Pour célébrer ses 60 ans, la Patrouille de France ne dérogera pas son habitude : elle proposera un spectacle classique et grandiose, réglé au millimètre. Mais, cette apparente facilité ne doit pas faire oublier que chaque pilote tient alors la vie de ses collègues au bout de son gouvernail.
Lors de la célébration de ses 60 ans à Salon-de-Provence, les 25 et 26 mai, les huit Alpha Jet de la patrouille acrobatique de France - PAF pour les intimes - dessineront une nouvelle fois le tableau habituel des meetings aériens: ils voleront d'abord, lors d'une première partie intitulée le "ruban", en formation serrée, atteignant des vitesses de 800 km/h, tout en maintenant leurs ailes à moins de deux mètres les unes des autres et en libérant un panache bleu, blanc, rouge. Puis les deux "box" de quatre avions se sépareront lors d'une phase plus dynamique, plus percutante, la "synchronisation". En clin d'oeil à l'anniversaire, ils agrémenteront le spectacle d'un "60", tracé au milieu du ciel.
Pour parvenir à réaliser ce spectacle de haut niveau, où chaque pilote tient entre ses mains la vie de ses équipiers, tout en se renouvelant complètement tous les trois ans, la patrouille "se repose sur un processus éprouvé" de transmission homme à homme, explique le lieutenant-colonel Bruno Bézier, directeur des équipes de présentation de l'Armée de l'air. Les trois pilotes sélectionnés chaque année, tous brevetés pilotes de chasse et d'un haut niveau technique, ne sont pas choisis pour "leur technique individuelle", mais pour leur "volontarisme, leur motivation et leurs qualités humaines", explique l'officier.
Retrouvez ci-dessous un reportage de près de 13 minutes retraçant l'historique de la Patrouille de France :
Dernier accident mortel en 2002
"La formation est essentiellement orale (...) de la discussion pure et simple à partir de la vidéo", explique le capitaine William Leroy, second solo de la patrouille 2013. "Ces 60 ans ne sont pas des paroles en l'air, nos anciens nous ont transmis un savoir-faire", renchérit son collègue le capitaine Antoine Hauser. "Chaque équipe essaie de mettre sa patte, tout en gardant un profond respect pour les anciens. Certains ont donné leur vie", poursuit Virginie Guyot. Le dernier accident mortel au sein de la PAF remonte à 2002, lors d'un entraînement.De fait, les pilotes piochent depuis 60 ans "dans un répertoire assez restreint de positions", explique Georges Canepa, membre de la PAF de 1959 à 1961, qui se souvient que c'est à son époque que les premiers panaches de fumées sont apparus, constitués à l'époque de l'huile des réacteurs des avions supersoniques Mister 4 de Dassault. Mais pour parvenir au niveau d'expertise d'aujourd'hui, il a fallu des années, explique le lieutenant-colonel Bézier.
Un programme menacé de disparition
Cette expérience pourrait être perdue en cas d'arrêt, même temporaire, du programme, comme c'est le cas des patrouilles américaines, les US Navy Blue Angels et lesUS Air Force Thunderbirds, clouées au sol depuis le 1er avril en raison de restrictions budgétaires. "On ne peut pas s'arrêter, (...) il faudrait recréer le processus de passation d'hommes à hommes, ce qui demanderait des années. Et on passerait probablement par des épisodes dramatiques", estime le lieutenant-colonel.
Malgré la recherche d'économies touchant le secteur de la Défense, une telle mesure n'est pas à l'ordre du jour. Les patrouilles américaines volent sur des avions d'armes (F16 et F18) "dont le coût en vol n'a rien de commun avec les Alpha Jet français", souligne-t-il.