. S’il n’y a pas de levée de DPS, il n’y a pas de rapprochement."

Le 7 octobre dernier, Pierre Alesandri s’était vu refuser son transfèrement en Corse alors que le juge d'application des peines le lui avait d’abord accordé, fin juin. 

Dès lors que cet acte était politique à la base, tout ce qui en découle le sera forcément, quelle que soit la décision qui sera prise.

Eric Barbolosi, avocat de Pierre Alessandri

"La justice est censée être indépendante mais nous sommes dans un dossier extrêmment sensible, qui est politique depuis le début, reprend Me Barbolosi. Dès lors que cet acte était politique à la base, tout ce qui en découle le sera forcément, quelle que soit la décision qui sera prise. Et même quand le judiciaire tente de se départir du politique, il ne peut pas s’empêcher d’y revenir, preuve en est avec la libération conditionnelle refusée à Pierre Alessandri. La cour d’appel a ramené le dossier sur le terrain politique, ne s'étant attachée qu’au crime en le qualifiant d’odieux, d’hors norme et ayant ébranlé durablement les institutions de la République. Elle a donc ramené le dossier dans la sphère politique. Dès lors, il est normal et juste que l’Assemblée territoriale se saisisse de ce problème, qu’elle le fasse à l’unanimité et qu’elle aille porter un message fort aux politiques en France, et en l’occurrence au Premier minsitre qui s’est attribué la compétence de force dans ce dossier en le sortant au ministre de la Justice." Référence ici à Eric Dupond-Moretti, ancien avocat d’Yvan Colonna et actuel garde des sceaux.

La prison de Borgo serait également un obstacle au rapprochement des trois détenus DPS.  Ce que confirme Bruno Questel, député de La République en Marche (LREM). "Il est souvent argumenté que celle-ci n’est pas matériellement aujourd’hui équipée pour recevoir des détenus sous statut de DPS, explique le parlementaire d’origine corse. Dans le cadre d’une mission que m’a confié le gouvernement sur un plan de fonctionnement de l’administration pénitentiaire, je serai le 25 novembre prochain à la prison de Borgo. J’ai interrogé l’administration centrale sur les travaux nécessaires pour l’équiper ; j’attends la réponse. Quoi qu’il en soit, et au-delà de la question de ces trois prisonniers condamnés pour l’assassinat du préfet Erignac, il faut que la Corse soit aussi équipée en moyens pour permettre à des prisonniers insulaires d’être proches de leurs familles, quel que soit le crime qui a été commis."

"C'est une question d'humanité"

Si on ne sait pas encore comment cette résolution solennelle sera dressée au Premier ministre - censé venir en Corse dans les prochaines semaines -, Bruno Questel confirme là encore que le sujet a interpellé dans les murs de l’Assemblée nationale, notamment après l’arrêt du 7 octobre concernant Pierre Alessandri. "Tout le monde a été surpris par la décision de la cour d’appel, y compris au sein de la majorité, précise le député. Je suis en échange et en contact avec certaines personnes qui font partie des autorités de l’État. J’essaie de convaincre, d’apporter des arguments pour souligner la nécessité pour la majorité présidentielle d’être attentive à cette question. Maintenant, avec les collègues insulaires, il nous faut collectivement porter la voix de celles et ceux qui ont une ou plusieurs attaches avec la Corse pour essayer de transmettre ce qui peut être ressenti localement aujourd’hui dans cette différence de traitement caractérisée entre des prisonniers condamnés pour un crime que personne ne pouvait accepté et ceux qui, dans d’autres affaires, peuvent sur d’autres parties du territoire national être proches de chez eux et de leurs familles. C’est une question d’humanité."

Du côté de Simon’Paulu Ferrandi, la mobilisation à venir pourrait aussi passer par des manifestations, mais pas tout de suite : "Pour l’instant, le calendrier reste à définir, mais on va continuer à se mobiliser de manière populaire comme on l’a toujours fait, jusqu’à avoir gain de cause. Aujourd’hui, on attend un soutien fort des élus, que ce soit sur la place publique et surtout à Paris. On attend qu’ils montent cette résolution, qu’elle sorte des murs de l’Assemblée de Corse et qu’elle aille retentir jusqu’au gouvernement."

Aujourd’hui, on voit que ce problème-là touche l’ensemble de la société corse.

Simon'Paulu Ferrandi

Un constat que semble partager Alain Ferrandi, par la voix de son fils : "Mon père était content de voir le soutien qui est unanime. Aujourd’hui, on voit que ce problème-là touche l’ensemble de la société corse. Ce n’est pas un problème nationaliste, c’est un problème qui touche l’ensemble du peuple, peu importe les obédiences des uns et des autres. Ça lui fait chaud au cœur. Après, on reste dans l’attente d’une réponse positive et, tant qu’on ne l’aura pas, nous resterons mobilisés et déterminés."

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