Le Kunstmuseum de Bâle accueille jusqu'au 21 juillet 2013 une grande rétrospective consacrée à l'œuvre du peintre catalan Pablo Picasso. Bâle, une ville qui a tissé avec le Maitre des liens uniques…
Picasso et Bâle, c'est d'abord l'histoire d'un combat : celui pour garder dans la ville deux œuvres du peintre.
Nous sommes en 1967 ; le Kunstmuseum expose deux tableaux de Picasso, qui appartiennent à un collectionneur et homme d'affaire, Peter Staechelin.
Mais en 1967, celui-ci a besoin d’argent et doit vendre ses œuvres, qui valent plus de 8 millions de francs suisses. Il s'agit de l' " Arlequin assis ", une huile de 1923, et de " les deux frères ", un Picasso période rose en 1906…
Pour garder les deux tableaux à Bâle, il faudrait donc les acheter : c’est cette histoire qui est au cœur de la rétrospective Picasso.
Bâle aime Picasso !
Comment réunir plus de 8 millions de francs suisses ? Les Bâlois demandent à la ville de débloquer 6 millions pour financer en partie l'achat des tableaux : un financement approuvé par référendum, en décembre 1967. Un référendum précédé d'une campagne, les uns appelant à voter pour ce financement de l'art par des fonds publics – le club de football FC Bâle par exemple -, les autres s'offusquant de ce " détournement de l'argent public ".
C'est finalement le oui qui l'emporte, et ce sont les Bâlois eux-mêmes qui récoltent les 2,4 Millions de francs suisses manquants, à coup de quêtes, de fêtes, de happening artistiques. Quelques mois avant Mai 1968, les Bâlois font leur révolution… culturelle avec un slogan : " I love Picasso ".
160 œuvres et dessins
Cette mobilisation populaire a semé chez de nombreux Bâlois un amour pour l'art. C'est à eux que la rétrospective consacre tableaux et dessins, datant de 1901 à 1970, et issues de collections locales, de la région bâloise. Picasso est chez lui à Bâle depuis 1917, quand une de ses toiles est achetée par un collectionneur bâlois - " les deux frères " -, justement. Dans les années 20 et jusque dans les années 70, le peintre catalan trouve le chemin des collections privées bâloises : celles qui ont accepté, aujourd'hui, de prêter des toiles au Kunstmuseum dans le cadre de cette rétrospective. C'est donc un Picasso au travers de toutes ses phases créatrices que l'on découvre ici, 160 toiles et dessins, toutes originaires de collections locales.
Au cœur de la rétrospective, des documents qui racontent l'année 1967 à Bâle, la fameuse " année Picasso ".
Kurt Wyss en est l’un des acteurs : ce photographe de presse avait 30 ans en 1967 et travaillait pour un journal local ; ses tirages de l'époque, exposés actuellement aux côtés des œuvres de Picasso, documentent le combat des Bâlois pour les deux tableaux.
Une visite chez le Maitre
Ils racontent aussi la suite : comment Picasso, touché par l'engagement des Bâlois pour ses tableaux, leur a fait don de quatre autres œuvres.
En décembre 1967, après le référendum, Kurt Wyss et son collègue Bernard Scherz rendent visite à Picasso à Mougins, en Provence, pour lui raconter toute l’histoire. Se trouve également à Mougins le directeur du Kunstmuseum, Franz Meyer, à l'origine de la mobilisation pour l'achat de l'" arlequin assis " et de " les deux frères ". Les trois hommes présentent des photos des événements bâlois à Picasso, qui est sous le charme : la cause est entendue, à ces valeureux Suisses, qui se sont battus pour conserver eux de ses toiles, le Maitre va offrir trois tableaux - la " Vénus et l’amour ", " Le couple " et " Homme, Femme et enfant " - et une esquisse pour les demoiselles d’Avignon.
Emportée par cet élan, une collectionneuse bâloise, Maja Sacher, offre elle aussi un Picasso aux Bâlois, " le poète " : en janvier 1968, ce sont sept tableaux qui sont finalement exposés au Kunstmuseum, dans une exposition attendue de tous et intitulée " die Picassos sind da ", " les Picasso sont là " !
Aujourd'hui, les Picasso, les sept chefs d'œuvres bâlois sont à nouveau réunis au sein d'une exposition, jusqu'au 21 juillet 2013.
" Die Picassos sind da ! ", exposition jusqu’au 21 juillet 2013 au Kunstmuseum de Bâle, St. Alban-Graben.
Du mardi au dimanche, de 10 h à 18 heures
www.kunstmuseumbasel.ch